Des sites web préfèrent fermer au lieu de se mettre en conformité avec le RGPD,
par crainte des sanctions européennes
Le 25 mai 2018, la loi européenne relative à la protection des données la plus importante de ces 20 dernières années entrera en vigueur. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) va alors remplacer la Directive sur la protection des données personnelles actuellement en vigueur et adoptée en 1995. Le RGPD renforce les droits des individus concernant leurs données personnelles. Il vise à uniformiser les lois sur la protection des données au sein de l'Union européenne, quel que soit le pays où les données sont traitées.
Mettre en application une loi aussi stricte semble ne pas être une tâche aisée, c’est ce que suggère l’attitude de plusieurs sites qui, voyant l’échéance arriver, ont préféré fermer.
C’est ce qu’explique par exemple Streetlend.com, un site Web servant de plateforme à des voisins désireux de se prêter des objets les uns aux autres : « Avec tristesse, StreetLend a été fermé en avril 2018, après cinq ans d'activité.
« Malheureusement, le nouveau règlement général sur la protection des données (RGPD) de l'Union européenne, introduit le 25 mai 2018, crée une incertitude et un risque que je ne peux pas justifier.
« Le RGPD menace les propriétaires de sites Web d’amendes de 4% du chiffre d'affaires ou de 20 millions d'euros (selon l’amende la plus élevée) s'ils franchissent un certain nombre de limites ambiguës. La loi, combinée avec les cabinets juridiques parasites, met les propriétaires de sites Web à risque. Les jeunes sites Web et les organismes sans but lucratif ne peuvent pas se permettre d'avoir des équipes juridiques. Par conséquent, le risque posé par le RGPD est inacceptablement élevé.
« Paradoxalement, cette nouvelle loi européenne blesse les start-up mais renforce la domination de Facebook, Google et Twitter, qui sont capables de se préparer et de se défendre en utilisant des équipes juridiques établies et des réserves de liquidités. La loi sur les cookies de l'UE, la réglementation de la TVA de l'UE et maintenant le RGPD de l'UE sont autant d'exemples de lois mal appliquées qui ajoutent de la complexité et des effets secondaires inattendus pour les entreprises au sein de l'UE ».
Capture d'écran streetlender
Le site est loin d’être le seul à avoir pris cette décision. Super Monday Night Combat, une arène multijoueur lancée en 2012 par Uber Entertainment, a également annoncé qu’il fermait son site ce lundi, expliquant que les coûts qu’il fallait engager pour respecter le RGPD sont trop élevés pour continuer l’aventure.
Même son de cloche pour Ragnarok Online, un jeu de rôle en ligne massivement multijoueurs édité et développé par Gravity Cor. Le studio Gravity a annoncé que l'accès au serveur international (iRO) sera bloqué aux joueurs européens à partir du 25 mai prochain. Les joueurs européens concernés par le blocage du serveur international et qui auraient procédé à des dépenses dans la boutique du jeu entre le 1er février et le 30 avril prochain, seront remboursés de leurs achats.
Deux ans seulement après son entrée en Europe, Verve a décidé de mettre un terme à ses activités européennes plutôt que de s'emmêler avec le RGPD.
La société, qui gère une plateforme de marketing mobile alimentée par des données de localisation, a confirmé qu'elle allait fermer ses bureaux de Londres et de Munich et licencier une quinzaine d'employés le 11 mai 2018.
Bien qu'une « variété de facteurs ait joué dans notre décision », Julie Bernard Bernard, directrice marketing chez Verve, a assuré que le RGPD y était pour beaucoup.
« Nous avons décidé que l'environnement réglementaire n'est pas favorable à notre modèle économique particulier », a-t-elle assuré. « Nous concentrons nos efforts sur la force de nos activités aux États-Unis cette fois-ci ».
Le défi pour les entreprises de données de localisation est que, dans le cadre du RGPD, tout ce qui peut être utilisé pour identifier une personne est considéré comme des données personnelles, y compris les données de localisation et les identifiants d'appareils mobiles.
Verve tire la plupart de ses données de localisation d’un SDK intégré par ses partenaires éditeurs. Toutes les données collectées sont associées à un identifiant d'appareil. Le SDK permet aux éditeurs de monétiser leurs applications via le réseau d'annonceurs de Verve.
La société prétend avoir des autorisations robustes en raison de sa connexion directe aux éditeurs. « Notre modèle d'affaires a toujours privilégié la qualité ainsi que les données sécurisées avec le consentement du consommateur », a déclaré Bernard.
Et bien même, une question qui reste importante lors de l’application du RGPD pour les sociétés de données de localisation est de savoir si les consommateurs réalisent ce qu'ils choisissent lorsqu’ils tapent sur « autoriser » ou « OK » après avoir téléchargé une application ou sont conscients que des tiers recueillent leurs informations.
Verve ne veut clairement pas prendre ce risque en Europe.
Sources : StreetLend, Ragnarök Online, Verve, Super Monday Night Combat
Et vous ?
Que pensez-vous de leur décision ?
Avez-vous parcouru le RGPD ? Au niveau des contraintes (techniques ou administratives), comment le trouvez-vous ?
Vos sites et applications sont-ils déjà en conformité avec le RGPD ?
Voir aussi :
L'ICANN ne va pas bénéficier d'un délai supplémentaire pour une mise en conformité au RGPD des données issues du service Whois
Plus de la moitié des applications sur Play Store ne seraient pas conformes au RGPD, le règlement sur la protection des données
RGPD : Un guide pratique pour les développeurs, un article de Bozhidar Bozhanov
L'Assemblée nationale adopte en nouvelle lecture le projet de loi RGPD, après un échec de la commission mixte paritaire la semaine passée
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