En dépit de l’opposition de la CNIL, la France s’apprête à lancer un programme d’identité numérique par reconnaissance faciale
Avant la fin d’année

La France est en passe de se positionner en Europe en pionnier de l’utilisation de la reconnaissance faciale pour donner aux citoyens une identité numérique « sécurisée. » Le projet dénommé Alicem pour « authentification en ligne certifiée sur mobile » est piloté par le ministère de l’Intérieur et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). C’est le résultat d’un décret publié mi-mai pour instaurer un nouveau moyen d’identification numérique qui permettra de se connecter à différents sites du service public.

« L'application Alicem est en phase de test sur FranceConnect depuis juin 2019 », lit-on sur la page dédiée au projet. Elle n’est pour le moment disponible que sur la plateforme Android.

« Une fois l’application chargée, il s’agira de procéder à une lecture de la puce du [titre d’identité] avec le téléphone. L’application récupérera un certain nombre de données qui seront ensuite vérifiées. La vérification portera notamment sur l’authenticité et l’intégrité du document ainsi que sur la validité en cours de ce dernier. Une reconnaissance faciale poussée via un selfie sera ensuite effectuée. Une fois ces démarches complétées, le serveur central d’Alicem situé au ministère validera la création de l’identité numérique », explique le ministère de l’Intérieur qui ajoute que l’identité numérique est ensuite stockée dans le téléphone. « Les données d’état civil seront chiffrées et disponibles uniquement dans le téléphone. L’utilisateur pourra alors les utiliser pour effectuer ses démarches en ligne auprès de fournisseurs de services administratifs publics comme les impôts ou la CAF, ou privés comme les banques et les assurances », indique-t-il en sus.

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Le problème avec Alicem saute alors à l’oeil : pas d’alternative à la reconnaissance faciale. La Quadrature du Net, association de défense des libertés numériques, a récemment attaqué ce décret devant le Conseil d'État en mettant en avant cet aspect. « L’ouverture d’un compte Alicem nécessite l’utilisation d’un dispositif de reconnaissance faciale, fondé sur le consentement de l’utilisateur ou de l’utilisatrice. [Or], il n’existe aucun autre moyen pour l’utilisateur ou l’utilisatrice de l’application Alicem d’activer son compte sans passer par un dispositif de reconnaissance faciale », fait-elle valoir.

L’an dernier, la CNIL émettant un avis sur le dossier précisait qu’elle « relève que le ministère ne propose pas, en l’occurrence et à l’heure actuelle, d’alternative à la reconnaissance faciale pour créer une identité numérique de niveau élevé au sens du règlement e-IDAS. Il en résulte que la création d’une identité numérique Alicem est subordonnée à un processus de reconnaissance faciale sans qu’aucune autre alternative équivalente ne soit prévue pour permettre la délivrance d’une identité numérique par cette application. Au regard des principes rappelés ci-dessus, le consentement au traitement des données biométriques ne peut être regardé comme libre et comme étant par suite susceptible de lever l’interdiction posée par l’article 9.1 du RGPD. » En guise de possibilités autres que la reconnaissance faciale, elle proposait un face-à-face en préfecture ou en mairie, ou un appel vidéo en direct avec un agent.

Mais il semble que la messe soit dite malgré les oppositions. En effet, le déploiement final serait prévu pour le mois de novembre de l’année en cours. Mais, le ministère de l’Intérieur se veut rassurant en précisant que le système d'identification ne sera pas utilisé pour surveiller les résidents. Contrairement à la Chine et à Singapour, le pays n'intégrera pas la biométrie de reconnaissance faciale dans les bases de données d'identité des citoyens. En fait, le ministère de l'Intérieur affirme que les données de reconnaissance faciale recueillies seront supprimées lorsque le processus d'inscription sera terminé. Mais cela n’empêche pas les observateurs d’émettre des réserves additionnelles, notamment, en ce qui concerne l’aspect sécurité. En effet, plus tôt dans l’année, il n’a fallu qu’une heure à un pirate pour pénétrer le système.

Si les comparatifs avec la dictature chinoise n’ont pas manqué de fuser, il faut dire que la création d’un compte Alicem n’est pas obligatoire.

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Les utilisateurs restent libres de faire usage des alternatives mises à leur disposition :

  • la création d’un compte spécifique sur le service en ligne choisi ;
  • les autres moyens d’identification électronique disponibles sur FranceConnect ;
  • les procédures administratives « physiques » traditionnelles.

Sources : Intérieur, Quadrature

Et vous ?

Qu’en pensez-vous ?

Le parallèle avec la "dictature" chinoise est-il justifié dans le contexte du lancement de cette application ?

Envisagez-vous de procéder à la création d'un compte Alicem ? Si oui, pour quelles raisons ?

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