L’UE pousse pour la mise sur pied d’un « droit à se déconnecter » de leurs appareils en faveur des employés en télétravail
Acculés par les employeurs les week-ends et en dehors des heures de travail
Gestion de la pandémie de coronavirus oblige : le travail à distance s’est imposé à l’échelle globale. Les rapports se multiplient pour faire un état des lieux de cette situation. Un dénominateur commun fait surface : le télétravail vient avec un inconvénient majeur qui est la difficulté pour les employés de séparer vie privée et exigences liées au travail. En toile de fond, les pressions d’employeurs qui les acculent les week-ends et en dehors des heures de travail normales. Les parlementaires de l’UE poussent donc pour la mise sur pied d’un « droit à se déconnecter » de leurs appareils en faveur des employés.
« Aujourd’hui de nombreux gestionnaires contactent de façon régulière leurs employés par courrier électronique ou par téléphone après le travail, le week-end et pendant les vacances. […]. Il n'est pas rare que les contrats obligent les employés à être disponibles après le travail, le week-end et pendant les vacances. La ponctualité est associée à une plus grande productivité et considérée comme une condition nécessaire à l'avancement de la carrière. C'est la raison pour laquelle certains salariés acceptent de supporter le fardeau d'horaires de travail supplémentaires qui empiètent sur leur vie privée », note le rapport des parlementaires de l’Union européenne.
« Après des mois de télétravail, de nombreux travailleurs souffrent aujourd'hui d'effets secondaires négatifs tels que l'isolement, la fatigue, la dépression, l'épuisement professionnel, les maladies musculaires ou oculaires. La pression liée à la nécessité de toujours devoir être joignable, toujours disponible, va croissant et aboutit à des heures supplémentaires non rémunérées et l'épuisement professionnel », ajoutent-ils.
La résolution, qui n'est pas contraignante, a été adoptée par 31 voix contre 6, avec 18 abstentions au sein de la commission de l'emploi du Parlement européen. Elle doit encore être approuvée par l'assemblée plénière, puis soumise à la Commission et aux gouvernements nationaux de l'Union européenne pour une éventuelle approbation.
Ces développements interviennent dans un contexte où le travail à distance n’est même pas reconnu comme un droit légal pour les employés dans certains pays. C’est le cas de la France. La ministre du Travail Elisabeth Borne reconnaît que « le recours au télétravail est un mode d’organisation pertinent pour réduire la propagation du virus » et d’ajouter qu’ « il permet de limiter les contacts au travail, mais aussi aux abords du lieu de travail et dans les trajets domicile-travail. Sa mise en œuvre doit respecter un équilibre entre plusieurs objectifs. Tout d'abord, éviter la propagation du virus, mais aussi maintenir l'efficacité des organisations de travail et enfin, prévenir les risques liés à l'isolement des salariés. Cet équilibre doit se construire dans le dialogue social au sein de l'entreprise. » Un avis partagé par le président français : « le télétravail est un outil pertinent quand il est utilisé intelligemment et négocié au plus près du terrain. » En droite ligne avec ces sorties, la seule contrainte à laquelle les employeurs devaient faire face jusqu’ici était de fixer un nombre minimal de jours de télétravail.
Les choses ont évolué sur cet axe référence faite à la dernière mise à jour du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise : « Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. Dans les autres cas, l'organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l'exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales. »
Le député LFI Bastien Lachaud est pour sa part d’avis qu’une contrainte par voie de décret est nécessaire : « Dans ce domaine, l'action du ministère du Travail semble s'être essentiellement limitée à des appels à la bonne volonté des entreprises : Mme la ministre indiquait encore le jeudi 15 octobre 2020 « qu'il est désormais demandé aux entreprises (...) de définir un nombre de jours minimal de télétravail par semaine pour les postes qui le permettent », mais sans obligation, à travers le dialogue social. Cependant, faute de mesures volontaristes et systématiques, ces appels risquent de rester lettre morte, entraînant un recours insuffisant au télétravail ainsi qu'une inégalité entre les salariés qui sont placés dans ce régime et ceux qui ne le sont pas. M. le député a été interpellé par un habitant de sa circonscription qui partage ces inquiétudes et souhaite interroger Mme la ministre sur les mesures qui pourraient être prises pour limiter les interactions professionnelles. Il écrit : « Une mesure serait pourtant aisée, efficace et réalisable par décret. Toutes les entreprises disposent d'un document unique d'évaluation des risques professionnels, rédigé en concertation avec les représentants du personnel. Il suffirait d'obliger les entreprises à rédiger une nouvelle section de prévention de risques dédiée à la covid-19 qui évalue les possibilités de télétravail. L'inspection du travail pourrait alors juger de l'effort dans la prévention du risque de covid-19, et distribuer des amendes si une présence inutile dans les locaux est imposée. J'ai en effet dans mon entourage des personnes à qui le télétravail est strictement interdit par leur employeur, alors que leur travail est réalisable à distance. Cette interdiction met en danger leur santé et celle de leurs proches, en leur imposant des transports bondés, et en multipliant les interactions au travail. Actuellement, ils n'ont aucun moyen de levier sur leur employeur, les délégués du personnel se heurtant à une fin de non-recevoir. Un tel décret permettrait d'ouvrir du moins un dialogue, et la possibilité d'une inspection du travail, voire d'une amende, si l'employeur continue à s'opposer au télétravail sans raison valable ». Une disposition de cet ordre pourrait être à même de garantir la santé et les droits des salariés et l'égalité de tous face au risque sanitaire. Elle serait de nature à inciter les entreprises à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger leurs salariés et à garantir un recours systématique au télétravail partout où cela est possible. La propagation de l'épidémie de covid-19 en milieu professionnel pourrait ainsi se trouver significativement freinée. Le recours à des mesures restreignant les libertés individuelles et pesant lourdement sur la vie sociale, tel que le couvre-feu, pourrait ainsi s'avérer superflu. Il souhaite donc obtenir l'éclairage de Mme la ministre sur la possibilité d'une telle mesure de prévention de la covid-19 en milieu professionnel. Il souhaite apprendre de la ministre les dispositions qu'elle compte prendre pour systématiser le recours au télétravail partout où cela est possible et garantir l'égale protection de tous les salariés face à l'épidémie. »
Le télétravail en passe de devenir règle nationale en Allemagne
Le ministre allemand du Travail l’avait déjà fait savoir lors d’une sortie au cours du mois d’avril de l’année en cours : les employés devraient avoir le droit de travailler depuis leur domicile, ce, surtout que la pandémie de coronavirus l’impose désormais. Un projet de loi est en cours dans gestation pour aller dans ce sens. Hubertus Heil annonce sa publication dans quelques semaines. L’exécutif français pour sa part ne prévoit pas de mesures contraignantes pour des raisons de conservation des intérêts des collectifs d’entreprises – un pan sur lequel le projet allemand est critiqué en interne.
Le projet de loi vise à garantir que les travailleurs ont la possibilité de travailler à domicile lorsque cela est possible, ainsi qu'à réglementer le travail à domicile. L'une des formules explorées est celle de la limitation des heures de travail. Il vise un renforcement des droits des travailleurs en matière de travail à distance et l’établissement de frontières plus claires entre vie personnelle et professionnelle pour les employés lancés sur ce créneau. Grosso modo, le projet de loi vise à répondre à la question de savoir : comment procéder pour tirer le meilleur parti des progrès technologiques afin de toujours garder la productivité des employés en télétravail à son meilleur niveau ?
Plusieurs politiciens allemands soutiennent cette proposition de loi. Le vice-chancelier Olaf Scholz que la mise sur pied d’une telle loi est une bonne occasion pour le pays de ne plus revenir aux anciennes méthodes c’est-à-dire au présentiel. Katrin Göring-Eckardt, chef du groupe parlementaire du Parti Vert allemand, salue également cette suggestion. Elle demande entre autres le droit à l'internet haut débit pour permettre aux employés de travailler plus efficacement depuis leur domicile. La proposition de loi se heurte néanmoins à des critiques sur au moins deux axes : primo, l’affaiblissement de la capacité des travailleurs à s'engager dans des négociations collectives ; deuxio, la porte ouverte à l’externalisation des emplois vers des pays où les normes de travail sont moins strictes. Les premiers retours font état de ce que le projet de loi ne devrait pas être contraignant pour les employeurs. Toutefois, l’idée de « règle nationale » en matière de télétravail se dessine en Allemagne. Avant la dernière mise à jour du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise, Emmanuel Macron s’était refusé à aller dans le sens de l’Allemagne arguant que c’est une formule susceptible de mettre à mal les collectifs d’entreprise et les employés locaux.
Source : UE
Et vous ?
Que pensez-vous de cette résolution ?
Quelle est votre expérience en matière de télétravail dans le contexte de la pandémie de coronavirus ? Avez-vous affaire à un employeur très présent ?
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