Il y a là de quoi inquiéter. On comprend, à lire l’ouvrage, que la pratique du management repose sur une sorte de myopie morale. La question de la liberté individuelle est évacuée, au profit d’une liberté communautaire largement illusoire. Il engendre aussi l’apparition d’un type humain malheureusement bien connu, celui du manager stressé, suicidaire, bourreau de soi et de ses subordonnés. Il institue une sorte d’état d’exception permanent, dans l’entreprise comme dans l’État, où le droit se meurt, au profit d’un certain culte de la performance et du résultat.
Surtout, il y a là une perversion abyssale. Parlant de Höhn et consorts,
Chapoutot écrit : « Ils ont élaboré, paradoxalement, une conception du travail non autoritaire, où l’employé et l’ouvrier consentent à leur sort et approuvent leur activité, dans un espace de liberté et d’autonomie a priori bien incompatible avec le caractère illibéral du IIIe Reich, une forme de travail “par la joie” qui a prospéré après 1945 et qui nous est familière aujourd’hui à l’heure où l’“engagement”, la “motivation” et l’“implication” sont censés procéder du “plaisir” de travailler et de la “bienveillance” de la structure. »
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