Je me posais la question suivante : l’équation cubique est-elle résolue ?
Il est très clair que résolue signifie entièrement résolue. S’il y manque un morceau, si la solution n’est pas complète, alors, même si ce n’est pas agréable à entendre ni à dire, il faudra malgré tout reconnaître que le problème n’est pas entièrement résolu et comme il n’est pas entièrement résolu, il faudra dire qu’il n’est pas résolu.
Je parle bien de l’équation du troisième degré ax3+bx2+cx+d=0 dite équation algébrique à coefficients entiers (car a, b, c et d sont des nombres entiers).
Je me disais que si la solution n’était pas algébrique — comme c’est parfaitement le cas de l’équation du deuxième degré — alors la solution n’est qu’une sorte de pis-aller et une forme de tricherie éhontée.
Je ne vois pas qu’on ait à prendre la tangente et à me planter un sinus (ou un de ses amis décalés) dans la formule sous prétexte que le cas complexe, qui est d’ailleurs le cas le plus simple puisque notre bonne courbe interpelle, autant que faire se peut et sans complexes, le vérificateur horizontal, se serait appelé casus irreductibilis. La latinisation du cas n’est pas suffisante pour qu’on sorte de son chapeau une trigonométrie persona non grata c’est-à-dire non invitée à la joute explicative.
Si la solution n’est pas algébrique, ai-je le droit de dire que le problème n’est pas algébriquement résolu ? Mais comme l’équation est algébrique, je n’ai pas besoin de dire que la solution doit être algébrique, ça devrait être évident car on ne termine pas une partie d’échecs par un coup de go. Donc, puisque je n’ai pas besoin de le dire, la question se formule simplement comme suit : l’équation du troisième degré est-elle résolue ?
C’est intéressant au niveau psychologique, ça en dit long sur l’état d’esprit des humains à savoir cette conscience justificative qui consiste à croire et à faire croire à tout le monde (croire, croire, croire) qu’un problème est résolu à l’aide de l’infâme rustine alors qu’en réalité, la solution n’étant pas complète, il n’est pas résolu.
Et la contradiction, c’est que le problème n’est pas résolu mais qu’on n’a quasiment pas le droit de le dire puisque rares, très rares (rares, rares, rares) sont les livres de mathématiques qui osent conclure : on peut considérer le problème comme algébriquement non résolu. En sorte qu’il y a deux strates dont la première est de savoir si l’équation cubique est résolue et la deuxième est de savoir, si toutefois l’équation cubique n’est pas résolue, si on a le droit de le dire. Mais, pour simplifier, je m’en tiens à ma prime formulation :
l’équation cubique est-elle résolue ?
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