Pourquoi les services publics anglais ont-ils décidé de bannir les applications mobiles au profit des sites web responsives ?
Un ancien responsable explique

Dans une interview accordée à Govinsider, une publication spécialisée dans les services numériques du secteur public et gouvernemental, Ben Terrett, ancien patron du Governement Digital Service (GDS) britannique, qui est en charge de la transformation numérique des différents services publics, s’est expliqué au sujet des rapports entre son ancien service et les applications.

« Nous avons banni les applications au GDS. J’ai dit non », a-t-il avancé. La raison ? Les applications « coûtent cher en production et elles coûtent cher en maintenance parce que vous devez les mettre à jour lorsque surviennent des changements logiciels. Je dirais que si vous les multipliez par 300, vous vous retrouverez tout d’un coup avec une grosse équipe et un apport pécuniaire important pour maintenir cet écosystème ».

L’alternative que le service a choisie se trouve dans des sites web responsives : « pour les services gouvernementaux que nous fournissions, le web est un meilleur chemin… et il fonctionne toujours sur mobile ». L’avantage présenté par les sites web responsives est qu’ils peuvent s’adapter à tout type d’écran, fonctionner indépendamment du dispositif utilisé, mais en plus reviennent moins cher lorsqu’il faut procéder à une mise à niveau comme l’a fait remarquer Terrett qui a rappelé que, dans ce cas de figure, seule une plateforme doit passer par un recodage.

Terrett explique que l’une des clés de cette approche est de penser aux besoins de l’utilisateur et non aux besoins organisationnels. « C’est ainsi que les services numériques sont pensés et conçus de nos jours. C’est ainsi que tout le monde fait, qu’il s’agisse de Google, Facebook, British Airways ou quelqu’un d’autre », a-t-il rappelé.

Une évidence direz-vous ? Il semblerait que la réponse soit « non » dans le secteur public  : « les choses sont souvent conçues pour suivre les silos dans lesquels réside le projet et les utilisateurs s’y trouvent perdus ». Par exemple, ouvrir un restaurant pourrait demander d’obtenir des licences de différents services : un bon service numérique devrait être centralisé et permettre à l’utilisateur de toutes les obtenir en un seul et même endroit.

Parmi les points de réflexion du GDS, le service a jugé bon de retirer toutes les questions et étapes qui n’étaient pas nécessaires dans un processus. Par exemple, dit-il, chaque service a demandé aux citoyens leur état matrimonial, mais cette information n’était une obligation légale que pour une seule application. Cette approche leur a permis de supprimer la moitié des 500 étapes demandées pour obtenir une allocation de soins pour un parent âgé ou un proche handicapé.

Ils ont pensé à enlever tout design superflu. Par exemple, les pages sur Gov.UK, le portail central n'a pas de photos d’eux. La raison ? Les photos constituent une distraction de l'information sur la page et des enquêtes menées auprès des utilisateurs ont suggéré qu’elles réduisent la clarté de la page. « Nous avons eu quelques très belles icônes sur le site au début », a indiqué Terrett, mais « nous les avons utilisées sur une période de tests qui a duré quelques mois et nous avons constaté que, non seulement très peu de gens ont reconnu ces icônes, mais en plus personne n'avait une idée de ce qu'elles signifiaient ».

Depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’aux demandes de permis de conduire, les citoyens s’appuient sur des sites web aux designs simplifiés qui sont très faciles d’utilisation. Selon le Trésor britannique, en choisissant cette approche, le GDS a permis de réaliser une économie de 8,2 milliards de dollars en quatre ans.

Son petit conseil aux services publics ? Toujours se souvenir des besoins des utilisateurs. Ne pas laisser aux services de suggérer des idées sans qu’ils ne puissent définir les avantages que pourraient en tirer les citoyens. La tentation d’atteindre les objectifs internes en contournant la simplicité du service (et qui peut se répercuter sur l’expérience utilisateur avec des applications ou des pages web qui ne sont pas nécessaires) sera toujours présente. « Si vous concevez ce que les gens veulent, toute l’inquiétude concernant la fidélisation des utilisateurs et le volume de trafic va disparaître parce que les gens vont le trouver et y venir ».

Source : Gov Insider