Les bébés génétiquement modifiés sont interdits, mais les milliardaires de la tech tentent néanmoins d'en créer un en soutenant une startup qui explore la création de « bébés sur mesure »

Preventive, une startup de San Francisco financée par Sam Altman, PDG d'OpenAI, et Brian Armstrong, PDG de Coinbase, s'apprêterait à créer « un bébé génétiquement modifié ». Ils font tous deux partie de ces milliardaires de la tech obsédés par le rallongement de la durée de vie, voire la vie éternelle. L'entreprise viserait à modifier des embryons afin de prévenir les maladies héréditaires et potentiellement améliorer certaines caractéristiques telles que l'intelligence, malgré les interdictions mondiales. Un couple porteur d'une maladie génétique aurait été sélectionné pour participer à ce projet. Mais l'initiative est hautement controversée dans les milieux scientifiques.

La création d'un bébé génétiquement modifié est une pratique illégale en vertu de la législation américaine et interdite dans la plupart des pays du monde. Pourtant, un nouveau rapport du Wall Street Journal indique que la startup californienne Preventive travaille discrètement sur un projet similaire. Selon le rapport, des milliardaires de l'industrie technologique soutiennent activement cette initiative et injectent des millions de dollars dans Preventive.

Preventive affirme que son objectif principal est de mettre fin aux maladies héréditaires en modifiant les embryons humains avant la naissance, une affirmation qui a déclenché un vif débat sur la sécurité, l'éthique et le spectre des « enfants sur mesure ». Le projet suscite également des inquiétudes liées à l'eugénisme.

Preventive, fondée au début de l'année 2025 par Lucas Harrington, scientifique spécialisé dans l'édition génétique, a levé 30 millions de dollars et établi son siège à San Francisco, où elle mène des recherches sur la modification des embryons afin de prévenir les maladies héréditaires. L'entreprise a déclaré que sa mission est de « prouver que cette technologie peut être rendue sûre et transparente avant toute tentative de création d'un bébé modifié ».

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Lorsque la startup a été annoncée, le fondateur Lucas Harrington a publié un message sur X (ex-Twitter) dans lequel il affirme : « nous pensons que si sa sécurité est prouvée, cette technologie pourrait être l'une des plus importantes de notre époque dans le domaine de la santé ». À en croire le rapport du Wall Street Journal, Sam Altman, PDG d'OpenAI, et Brian Armstrong, PDG de Coinbase, font partie des premiers investisseurs de l'entreprise.

En 2024, un rapport a révélé que Sam Altman a investi plus de 180 millions de dollars dans une startup de biotechnologie appelée Retro Biosciences qui mène des expériences afin d'augmenter l'expérience de vie. Il consacre du temps et des ressources financières à la reprogrammation du corps humain depuis quelques années. Ce faisant, il a rejoint le rang des super-riches de la technologie qui rêvent de prolonger l'espérance de vie humaine.

La réglementation et les problèmes éthiques liés à ce projet

Brian Armstrong, qui a publiquement promu la modification génétique des embryons, a déclaré qu'il est « enthousiaste » à l'idée de soutenir Preventive et a ajouté qu'il est beaucoup plus facile de corriger une anomalie génétique dans un embryon que de traiter une maladie plus tard dans la vie. Le mari de Sam Altman, Oliver Mulherin, a déclaré avoir dirigé leur investissement. Selon lui, cela vise à aider les familles à éviter les maladies génétiques.

Mais la loi fédérale américaine interdit à la Food and Drug Administration (FDA) d'examiner « les demandes d'essais cliniques sur des embryons génétiquement modifiés utilisés pour déclencher des grossesses ». Lucas Harrington, qui a obtenu son doctorat sous la direction de Jennifer Doudna, pionnière de l'outil d'édition génétique CRISPR, a nié que Preventive se prépare à implanter un « embryon modifié » ou travaille avec un couple pour le faire.

Il a expliqué que son entreprise se concentre sur la recherche préclinique visant à déterminer si la modification des embryons peut être effectuée en toute sécurité : « nous ne cherchons pas à précipiter les choses. Nous nous engageons à faire preuve de transparence dans nos recherches et publierons nos conclusions, qu'elles soient positives ou négatives ». Cependant, les sources ont rapporté que Preventive a exploré des juridictions étrangères.

La modification génétique d'embryons humains à des fins reproductives est illégale aux États-Unis et interdite dans plus de 70 pays en raison des risques éthiques et sanitaires qu'elle comporte. Preventive aurait exploré des pays comme les Émirats arabes unis, où la modification d'embryons pourrait être autorisée.

Si CRISPR et d'autres outils similaires ont fait progresser la science, la modification génétique germinale reste une ligne rouge à l'échelle mondiale. Cependant, les milliardaires de la technologie soutiennent de plus en plus les startups qui cherchent à bouleverser la bioéthique et la médecine traditionnelles. Par exemple, la startup Altos Labs, lancée par Jeff Bezos, vise à transformer la médecine à travers la programmation du rajeunissement cellulaire.

Une ambition technologique semblable à la frénésie de l'IA

L’ambition de créer des bébés génétiquement modifiés rappelle la frénésie actuelle autour de l’IA : une course technologique menée par des milliardaires persuadés de pouvoir transformer l’avenir de l’humanité grâce à la science. Comme pour l’IA, on retrouve le même mélange d’idéalisme et de compétition, où l’innovation avance souvent plus vite que la régulation. Cette quête de « maîtrise du vivant » traduit une foi quasi illimitée dans la technologie.

Lucas Harrington a déclaré que le travail en dehors des États-Unis est envisagé uniquement en raison de restrictions réglementaires, et non pour échapper à la surveillance. Selon le rapport, la société a recruté des conseillers spécialisés en médecine reproductive et en génétique. Le site Web de Preventive décrit la startup comme une société d'intérêt public, ce qui signifie qu'elle peut légalement donner la priorité au bien social parallèlement au profit.

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Selon les analystes, Preventive et d'autres entreprises de ce type visent « un marché énorme ». Par exemple, le secteur de la fécondation in vitro (FIV) aux États-Unis est en croissance, et les acteurs estiment qu’un jour la modification génétique d’embryons pourrait coûter moins cher qu’actuellement.

Dans un billet sur X, Brian Armstrong a écrit : « plus de 300 millions de personnes dans le monde vivent avec une maladie génétique. Des recherches fondamentales doivent être menées afin de déterminer s'il est possible de mettre au point des traitements sûrs et efficaces pour guérir ces maladies dès la naissance. Il est beaucoup plus facile de corriger un petit nombre de cellules avant que la maladie ne progresse, comme dans le cas d'un embryon ».

La charte de Preventive définit cet objectif comme « l'avancement responsable des technologies d'édition génomique appliquées avant la naissance au profit de l'humanité ». Cette initiative fait écho à un scandale de 2018 survenu dans le secteur médical chinois. À l'époque, le scientifique chinois He Jiankui avait créé les premiers bébés génétiquement modifiés au monde, des jumeaux dont les embryons avaient été modifiés pour résister au VIH.

Les milliardaires de la tech et la génétique reproductive

Après le scandal a éclaté, He Jiankui a purgé trois ans de prison pour exercice illégal de la médecine. Les scientifiques affirment que l'impact de ces modifications sur les enfants, dont l'identité n'a pas été révélée, reste incertain. Pourtant, les milliardaires de la technologie sont plus que jamais attirés par cette aventure incertaine. L'initiative de Lucas Harrington intervient alors que les fonds de la Silicon Valley affluent vers la génétique reproductive.

Manhattan Genomics, cofondée par l'entrepreneuse en biotechnologie Cathy Tie, et Bootstrap Bio, basée en Californie, explorent également l'édition d'embryons. Toutes deux ont attiré l'attention des bioéthiciens et des régulateurs pour avoir évoqué la possibilité de mener des essais en dehors des États-Unis.

Ray Kurzweil, futurologue américain et ancien ingénieur de Google, a déclaré que « l'humanité pourrait atteindre l'immortalité d'ici à 2030 grâce à des nanorobots qui exploitent la puissance de la nanotechnologie, la robotique et la génétique ». Sa prédiction suggère que cette réalité pourrait se concrétiser dans les six prochaines années. Selon certaines statistiques, près de 86 % des 147 prédictions antérieures de Ray Kurzweil se sont avérées exactes.

Selon le chercheur Feng Zhou, la technologie des nanorobots ouvre la voie à des nanodispositifs et microdispositifs plus complexes et utiles. D'autres experts voient des applications potentielles dans la médecine, notamment pour ajouter des enzymes ou des protéines à des cellules déficientes génétiquement. Toutefois, ces avancées technologiques ont suscité ces dernières années de nombreuses préoccupations en matière de sécurité et sur le plan éthique.

Des milliardaires tels qu'Elon Musk, Larry Page, Sergey Brin, Mark Zuckerberg et Jeff Bezos ont certaines choses en commun. Ils ont tous fondé des entreprises technologiques qui ont fait d'eux des milliardaires, mais ils convoitent également la vie éternelle. Elon Musk veut battre la singularité avec son entreprise d'implants cérébraux Neuralink ; Larry Page et Sergey Brin financent des recherches sur le prolongement de la durée de vie humaine.

Les questions soulevées par ce projet et les conséquences

Les partisans de cette approche insistent sur le fait que l'objectif est médical, et non esthétique. Chez Preventive, Lucas Harrington et ses conseillers affirment que les premiers cas d'utilisation cibleraient des maladies monogéniques dévastatrices telles que la mucoviscidose ou la drépanocytose, dans lesquelles les parents porteurs de la même mutation génétique n'ont aucune chance de concevoir un enfant en bonne santé par FIV traditionnelle.

Toutefois, l'initiative est fortement controversée dans les cercles scientifiques. Les détracteurs avertissent que la modification commerciale des embryons risque de déboucher sur l'eugénisme. « Ils mentent, ils se font des illusions, ou les deux », a déclaré au Journal Fyodor Urnov, directeur de l'Innovative Genomics Institute à l'université de Berkeley. « Ces personnes, armées de sacs d'argent très mal utilisés, travaillent à l'amélioration des bébés ».

Selon les scientifiques, une ingénierie génétique non contrôlée risque d'aggraver les inégalités, de modifier les caractéristiques des populations et de contourner la gouvernance mondiale. Même si elle peut réduire le fardeau des maladies, une approche sans consensus saperait les garanties bioéthiques essentielles à la durabilité et à la confiance du public. Une approche fragmentée pourrait conduire à des expérimentations non réglementées.

Preventive pourrait chercher à exercer ses activités dans des pays où la réglementation est laxiste, remettant ainsi en cause les normes mondiales. Les autorités de réglementation aux États-Unis, dans l'Union européenne et en Chine font face à une forte pression pour clarifier les limites juridiques. Cette affaire pourrait entraîner une mise à jour des cadres internationaux régissant l'édition génomique, y compris les directives de l'OMS de 2019.

Source : Preventive

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