Taxation des GAFA : de nouveaux États de l'UE adhèrent à l'initiative française
Malgré ses lacunes
Un rapport publié récemment par le député européen Paul Tang montre que Google a payé des impôts représentant 0,8 % de son chiffre d’affaires réalisé au sein de l’Union européenne (UE) entre 2013 et 2015. Facebook, pour sa part, aurait payé des impôts représentant seulement 0,10 % de ses revenus sur la même période, alors qu’Amazon, l’autre géant d’Internet qui est officiellement basé au Luxembourg, a été carrément exempté d’impôts.
Les multinationales américaines d’Internet sont accusées par les gouvernements européens de ne déclarer leurs revenus que dans des pays à faible taux d’imposition comme l’Irlande ou le Luxembourg. De l’avis des responsables des gouvernements européens actuels, cette situation constitue un manque à gagner substantiel et pénalisant pour les États impactés.
Afin de remédier à cette situation économiquement désavantageuse pour les États de l’UE, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne se sont jointes à la France pour adresser une lettre commune à la présidence estonienne du Conseil de l’UE afin d’exprimer sans détour leur souhait de voir les grandes entreprises technologiques payer des impôts qui soient plus représentatifs des montants qu’elles engrangent. Pour ce faire, ces pays voudraient que les entreprises concernées soient désormais imposées sur la base de leurs revenus et non plus uniquement en fonction des bénéfices qu’elles réalisent dans les pays où ces chiffres d’affaires ont été réalisés. Presque un tiers des pays de l’UE soutiennent actuellement la position et la proposition de la France sur ce dossier, a déclaré vendredi le ministre des Finances français Bruno Le Maire.
Dans leur grande majorité, les États de l’UE semblent s’accorder sur le principe qu’il faudrait taxer davantage les géants de l’Internet. Cependant, les voies et moyens pour y parvenir ne font pas encore l’unanimité au sein des 28, chose qui est indispensable pour finaliser et adopter tout accord éventuel sur le sujet au sein des instances compétentes de l’UE. L’une des missions les plus difficiles pour les défenseurs d'une nouvelle taxe pour les GAFA sera probablement de réussir à convaincre les États plus petits ou plus vulnérables économiquement de l’organisation européenne, qui profitent déjà des impôts ou des retombées des activités de lobbying versés par ces grandes sociétés technologiques. Malgré ce défi, la France a réussi à fédérer de nouveaux partisans parmi les États membres de l’UE autour de la proposition qu'elle défend. En effet, cinq nouveaux États membres de l’UE (Autriche, Bulgarie, Grèce, Slovénie et Lettonie) ont récemment annoncé leur adhésion officielle à l’initiative française.
En parallèle, la solution française soulève un certain nombre de questions importantes pouvant constituer un handicap important pour son adoption plus large dans l’Union européenne. En effet, il semble que les détails de la proposition française ne précisent pas encore la méthode qu’il faudrait adopter afin de procéder à une évaluation par pays des revenus engrangés par les grandes entreprises du Web. Elle ne dit pas non plus comment éviter que des entreprises payant déjà leurs impôts en France soient pénalisées si cette nouvelle mesure venait à être adoptée, et encore moins comment garantir la solidité juridique d’un pareil dispositif de taxation ne visant que certaines entreprises en particulier. Il semble également qu’à l’heure actuelle le gouvernement français soutienne de toutes ses forces un projet qui n’a, au préalable, bénéficié d’aucune étude d’impact.
L’Estonie, qui assure actuellement la présidence tournante de l’UE, prône une approche plus structurelle. Il est question de modifier la notion « d’établissement stable » afin que les grandes entreprises technologiques de l’Internet puissent être taxées partout où elles réalisent des profits et pas seulement dans les pays où elles ont établi leur résidence fiscale et sont physiquement présentes. Dans le cadre de la proposition estonienne, l’absence de présence physique ne serait pas un motif valable qui pourrait dispenser les grandes entreprises du numérique de payer l’impôt sur les sociétés des pays où elles réalisent des bénéfices. Un établissement stable, qu’il soit « virtuel » ou non, constituerait, dès lors, une condition suffisante justifiant de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés.
La Commission européenne devrait présenter dans les prochains jours une liste susceptible de comporter cinq ou six nouvelles mesures. Il y a de fortes chances pour que ces dernières s’inspirent des propositions émanant des parties françaises et/ou estoniennes. D’après Pierre Moscovici, ce document devrait être finalisé avant le sommet de l’UE dédié aux questions numériques, prévu à Tallinn le 29 septembre prochain.
Source : Reuters
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