La formule la plus prisée pour les employeurs est celle consistant à favoriser les statuts juridiques renforçant la dépendance à leur égard : concrètement les titres précaires dont le renouvellement est non seulement lié au travail mais qui plus est lié à un contrat de travail spécifique, renforçant la crainte du salarié à perdre son emploi. Des « super CPE/CNE », pourrait-on dire.
Tel est en particulier le cas de la carte de séjour « travailleur temporaire ». Ce titre existait déjà depuis les années 1990 à travers des textes réglementaires mais il était resté d'une utilisation dérogatoire et assez peu répandue bien qu'en forte croissance. Avec la nouvelle réforme, ce titre entre pour la première fois dans la loi.
Ce titre est lié au contrat de travail, sa durée est celle du contrat de travail, et dans tous les cas d'une durée maximale de 9 mois, durée maximale qui va pouvoir passer à 12 mois avec la nouvelle réforme. Cette réforme réserve ce titre de séjour aux contrats en CDD de moins de 12 mois (dans le cas contraire, l'étranger se voit attribuer une carte mention « salarié »).
La sujétion de l'étranger à l'employeur est très forte car, en cas de chômage, il perd son droit au séjour et ne peut d'ailleurs percevoir les allocations du régime d'assurance chômage auquel il a pourtant contribué, parfois pendant des années. Ce titre « travailleur temporaire » ne permet pas non plus de changer d'employeur, sauf à devoir courir le risque de se voir opposer un refus et de se retrouver en situation irrégulière au regard du séjour. Cette restriction rend le salarié particulièrement vulnérable dans sa relation de travail avec l'employeur puisque son droit au séjour dépend du bon vouloir de l'employeur à prolonger le contrat de travail ou de l'administration employeuse (université, hôpital, etc.) à renouveler le contrat temporaire.
Dans un premier temps, le projet de loi prévoyait le retrait de ce titre - ainsi que de la carte de séjour « salarié » (réservée aux contrats de travail d'un an ou plus ) - en cas d'interruption de la relation contractuelle. Devant les protestations de qui apparaissait comme l'illustration parfaite du « travailleur jetable », attrayant pour l'employeur mais dont la fin de l'emploi sonne le glas du droit au séjour, cette disposition a été modifiée lors de débats parlementaires. Un amendement est venu préciser que, « si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant son renouvellement », la carte doit être renouvelée. Reste que le problème persiste lorsque la rupture intervient plus de trois mois avant l'échéance du titre de séjour ou bien si elle n'est pas le fait de l'employeur. En perdant son emploi, le travailleur ne perd pas « que » son emploi. La crainte qui en résulte le rend d'autant plus docile, qu'avec la carte « travailleur temporaire » le salarié ne peut changer d'employeur. Autant dire que le statut de migrant jetable ainsi conçu place bien le salarié dans une position de plus forte subordination vis-à-vis de l'employeur. Avec des conséquences négatives sur les conditions de salaire et de travail du migrant concerné d'abord, mais aussi par contagion et concurrence, sur de celles de l'ensemble des travailleurs.
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