La réponse d'Amazon à la pénurie de livreurs : « Recruter des fumeurs de marijuana »
la pénurie gagne du terrain alors que le volume des livraisons augmente
La pandémie du coronavirus n'a pas que déclenché une pénurie de semiconducteurs et de GPU, elle a également donné lieu à une pénurie de chauffeurs et de livreurs - frappant ainsi de plein fouet les entreprises de la vente au détail comme Amazon et les sociétés de covoiturage comme Uber et Lyft. Les entités de ces deux derniers secteurs cherchent activement des solutions à la crise et Amazon vient de proposer une solution pour le moins inattendue : « si vous voulez combattre la pénurie et augmenter considérablement le nombre de demandeurs d'emploi, faites fi de leur penchant pour la marijuana ».
Alors que l'augmentation de la demande de marchandises pendant la pandémie (notamment le confinement) a entraîné une hausse des volumes à transporter par les transporteurs, l'industrie doit désormais faire face à une pénurie aiguë de conducteurs. Selon les informations rapportées par des médias britanniques et américains, les chauffeurs ont profité du chaos installé par la pandémie pour manifester leur mécontentement vis-à-vis de leur condition de travail. « Ce n'est pas une vie normale pour un humain. C'est comme une prison, ce n'est pas un travail. Vous le faites comme un zombie », a déclaré Aliaksandr Matsiash, un chauffeur.
Matsiash est un exilé biélorusse qui a rejoint en mai le groupe lituanien de transport routier Baltic Transline. Cependant, après deux semaines de formation, suivies de 13 semaines de vie dans un camion basé aux Pays-Bas - le tout pour la modique somme de 2 470 euros - le trentenaire a démissionné. La crise a durement touché le géant détaillant Amazon, du moins ses partenaires de livraison, Uber et Lyft. « Les entreprises ne nous considèrent pas vraiment comme des êtres humains, et elles nous considèrent juste comme du profit », explique Ben Valdez, chauffeur et coordinateur bénévole du groupe Rideshare Drivers United.
« Une fois que tout a commencé à ralentir, je gagnais [...] Je pense que c'était environ 85 dollars pour 12 heures », a-t-il ajouté. Rideshare Drivers United, né en 2017, est un groupe de pression qui défend les intérêts des conducteurs de covoiturage en Californie. L'on estime que les chauffeurs de bus scolaires peuvent gagner plus de 20 dollars par l'heure et sont à la maison pour le dîner. En revanche, les chauffeurs contractuels d'Amazon gagneraient généralement 17 dollars par l'heure et travaillent souvent tard dans la nuit pour répondre à la demande. Ainsi, une solution simple à la crise serait d'augmenter les salaires des livreurs.
Cependant, Amazon n'est actuellement pas d'humeur à accorder une augmentation de salaire. Plutôt que cela, le leader mondial du commerce électronique propose de recruter des "fumeurs de marijuana". Plus précisément, la solution d'Amazon pour remédier à la pénurie de chauffeurs-livreurs qui pourrait être catastrophique est de recruter des fumeurs d'herbe. L'entreprise conseille à ses partenaires de livraison - les "mom-and-pops" qui exploitent les camionnettes bleues d'Amazon - de mettre en évidence dans les nouvelles offres d'emplois le fait qu'ils ne vérifient plus si les candidats consomment de la marijuana.
Selon un message d'Amazon - examiné par Bloomberg, le fait d'agir ainsi peut augmenter le nombre de candidats à un emploi de 400 %. La société n'a toutefois pas expliqué comment elle a procédé pour obtenir cette statistique. À l'inverse, selon Amazon, le dépistage de la marijuana réduit jusqu'à 30 % le nombre de travailleurs potentiels. Cela devrait permettre d'enrôler des milliers de conducteurs avant la période des fêtes. Un partenaire de livraison, qui a cessé de dépister les candidats à la demande d'Amazon, affirme que la marijuana était la principale raison pour laquelle la plupart des gens échouaient aux tests de dépistage de drogues.
Maintenant qu'il ne teste plus que des drogues comme les opiacés et les amphétamines, davantage de chauffeurs réussissent. Cela dit, d'autres partenaires continuent de sélectionner les candidats, préoccupés par les implications en matière d'assurance et de responsabilité dans les nombreux États où la consommation d'herbe reste illégale. Ils craignent également que la fin du dépistage des drogues n'incite certains chauffeurs à se shooter avant de partir en tournée. « Si l'un de mes chauffeurs a un accident et tue quelqu'un et que le test est positif à la marijuana, c'est mon problème, pas celui d'Amazon », a déclaré l'un d'entre eux.
Ce dernier a requis l'anonymat pour discuter de la question, car Amazon décourage les propriétaires de sociétés de livraison de parler aux médias. Les employeurs font miroiter toute une série d'incitations au recrutement dans le contexte de la pénurie de main-d'œuvre post-pandémique, car les primes à l'embauche ne suffisent plus. Ce mois-ci, Target Corp., le deuxième plus gros distributeur discount et le cinquième distributeur général aux États-Unis, a annoncé qu'il paierait les frais d'études universitaires de ses employés. Applebee's a offert des apéritifs gratuits aux candidats dans le cadre de sa campagne de recrutement de 10 000 employés.
Amazon, qui fait actuellement pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il légalise la marijuana, a annoncé en juin qu'il ne ferait plus passer le test de dépistage de cette drogue aux candidats. Il n'a pas fallu longtemps avant que la société incite ses partenaires de livraison à faire de même. Dans un communiqué, une porte-parole d'Amazon a déclaré que les tests de dépistage de la marijuana ont affecté de manière disproportionnée les communautés de couleur, freinant la croissance de l'emploi. Elle a également déclaré que l'entreprise n'avait aucune tolérance pour les employés travaillant en état d'ébriété.
« Si un livreur est en état d'ébriété au travail et que le test est positif après un accident ou à la suite d'une suspicion raisonnable, cette personne ne sera plus autorisée à fournir des services à Amazon », a-t-elle déclaré. L'embauche et le recrutement de chauffeurs-livreurs ont été l'une des principales préoccupations d'une centaine de propriétaires d'entreprises de livraison réunis cette semaine à Las Vegas pour réfléchir à des idées permettant à leurs entreprises de prospérer. En fait, à l'approche de la saison des achats des fêtes de fin d'année, ces propriétaires d'entreprises ont du mal à se démarquer sur un marché du travail tendu.
Comme indiqué plus haut, une solution consiste à augmenter leurs salaires. Toutefois, cela ne peut se faire que si Amazon accepte de payer davantage ses partenaires de livraison pour leurs services, ce que l'entreprise peut être lente à faire. La crise continue également de peser sur les activités de covoiturage d'Uber et de Lyft. Le coût d'un trajet depuis une application de covoiturage comme Uber ou Lyft a augmenté de 92 % entre janvier 2018 et juillet 2021. De nombreux usagers ont également remarqué une augmentation des temps d'attente pour les trajets. La raison principale est la pénurie de chauffeurs.
Selon les analystes, début juillet 2021, les chauffeurs d'Uber et de Lyft étaient environ 40 % en dessous de leur capacité. Les entreprises ont pris note et investissent des millions de dollars en primes et en taux de base pour convaincre les conducteurs de revenir. Mais pour renverser la vapeur, ces sociétés de covoiturage pourraient devoir faire encore plus pour convaincre les conducteurs de revenir. Le site Web d'Uber indique que les chauffeurs gagnent entre 22 dollars par l'heure dans des villes comme Orlando, et 37 dollars par l'heure dans des villes comme New York. Lyft a une longue liste d'incitations et de primes pour les chauffeurs.
Mais pour ceux qui comptent encore sur les plateformes de covoiturage pour gagner leur vie, les entreprises n'offrent pas assez. Par ailleurs, la pénurie de chauffeurs remet en question la durabilité du modèle économique du covoiturage. Aucune des deux entreprises n'a jamais affiché de bénéfices durables. Elles ont plutôt affiché des pertes vertigineuses par rapport à la plupart des autres sociétés cotées en bourse. Uber a perdu 6,77 milliards de dollars l'année dernière, et 8,51 milliards de dollars en 2019, la dernière année complète avant la pandémie. En tant que concurrent, Lyft n'a pas fait mieux non plus.
Lyft a perdu 1,75 milliard de dollars l'année dernière et 2,60 milliards de dollars en 2019, bien que le dernier trimestre, il ait été rentable pour la première fois sur la base de l'EBITDA ajusté, qui ignore les coûts tels que la rémunération à base d'actions et les impôts. La rentabilité était un problème pour ces entreprises même avant la pandémie, lorsque Uber et Lyft étaient en pleine croissance. À l'époque, ces sociétés de covoiturage subventionnaient le prix des courses par des promotions, des remises et même simplement en abaissant le prix des courses pour attirer de nouveaux clients.
Les capitaux qu'ils ont levés ont donc servi, en partie, à rendre les trajets plus abordables pour les clients et à s'assurer que les chauffeurs étaient satisfaits de leur rémunération. Maintenant que Lyft et Uber sont des entreprises publiques, elles doivent se préoccuper davantage de réaliser des bénéfices. Pour redresser la situation, Uber a lancé un programme de stimulation des conducteurs d'une valeur de 250 millions de dollars, et Lyft a investi dans des primes et des incitations plus importantes pour les conducteurs.
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