Dans un petit état, presque toujours borné au territoire d'une ville ou de quelques hameaux, la nation, tout entière dans une peuplade pauvre et agreste, ayant les mêmes intérêts, les mêmes magistrats, les mêmes murailles, étant animée du même esprit, et faisant de la liberté son bien suprême, a toujours ses chefs sous les yeux; elle éclaire de près leur conduite; et elle leur ôte jusqu'à l'idée de rien entreprendre contre le devoir. Mais dans un vaste état, la nation, divisée en plusieurs provinces, dont chaque canton, chaque ville, chaque bourg a des magistrats, des rapports et des intérêts particuliers, ne forme pas un tout bien uni : loin de s'intéresser également aux affaires publiques, les membres du souverain n'y prennent le plus souvent aucune part; étrangers les uns aux autres, ils ne sont liés ni par la bienveillance, ni par l'estime, ni par l'amitié, ni par des avantages réciproques, ni par des droits communs, ni par la haine de la tyrannie, ni par l'amour de la liberté; comment donc connaîtraient-ils les devoirs du civisme, l'amour de la patrie ! Dès lors il n'y a plus d'union dans le corps politique, l'homme se montre partout, et partout le citoyen disparaît. Ainsi l'état ayant trop d'étendue, les délégués de la nation ne sont plus sous les yeux; peu à peu ils s'accoutument à agir sans la consulter, déjà ils la comptent pour rien, bientôt ils trahissent sans scrupules ses intérêts, et ils finissent par trafiquer impunément de ses droits" Marat 1774
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