Bonjour à tous,

hier soir, sur France2, a été programmée une émission assez particulière (je ne l'ai pas vu, car je n'habite pas en France). Il s'agit d'une reproduction de la très fameuse expérience de Milgram, expérience qui démontre que l'être humain accepte d'effectuer des actes immoraux lorsque l'ordre vient d'une autorité "reconnue". L'idée de cette émission étant de transposer la nature de l'autorité "reconnue". Dans l'expérience initiale, l'autorité était représentée par "la science", c'est à dire des scientifiques en blouse blanche et lunettes représentant "la Science" en tant qu'institution. Dans l'émission de France2, l'autorité était représentée non plus par "la Science", mais par "la télé", en tant qu'institution également; c'est à dire concrètement par l'environnement (plateau télé, public) et par les représentants de cette institutions (présentateur/trice, producteur, etc.).

Jean-Léon Beauvois (chercheur français en psychologie sociale éminemment reconnu*, dont je trouve les travaux absolument géniaux, et dont j'ai déjà eu l'occasion de parler ici) a collaboré à cette émission. Aujourd'hui il propose, sur son blog, un excellent papier qui décrit le pourquoi du comment ainsi qu'une conclusion (qu'il qualifie lui-même de "prudente").

Je vais citer ici la phrase, qui fait partie de sa conclusion, qui m'a interpelé et m'a donné envie de venir en discuter avec vous:
Alors qu’on nous serine, avec de vrais élans propagandistes, que dans nos démocraties « libérales » le pouvoir ne s’exerce plus comme avant et désormais se « négocie », que l’autorité s’effondre en tant que telle, que la permissivité galope avec l’individualisme libérateur, qu’il faut prendre de plus en plus de gants pour diriger et animer des équipes ou des classes, bref que l’obéissance n’est plus une valeur, que nous montrent les reprises de Milgram ? Qu’on obéit toujours autant, et peut-être même plus.
(La dernière phrase a été soulignée par moi).

Entre autres choses passionnantes dans ce papier, la distinction entre pouvoir et influence. Mais surtout, la remise en question implicite des formes de pouvoirs et d'influences qui façonnent nos démocraties, et LA grande question entre liberté théorique et liberté de fait.

Que pensez-vous de tout ceci?



* l'utilisation de ce mot (reconnu) n'est pas anodine. En effet, dans cette expérience on peut se demander, finalement, qui sont les cobayes et qui représente l'autorité. On pourrait, par exemple, considérer que les cobayes sont le présentateur et la présentatrice, puisque tout le monde sait bien que la situation de stress provoquée chez les cobayes (ceux qui envoient les fausses décharges) est très dure et peut déclancher des névroses. Ainsi donc le cobaye serait le présentateur qui, soumis à l'autorité de sa chaine de télé, fait souffrir d'autres cobayes; et le but de l'expérience serait de vérifier quels présentateurs acceptent ça.
Cette expérience ouvre vraiment un énorme champs de questionnements, à plusieurs niveau (niveau individuel et niveau societal).