France : la fin des séries S, ES et L au cœur de la réforme du bac et du lycée
quelles conséquences sur l'enseignement supérieur en informatique ?

Depuis quelques jours, les médias sont dans l’attente de la publication du rapport de l'universitaire Pierre Mathiot sur la réforme du bac, un ensemble de pistes qui seront présentées au ministre afin qu'il se prononce à la mi-février. La publication officielle du rapport a été prévue pour aujourd'hui à 14h, mais avant cela, Libération (et probablement d'autres médias) a reçu une copie du rapport.

Nouvelle formule du bac

Ce que Pierre Mathiot propose, c'est un bac nouvelle formule qui devrait rentrer en application en 2021. Les premiers à le passer seraient donc les élèves qui sont en classe de troisième cette année. Le bac proposé est plus léger avec un calendrier étalé sur le temps. D'après Libération, l'examen final sera composé de six épreuves comptant pour 60 % de la note finale :
  • les deux épreuves (écrit et oral) du bac de français, l'examen que les élèves passent à la fin de la classe de première générale et technologique en France, et dont les résultats sont pris en compte l'année suivante, pour leur baccalauréat ;
  • deux épreuves portant sur les matières correspondant aux « majeures » choisies par l’élève (25 % de la note finale), et qui seront passées en terminale, dès le retour des vacances de printemps. Le site d'actualité Le Progrès.fr parle aussi de la possibilité d'être évalué sur une majeure couplée à une mineure au lieu de deux majeures ;
  • la sacro-sainte épreuve de philosophie (la note représentant 10 % du bac) et « un grand oral » qui comptera pour 15 % de la note finale. Ces deux épreuves vont se dérouler également en terminale lors de la deuxième quinzaine de juin.

Le grand oral sera la grande nouveauté du bac 2021 si, bien sûr, le ministre valide cette proposition. Il s'agira d'une épreuve orale de 30 minutes, devant un jury de trois personnes et sur un sujet que les élèves choisissent et préparent (seul ou en groupe) dès la première. Le jury sera composé de deux enseignants du lycée et une personnalité extérieure à l'Éducation nationale. En ce qui concerne le sujet, il devra être interdisciplinaire, avoir un lien avec les majeures et être choisi dans une liste nationale de thèmes. Comme le cite Libération à titre d'exemple, un élève ayant opté comme majeures l'histoire et les maths peut « travailler sur les enjeux du codage militaire pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Fin des filières S, ES, L et technologiques

Au cœur des propositions de Pierre Mathiot se trouve la suppression des filières S, ES, L et technologiques, pour faire la place aux matières « majeures » et « mineures ». Pierre Mathiot souhaite en effet « un lycée des possibles » où les élèves, à travers un jeu de matières majeures et mineures, pourraient personnaliser leur parcours, dans le cadre d'une « liberté encadrée ». L'objectif est, selon l'auteur du rapport, de « former de vrais scientifiques, de vrais littéraires », mais aussi de permettre à des lycéens hésitants de « se promener dans le menu ». Ils pourraient même changer d'avis en cours de cursus.

Avec la suppression des filières S, ES, L et technologiques, le rapport propose également de découper les enseignements en trois unités :
  • une unité générale qui sera une sorte de tronc commun ;
  • une unité dite « d’accompagnement », correspondant au temps scolaire dédié à l’orientation, préparation du grand oral, mentorat, travail en petit groupe ;
  • une unité dite « d’approfondissement et de complément ».

La dernière unité va regrouper les disciplines qui vont permettre aux lycéens de construire progressivement leur projet d’études supérieures. Elle devra être composée d’une majeure (deux disciplines) et deux mineures. Les élèves seront libres de composer leur menu à leur guise, et d’en changer en cours de route, afin de « ne pas se retrouver coincés dans un tunnel comme c’est le cas aujourd’hui », explique Libération, en citant le rapport de Pierre Mathiot. C'est ce qu'il a appelé « droit à l’hésitation ». Les matières choisies en mineure pourraient ainsi être modifiées d’un semestre à l’autre. Quant à la majeure, il serait possible de changer l’une des deux disciplines en fin de première.


Autres changements proposés

Toujours dans l'idée de vouloir construire des parcours scolaires personnalisés, les lycées pourraient avoir la possibilité de définir une partie de l’offre de formation. D'après le rapport cité par Libération, il y aurait 15 à 17 majeures identiques proposées dans tous les lycées. Celles-ci seraient notamment classées en trois catégories : sciences et ingénierie (mathématiques/physique, SVT/physique, informatique/mathématiques…), sciences et technologies (qui regroupent les filières technologiques) et lettres-humanité-société (mathématiques/SES, SES/histoire géo, littérature/langues…). Mais à côté de ces différentes majeures, les établissements seraient libres d'inventer d’autres combinaisons pour être plus attractifs auprès des élèves et coller aux réalités économiques locales.

Étant donné qu'il n'y aura plus de filières S, ES, L ou autres, Pierre Mathiot propose de regrouper les élèves en deux catégories de classe : ceux qui suivent les majeures scientifiques et ceux qui optent pour les majeures non scientifiques. Il préconise aussi de passer à un rythme semestriel de dix-huit semaines : de septembre à janvier et de février à juin, notant au passage que ce découpage de l’année est compatible avec le temps de service des enseignants dans l’état actuel des textes.

Quel impact sur l'enseignement supérieur en informatique ?

L'une des questions que l'on peut se poser à présent est de savoir si ces changements, notamment la suppression des filières S, ES, L et technologiques pourraient contribuer à améliorer le niveau des bacheliers dans l'enseignement supérieur scientifique, y compris en informatique. Le fait est que tous les baromètres internationaux de l'éducation (enquêtes TIMSS, PISA, et bien d'autres études) s'accordent sur le fait que le niveau des Français en sciences est en baisse ces dernières années. Et cela a été confirmé avec une étude publiée au mois d’octobre par l'Académie française des sciences.

L’Académie des sciences a tiré la sonnette d’alarme sur le niveau en sciences des élèves de la filière S en France. Elle a regretté que l’enseignement des mathématiques et de la physique ait été complètement dénaturé, et que la filière se soit progressivement transformée en une filière généraliste dotée d’une légère connotation scientifique. Comme conséquence, les nouveaux bacheliers S arrivent désormais dans l'enseignement supérieur scientifique sans y avoir été véritablement préparés, alors même que les besoins du pays en scientifiques et ingénieurs ne cessent de croître. D’après l'Académie des sciences, ce problème serait le résultat des réformes successives du lycée (2000 et 2010 en seconde). « La filière S ne remplit plus son rôle de formation en sciences au lycée », avait appuyé l’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques en novembre, espérant que la nouvelle réforme puisse corriger ce problème. Mais les propositions actuelles pourraient-elles vraiment permettre de rehausser le niveau en sciences des bacheliers orientés dans les filières scientifiques et en informatique ?

Sources : Libération, Le Progrès.fr

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