Informatique quantique : la France met 1,8 milliard d’euros sur la table pour un plan de cinq ans,
Avec près de 800 millions d’euros consacrés aux seuls systèmes quantiques
Les initiatives se multiplient et les investissements consacrés par les pays aux technologies quantiques sont de plus en plus croissants pour s’assurer une avance dans le secteur. Une preuve de cet engouement et de l'avenir de l'informatique quantique, la dernière annonce faite par le président français Emmanuel Macron d'un plan quantique. Pour mener leurs travaux dans ce domaine d'avenir, les centres de recherches, les startups et les groupes industriels français disposeront d'une enveloppe de 1,8 milliard d'euros sur cinq ans. Un montant qui fait monter l’Hexagone dans les échelons d’investissement dans cette technologie en termes de dépenses annuelles.
L'informatique quantique est le sous-domaine de l'informatique qui traite des calculateurs quantiques utilisant des phénomènes de la mécanique quantique, par opposition à ceux de l'électricité exclusivement, pour l'informatique dite classique. Les phénomènes quantiques utilisés sont l'intrication quantique et la superposition. Les opérations ne sont plus basées sur la manipulation de bits dans un état 1 ou 0, mais de qubits en même temps dans un état de 1 et 0.
A tour de démonstrations et de simulations, ce qui s'annonce comme un pan de l'Histoire de l'informatique est sorti de l'ombre. Jusqu'à présent le match de la suprématie quantique se jouait entre Google et IBM. Désormais, il faudra aussi compter, comme dans bien des domaines, avec la Chine. Les autres pays ne veulent pas non plus se laisser distancer dans cette technologie qui constitue un enjeu de souveraineté.
Lors d'un déplacement à l'Université Paris-Saclay, le président a indiqué, « nous devons être parmi les premiers pays à maîtriser les technologies quantiques clés ». Il a ainsi annoncé un plan d'investissement sur 5 ans de 1,8 milliard d'euros. Ce montant se compose de 1,1 milliard émanant directement des fonds publics français, 500 millions d'euros émanant de fonds privés et 200 millions de crédits européens.
« Nous devons être parmi les premiers pays a maîtriser les technologies quantiques », a expliqué Emmanuel Macron. « Nous devons développer un ordinateur hybride notamment pour la chimie, la logistique, l'IA et ce dès l'horizon 2023. Avec le grand équipement national de calcul intensif et le CEA, la France hébergera le premier ordinateur quantique hybride au monde », a-t-il ajouté, selon l’AFP, devant une partie de l'écosystème français des technologies quantiques.
Si cet investissement est toujours très peu comparé aux initiatives américaines et chinoises dans le secteur, il fait passer la France de son niveau actuel des dépenses publiques allouées pour l'informatique quantique qui atteignait jusqu'à présent 60 millions d'euros par an à 200 millions par an en investissement étatique. Une augmentation qui placerait la France « à la troisième place derrière les Etats-Unis et la Chine », selon un conseiller de l’Elysée cité par l'AFP, qui chiffre, par exemple, à 400 millions de dollars l’effort public annuel des Américains.
Dans les dernières années, le gouvernement chinois a investi d’importantes sommes d’argent dans ce domaine. Et ce n’est que le début : un laboratoire d’une valeur de quelque 10 milliards de dollars américains est en construction dans le pays, a rapporté la société Radio-Canada en décembre.
De son côté, l’administration Trump s’est engagée en 2020 à injecter 1 milliard de dollars US pour financer la recherche sur l’intelligence artificielle et l’informatique quantique sur cinq ans, y compris 625 millions de dollars accordés par le ministère américain de l'Energie pour créer cinq centres de recherche en sciences de l'information quantique. Cet investissement sera complété par 300 millions de dollars de contributions privées, dont une partie sous la forme de dons de l’industrie technologique de la part d'IBM, de Microsoft et d'autres entreprises.
Toujours au cours de l’année dernière, la National Science Foundation a conclu un partenariat avec le Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison-Blanche, pour la création de trois « Quantum Leap Challenge Institutes », des nouveaux centres de recherche dédiés à l'informatique. Il faut noter que Google, IBM, Microsoft et Amazon participent largement eux aussi à l'effort de recherche.
800 millions d’euros consacrés à la construction d’ordinateurs quantiques
Le plan français aura vocation à porter les recherches visant à rendre utilisables les fameux ordinateurs quantiques, dont la puissance de calcul pourrait surclasser celle des supercalculateurs traditionnels. Il prévoit pour cela de consacrer une enveloppe de près de 800 millions d’euros aux seuls ordinateurs quantiques, qu’il s’agisse des premières machines devant voir le jour (simulateurs et machines partiellement quantiques, 350 millions d’euros), ou bien de celles qui apparaîtront à plus long terme (ordinateurs quantiques à part entière, 430 millions d’euros).
Le milliard restant sera quant à lui ventilé entre plusieurs technologies connexes aussi bien matérielles que logicielles : les capteurs (250 millions d’euros), la cryptographie post-quantique (150 millions d’euros), les communications quantiques (320 millions d’euros) et les technologies annexes qui permettent de construire les équipements quantiques (cryogénie par exemple, 300 millions d’euros).
Le plan quantique doit notamment permettre de financer « une centaine de bourses de thèse et une cinquantaine de contrats post-doctoraux », auxquels pourront venir s’ajouter « une dizaine d’excellents chercheurs qu’on pourrait faire venir par an », selon un conseiller de l’Elysée cité par l’AFP.
« Ce plan est un signal fort qui va nous permettre de fédérer les énergies », s’est réjoui Charles Beigbeder, le créateur de Quantonation. Le soutien à la formation des chercheurs rassure ce fonds d'investissement spécialisé qui redoutait de voir se tarir le nombre de chercheurs prêts à lancer des startups.
« Il nous faudra aller plus loin en développant l'ordinateur quantique universel et passer a l'échelle industrielle », a lancé le président de la République. « La France est considérée comme un des rares pays capables de relever ce défi. Grâce a l'excellence de notre recherche théorique et technologique, notre industrie microélectronique, la France pourrait devenir le premier Etat à disposer d'un prototype complet d'ordinateur quantique généraliste ».
Les initiatives se multiplient dans le domaine
Les technologies quantiques doivent permettre de construire des ordinateurs de nouvelle génération dont les capacités de calcul sont bien plus importantes que celles des plus puissants supercalculateurs actuels. De quoi permettre de nouvelles applications industrielles. L’un des derniers groupes à avoir revendiqué une percée majeure dans le domaine est Google, qui soulignait en 2019 avoir construit un appareil capable d'effectuer en 200 secondes un calcul qui prendrait en temps normal 10 000 ans.
En décembre dernier, une équipe de recherche en Chine a atteint la suprématie quantique en utilisant un ordinateur quantique photonique, a rapporté l’agence de presse Xinhua. L’ordinateur photonique serait près de 100 000 milliards de fois plus rapides que Fugaku, le superordinateur le plus avancé au monde. De quoi remettre en question la domination de Google et IBM sur ce secteur.
En septembre dernier, IBM, un des pionniers de l'informatique quantique, a présenté une nouvelle feuille de route après avoir atteint son volume quantique le plus élevé à ce jour. Cette feuille de route comprend un dispositif de 1 121 qubits (pour une sortie prévue en 2023) ainsi que des composants et des systèmes de refroidissement. L'objectif d'IBM est de construire un système quantique d'un million de bits. L'entreprise considère la barre des 1 000 qubits comme un point de basculement pour surmonter les obstacles qui limitent la commercialisation des systèmes quantiques.
Pour IBM, sa feuille de route quantique est d'autant plus essentielle, car la concurrence sur le marché encore naissant s'intensifie. Honeywell a récemment présenté ses systèmes quantiques et il existe une multitude d'acteurs, dont Google, IBM et son système Q, Microsoft, Intel, AWS et d'autres qui cherchent à commercialiser leurs produits sous une forme ou une autre. De son côté, Toshiba a annoncé le déploiement prochain de plateformes commerciales de distribution de clés quantiques (QKD – quantum key distribution) en vue de s'assurer une part de marché qui devrait atteindre 20 milliards de dollars d'ici 2035.
Source : Emmanuel Macron
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