Admission Post Bac : le ministère de l’Éducation nationale est prié de communiquer le code source,
de l'algorithme qui oriente les lycéens

Mise à jour du 19 / 10 / 2016 : l’Éducation nationale envoie une partie de l'algorithme admission post-bac ... au format papier

Réclamé depuis le début de l’année par l’association Droits des Lycéens, le code source APB (Admission Post-Bac), l’algorithme qui répartit les lycéens qui viennent d’obtenir leur bac dans les universités, a enfin été mis à disposition du public, même si le code source n’est que partiel : seule la partie qui couvre la « génération automatique de classements aléatoires en production, pour les formations non sélectives » a été envoyé.

Après 7 mois d’attentes, l’Éducation nationale lui a fait parvenir les codes sources … par La Poste et au format papier. L’association a demandé de l’aide aux professionnels en informatique pour l’aider à en comprendre les mécanismes. À ce propos, un scan des documents qui lui ont été transmis est disponible sur GitHub. Les professionnels qui souhaitent y participer peuvent le faire via un formulaire sur le site.


apporter sa contribution à l'association (formulaire à remplir sur le site)

Source : GitHub


Fin 2014, l'économiste Thomas Piketty a tenté d’avoir accès au code source du logiciel simulant le calcul de l’impôt sur les revenus des personnes physiques dans l’optique de le réutiliser pour ses travaux universitaires sur la justice du système fiscal français. Une demande à laquelle s’est fermement opposée la direction générale des finances publiques (DGFIP).

Suite à ce refus, il s’est saisi de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) pour avoir son avis. Dans sa réponse à la question au début 2015, la commission a avancé qu’en vertu de l’article 10 relatif à la réutilisation des informations publiques, et à moins que des tiers à l’administration détiennent des droits de propriété intellectuelle sur ce code, le code source peut être communiqué au même titre que les autres documents administratifs.

Aussi, dans le cadre du projet de loi république numérique, en commission mixte paritaire (CMP) le 29 juin dernier, l’amendement du rapporteur Philippe Belot qui vise à considérer le code source utilisé par une entité publique comme revêtant le caractère de document administratif a été adopté. Selon cette décision, les codes source seraient donc par principe communicables au même titre que les rapports, les circulaires, les statistiques, les dossiers, les études, les instructions, les correspondances, les procès-verbaux, etc.

Bien entendu, comme pour les documents administratifs, certains motifs pourraient permettre aux administrations de ne pas se plier à cette exigence, notamment si la divulgation du code source peut, dans le cas d’espèce, porter atteinte « à la sécurité des systèmes d'information des administrations ».

En outre, lors de l’examen en séance plénière du projet de loi numérique, les sénateurs ont adopté un article 2 modifié par amendement, qui va contraindre l’administration à signaler systématiquement aux citoyens lorsqu’ils font l’objet d’une décision prise sur la base d’un algorithme.

C’est dans ce cadre que la CADA a publié un avis qui informe l’association Droits des lycéens qu’elle est bien en droit d’obtenir du ministère de l’éducation nationale la communication du code source de l’algorithme APB (Admission post-bac) qui oriente chaque année plus de 700.000 lycéens dans l’enseignement supérieur. L’association dénonce depuis plusieurs mois « l’opacité » du fonctionnement d’APB et estime que la publication de son code source permettrait de lever les doutes sur la façon dont la répartition des candidats s'opère ainsi que sur la « sélection illégale ».


L’association affirme que « depuis mars 2016, Droits des lycéens s’intéresse de près à l’algorithme d’affectation et donc de sélection des bacheliers dans les filières universitaires en tension, estimant inacceptable l’opacité d’un tel processus et s’interrogeant sur sa légalité.

La décision de la CADA conforte l’association dans sa volonté de transparence, à laquelle le ministère n’a que très partiellement répondu, le code source de l’algorithme restant à ce jour confidentiel. La CADA émet en effet « un avis favorable à la communication de l’ensemble des documents sollicités et prend note de l’intention de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder prochainement à la communication de ces documents au demandeur. »

Bien que la CADA mentionne l’intention du ministère de l’Éducation nationale de communiquer le code source de l’algorithme, faisant peut-être référence à Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur, qui avait promis en décembre 2015 de rendre publique « l’un des secrets défense les mieux gardés : l’algorithme d’APB », Droits des lycéens s’inquiète qu’à ce jour le ministère n’ait publié qu’un simple document récapitulatif, lacunaire et incomplet, laissant de nombreuses parts d’ombre sur le fonctionnement de l’Admission Post-Bac.

Le ministère ayant en sus affirmé oralement aux représentants de l’association son refus de communiquer le code source de l’algorithme, Droits des lycéens se tient prête à mener les actions nécessaires devant les juridictions administratives pour que les candidats à une formation universitaire soient correctement informés des modalités de sélection pratiquées par les universités. Par ailleurs, l’association réitère son intention de saisir très prochainement la CNIL et le Défenseur des droits, afin de faire toute la lumière sur les informations révélées par le journal Libération suite aux découvertes faites par Droits des lycéens. Ces saisines seront effectuées une fois les premiers jugements des recours rendus ».

Selon le code de l’éducation, l’université française est « ouverte à tous les titulaires du baccalauréat ». Aussi, une sélection officieuse s’opère : une règle de priorité fait passer en premier ceux de l’académie, puis, s’ils sont trop nombreux, ceux parmi eux ayant placé la formation en premier vœu. En dernier recours intervient un tirage au sort. Les étudiants en réorientation quant à eux vont passer après les nouveaux bacheliers.

Toutefois, cette règle de priorités et ce tirage au sort, opérés par un logiciel qui n’était pas prévu pour cela au départ, sont « bancals » juridiquement selon maître Jean Merlet-Bonnan, l’avocat de Droits des lycéens. D’ailleurs, trois décisions récentes de tribunaux administratifs lui donnent en partie raison. La première, intervenue à la fin du mois de juin à Bordeaux, jugeait sans fondement légal la procédure de tirage au sort. Les deux autres, en juillet à Paris et en septembre à Nantes, faisaient état d’un « doute sérieux » quant à la légalité de refus d’inscriptions d’étudiants en réorientation.

« Si le ministère ne nous communique pas ce code source, nous pourrons nous appuyer sur cet avis de la CADA pour l’obliger à le faire devant un tribunal administratif », a commenté le président de l’association, Clément Baillon.


Source : lettre de Droit des lycéens (au format PDF), Le Monde (publication de l'avis CADA)

Voir aussi :

La CMP estime que les codes source des logiciels utilisés en administrations publiques sont communicables par principe, d'après l'avis de la CADA