Fraude fiscale : les locaux parisiens de Google ont fait l'objet d'une perquisition,
par une centaine de fonctionnaires du fisc et de la BRGDF

Les locaux parisiens de Google, situés dans le 9e arrondissement, ont fait l’objet d’une perquisition à la suite d'une plainte de Bercy, qui soupçonne l’entreprise d'évasion fiscale. Le Parisien indique qu’une centaine de fonctionnaires du fisc et de la brigade de répression de la grande délinquance financière (BRGDF) ont investi les lieux tôt dans la matinée. Ils étaient accompagnés de cinq juges du parquet national financier, avec le soutien de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ainsi que de 25 experts en informatique.

Pour rappel, une source proche du dossier a affirmé que l’administration fiscale française lui réclame 1,6 milliard d'euros, un montant que n'avait pas confirmé Bercy, qui invoque le secret fiscal. Cette optimisation fiscale des entreprises technologiques américaines avait été dénoncée par le Conseil National du Numérique qui affirmait que « selon diverses données, les revenus générés par quatre de ces acteurs (Google, iTunes, Amazon et Facebook) oscilleraient entre 2,5 et 3 milliards d’euros en France, acquittent en moyenne 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés alors qu’ils pourraient être, si on appliquait le régime français, être redevables d’environ 500 millions d’euros ».

Qu’en pense le Conseil d’État ? La Haute Assemblée a jugé que les opérations commerciales réalisées matériellement à l'étranger, mais décidées, traitées et contrôlées directement en France ne pouvaient être détachées de celles qui sont effectuées dans ce pays ni, par conséquent, être considérées comme constituant un cycle commercial distinct échappant à l'impôt français.

Dans la jurisprudence, voici un cas qui a été pris : « une société, concessionnaire exclusif en France pour la vente, le montage et la réparation de matériels d'une firme allemande, avait constitué dans les anciens territoires de l'union française un réseau de concessionnaires indépendants avec qui elle avait, en tant qu'agent général de la firme allemande, passé des contrats aux termes desquels, moyennant le paiement d'une commission, elle faisait livrer auxdits concessionnaires les matériels, fixait les prix, établissait les factures « pro-forma » et procédait éventuellement aux démarches nécessaires pour l'obtention des licences d'importation. Le Conseil d'État a considéré que les opérations effectuées outre-mer étant organisées, contrôlées et gérées par le siège de l'entreprise en France devaient, bien qu'elles fussent réalisées selon des modalités différentes de celles utilisées dans notre pays, être regardées comme constituant, non un cycle commercial distinct, mais le simple prolongement des opérations effectuées par ladite entreprise en France, où se situait le centre de décision ».

« Dans le même ordre d'idées, il a été jugé que les bénéfices résultant d'opérations d'importation en Algérie de blés en provenance des États-Unis, réalisés dans le cadre d'une association en participation avec une société étrangère par une société française d'importation, d'exportation, de négoce et de courtage, provenaient d'une entreprise exploitée en France, dès lors que lesdites opérations avaient obtenu l'autorisation de l'Office français des céréales, à la suite de démarches faites en France et avaient bénéficié de subventions également encaissées dans notre pays (CE, arrêt du 3 mars 1976, req. n° 98680 ; dans le même sens ».

En clair, s’il est démontré que les opérations commerciales de Google en France y sont « décidées, traitées et contrôlées directement en France », alors Bercy pourrait, dans la limite de la prescription, reloger en France tous les revenus jusqu'à ce jour rapatriés à l’étranger.

En mars 2014, la filiale française de Google avait reçu une « notification » de redressement fiscal par l'administration française, dont le montant n'avait pas été dévoilé. Par la suite, le 16 juin 2015, plusieurs perquisitions et saisies avaient été réalisées dans les locaux parisiens de Google France, dans le cadre d'une enquête préliminaire sur des faits de fraude fiscale aggravée et de blanchiment en bande organisée de fraude fiscale aggravée comme l'a détaillé le communiqué du parquet.

L'objectif des enquêteurs est de pouvoir déterminer si les bureaux français de l’entreprise peuvent être qualifiés d'établissements stables. Par établissement stable, Bercy désigne « une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité »

Il s'agit de vérifier si « en ne déclarant pas une partie de son activité réalisée sur le territoire français, elle a manqué à ses obligations fiscales, notamment au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée », a commenté une source au parquet financier.

Depuis la loi du 6 décembre 2013, les faits de fraude fiscale aggravée commis en bande organisée sont passibles d’une amende de 2 000 000 euros et sept ans d’emprisonnement, notamment lorsqu’ils auront été réalisés au moyen « d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ».

Source : impôts (jurisprudence), Reuters, le Parisien, impôts (dispositions communes - au format PDF -)

Voir aussi :

Le commissaire européen à la Concurrence pourrait ouvrir une enquête sur les arrangements fiscaux entre Google et la Grande-Bretagne