HADOPI : Ce que mijote Christine Albanel
Le nouveau texte qui complétera la loi Hadopi sera soumis au conseil des ministres du 24 juin. Pas sûr que les internautes soient très heureux de retrouver le chemin du droit pénal... L'Hadopi n'étant plus en mesure de prononcer des sanctions, c'est le tribunal correctionnel qui retrouve cette compétence. La loi Hadopi créait une obligation de surveillance de la connexion internet à la charge de l'abonné à un service en ligne.
Cette obligation, qui évitait de se situer sur le terrain de la propriété intellectuelle, est abandonnée dans le nouveau projet. Christine Albanel et ses juristes en reviennent au fondement basique : le téléchargement redevient ni plus ni moins une contrefaçon. Un délit pénal passible, selon le code, de 3 ans de prison et de 300.000 euros d'amende. L'article L 335-2 du code pénal sera toutefois complété de manière à offrir au juge la possibilité de prononcer, comme l'aurait fait l'Hadopi, une suspension à tout abonnement internet de deux mois à un an. Enfin, si l'internaute contrevient à cette interdiction et parvient, au mépris de la décision de justice, à s'abonner auprès d'un FAI, le juge appliquera alors le droit commun dans ce cas de figure : deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.
Une procédure simplifiée identique aux PV pour excès de vitesse
"Le projet de loi devrait, selon toute vraisemblance, se borner à quatre ou cinq articles", indique une source proche de la ministre. Le Conseil d'État devrait se prononcer sur ce nouveau projet de loi d'ici à lundi. Pour éviter que les procédures soient trop longues, le projet devrait prévoir le recours à l'ordonnance pénale. Il s'agit d'une procédure simplifiée similaire à celle d'une infraction relevée par un agent verbalisateur lors des excès de vitesse. L'ordonnance pénale informera l'internaute, déjà averti par l'Hadopi, qu'il a été reconnu coupable de plus de deux téléchargements illégaux et recevra son injonction. Il pourra la contester devant un juge unique.
Le Conseil constitutionnel, qui a censuré les pouvoirs de sanctions de la haute autorité au nom de la présomption d'innocence, n'avait pas forcément prévu que le gouvernement aurait recours à cette procédure qui rend très difficile l'exercice des droits de la défense. Au bout du compte, la décision des sages durcit le régime du téléchargement illicite. La procédure discrète de l'Hadopi qui ne faisait pas apparaître publiquement le nom des pirates avait aussi l'avantage de ne laisser aucune trace au casier judiciaire. Là, non seulement le nom des internautes sera jeté en pâture mais le délit de contrefaçon sera inscrit au casier... Et gare aux récidivistes ! "La justice frappera peut-être moins souvent que l'Hadopi mais elle aura peut-être la main plus lourde", prévient Pascal Rogard, le directeur général de la SACD.
Albanel veut croire au caractère dissuasif des mails d'avertissement de l'Hadopi
À ce stade, Christine Albanel espère que les mails d'avertissement qui seront adressés aux internautes pris la main dans le sac dès l'automne seront suffisamment dissuasifs pour détourner "le gros du peloton" des voies illégales. "Il n'a jamais été question d'empêcher 100 % du piratage, répète-t-on rue de Valois. Nous sommes bien conscients qu'il y aura toujours des petits malins ou des férus de logiciels pour contourner la loi. Nous espérons que le père ou la mère de famille dont les enfants piratent les oeuvres sera responsabilisé par les avertissements et prendra les mesures de protection nécessaires afin d'empêcher que le téléchargement illégal se renouvelle."
"Je ne peux pas laisser dire à la gauche que la loi Hadopi ne crée aucune valeur sur internet pour les artistes et les auteurs", récrimine Pascal Rogard. C'est justement en ramenant vers l'offre légale une partie des internautes que la loi Hadopi crée les conditions économiques d'un essor des plates-formes payantes. C'est par ce biais que la création artistique trouvera de nouvelles ressources."
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