Twitter a décidé de bannir les annonces à caractère politique de sa plateforme dès le 22 novembre,
et tacle Facebook au passage
Les entreprises de médias sociaux ont vu leurs politiques en matière de révision et de suppression de contenu devenir la cible de critiques ces dernières années, en particulier lorsqu'un tel contenu soutient des points de vue haineux ou incite à la violence dans le monde réel. La question est encore plus épineuse quand elle implique des dirigeants mondiaux comme le président Donald Trump, qui a utilisé le langage de l'intimidation ou de la violence dans les médias sociaux.
Fin septembre, Facebook a enfin écrit noir sur blanc ce dont les utilisateurs, en particulier les utilisateurs politiquement puissants, se doutent depuis des années : les « normes » de sa communauté ne s’appliquent pas à l'ensemble de la communauté. Les discours des politiciens sont officiellement exemptés des normes de vérification des faits et de décence de la plateforme, a précisé la société, à quelques exceptions près.
Le vice-président des communications de Facebook, Nick Clegg, lui-même un ancien membre du Parlement britannique, a présenté la politique dans un discours et publié sur le blog de Facebook comme le témoigne quelques passages de son discours :
« Nous nous appuyons sur des vérificateurs de données tiers pour nous aider à réduire la propagation de fake news et autres types de désinformation virale, tels que des mèmes ou des photos et vidéos manipulées. Cependant, nous ne pensons pas que le rôle d'arbitre des débats politiques nous revienne, ce qui reviendrait à empêcher ainsi le discours d’un homme politique d’atteindre le public et de faire l’objet d’un débat et d’un examen minutieux. C’est pourquoi Facebook exempte les politiciens de notre programme de vérification des faits par une tierce partie. Cette politique est inscrite dans les livres depuis plus d'un an et a été publiée sur notre site, conformément à nos directives en matière d'admissibilité. Cela signifie que nous n'enverrons pas de contenu organique ni d'annonces de responsables politiques à nos partenaires tiers chargés de la vérification des faits pour examen. Cependant, lorsqu'un politicien partage un contenu précédemment démystifié, notamment des liens, des vidéos et des photos, nous prévoyons de rétrograder ce contenu, d'afficher des informations connexes issues de vérificateurs de faits et de rejeter son inclusion dans les publicités ».
Vice-président des communications de Facebook, Nick Clegg
Twitter réagit
Le PDG de Twitter, Jack Dorsey, a apparemment examiné la controverse qui entoure actuellement Facebook au sujet des diffusions politiques sur sa plateforme et a décidé qu'il n'en voulait pas.« Nous avons pris la décision d'arrêter toute publicité politique sur Twitter au niveau mondial », a annoncé Dorsey, naturellement dans un tweet.
Il a présenté cette décision comme une opportunité pour toute personne disposant d'un message plutôt que comme une pénalité, ajoutant : « Un message politique gagne en portée lorsque des personnes décident de suivre un compte ou de le retweeter. Payer pour atteindre un auditoire supprime cette décision, forçant des messages politiques hautement optimisés et ciblés. Nous pensons que cette décision ne doit pas être compromise par de l'argent ».
L’interdiction s’applique non seulement aux candidats et à leurs campagnes, mais également aux « annonces » de tout groupe, a ajouté Dorsey, estimant que celles-ci « constituent un moyen de contourner » l’interdiction de la publicité politique et constitueraient une situation dans laquelle « tout le monde, sauf les candidats » pourrait payer pour avoir leur point de vue sur une question promue. Il a également lancé une pique à Facebook:
« Par exemple, il n’est pas crédible pour nous de dire: "Nous travaillons fort pour empêcher les gens de jouer avec nos systèmes pour diffuser des informations trompeuses, maiiiiiiiis si quelqu'un nous paye pour cibler et forcer les gens à voir leur publicité politique ... eh bien ... ils peuvent dire ce qu’ils veulent ! " »
Selon lui, il n'est pas question ici de liberté d'expression : « il s'agit de payer pour atteindre un public. Et payer pour augmenter la portée du discours politique a des conséquences importantes que l'infrastructure démocratique actuelle n'est peut-être pas prête à gérer. Cela vaut la peine de prendre du recul pour mieux y réfléchir ». Les analystes ne s'attendent pas à ce que cette interdiction, qui va entrer en vigueur le 22 novembre, réduise considérablement les activités de Twitter.
Cette position s'oppose directement au leader des médias sociaux Facebook, qui exempte explicitement les publications et les annonces faites par les politiciens de ses normes communautaires et de son processus de vérification des faits. Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a à plusieurs reprises montré la position de sa société face à une vague de critiques de la part des législateurs, des candidats politiques et même des employés. Lors d'une audition devant le Congrès la semaine dernière, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez (D-N.Y.) a directement interrogé Zuckerberg sur la politique de la société.
« Voyez-vous un problème potentiel avec l'absence totale de vérification des faits dans les annonces politiques ? », a demandé Ocasio-Cortez.
« Eh bien, membres du Congrès, je pense que mentir est mauvais », a répondu Zuckerberg. « Je pense que si vous venez à mentir, ce serait mauvais », mais ce serait différent d'empêcher les gens de « voir que vous avez menti », essaya-t-il d'expliquer.
« Donc, vous allez éliminer les mensonges, ou vous ne les réduirez pas? Je pense que ma question nécessite un simple oui ou non », a insisté l'élue.
« Dans une démocratie, je pense que les gens devraient être capables de juger par eux-mêmes ce que disent les politiciens pour lesquels ils pourraient voter ou non », a-t-il répondu. Toute action que Facebook pourrait entreprendre « dépend du contexte » dans lequel un élément de contenu malhonnête est publié, a-t-il ajouté.
Des efforts appréciés
Facebook a annoncé des efforts pour lutter contre la désinformation après qu'il ait été rapporté qu'une propagande orchestrée par la Russie sur sa plateforme ait eu une incidence sur les résultats de l'élection présidentielle américaine de 2016, remportée par le républicain Trump. Facebook a toutefois décidé de ne pas vérifier les annonces diffusées par les politiciens, provoquant l'ire des candidats démocrates aux élections présidentielles de 2020, tels que l'ancien vice-président Joe Biden et la sénatrice Elizabeth Warren.
« Nous saluons le fait que Twitter a décidé de ne pas autoriser la diffusion d’annonces à caractère politique sur leur plateforme, comme celle de la campagne Trump », a déclaré Bill Russo, directeur adjoint des communications de la campagne Biden, dans un communiqué.
Biden a fait face à des attaques de Trump, présentées sans preuve, à propos des relations commerciales de son fils Hunter avec le marché étranger.
« Il serait malheureux de suggérer que la seule option disponible pour les entreprises de médias sociaux consiste à retirer complètement la publicité politique. Toutefois, face à un choix entre l’argent publicitaire et l’intégrité de notre démocratie, il est encourageant qu’une fois pour toutes , les recettes n’ont pas été gagnées », a déclaré Russo.
Source : Jack Dorsey
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