" Que peut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien. Avec cette pleine
puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la
France, de l'Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France
et n'en sait rien faire.
Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il
touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il
décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le
mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.
L'homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse
étrangère est un carriériste avantageux.
Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne,
ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui
l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des
caprices, il faut qu'il les satisfasse. Quand on mesure l'homme et
qu'on le trouve si petit et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on
le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pas
quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la
foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la
bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde,
d'un homme médiocre échappé ".
(Victor HUGO, " Napoléon, le petit ")
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