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Sur le plan anatomique, la morphologie d'un cerveau est très variable selon les individus et rien n'apparaît typiquement appartenir à un sexe ou à l'autre. Si l'on regarde un cerveau conservé dans le formol, impossible de deviner si c'est un cerveau d'homme ou de femme. Dans des études déjà anciennes, datant de plus de vingt ans, des anatomistes avaient observé que le faisceau de fibres qui relie les deux hémisphères (le corps calleux) est plus épais chez les femmes que chez les hommes. Depuis, ces travaux ont été totalement démentis. Avec la multiplication des observations et en particulier des études par l'imagerie cérébrale (comme l'IRM), des milliers de sujets ont été examinés. Statistiquement, on ne peut pas trouver de différences anatomiques significatives entre les sexes. Pourquoi ? Parce qu'il existe une telle variabilité dans la forme et la taille du cerveau entre les individus d'un même sexe qu'elle l'emporte sur la variabilité entre hommes et femmes. Bref, homme ou femme, le cerveau ne voit pas la différence.
On continue d'affirmer que, si les femmes sont douées pour le langage, ce serait à cause de leur hémisphère gauche plus performant. Et les hommes se repéreraient plus aisément dans l'espace grâce à un hémisphère droit dominant...
Cette théorie des deux cerveaux remonte à 1968... Elle postule que chaque hémisphère joue un rôle particulier : l'hémisphère gauche serait le spécialiste du langage et de la pensée rationnelle, le droit le siège de la représentation de l'espace et des émotions. Cette vision du cerveau a séduit beaucoup de monde car elle cristallise une représentation bipolaire du monde.
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Aujourd'hui, notre conception du fonctionnement du cerveau est tout autre. La représentation du cerveau comme une sorte de mosaïque avec des zones spécialisées et immuables est complètement dépassée. Grâce à l'IRM, nous savons qu'une fonction n'est jamais localisée dans une seule région et que les deux hémisphères sont en communication permanente. On s'aperçoit que le cerveau fonctionne avant tout de façon dynamique, en construisant des chemins, en créant des liens entre les différents territoires, qui se font et se défont au cours du temps. C'est la participation collective de nombreuses zones cérébrales qui donne un sens à une fonction. Mais, surtout, notre cerveau est largement «façonné» par l'expérience. Seuls 10 % de nos connexions neuronales existent à la naissance, les 90 % restants vont se construire progressivement en fonction des stimulations qui viennent du monde extérieur. L'expérience vécue et l'apprentissage contribuent en permanence à fabriquer des synapses. Dans son développement, le cerveau va intégrer les influences issues de l'environnement proche, de la famille, de la culture, de la société. C'est cette «plasticité cérébrale» qui fait que le cerveau est le reflet de notre histoire individuelle. Le résultat est que nous avons tous des cerveaux différents, anatomiquement, mais aussi fonctionnellement.
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