Chambre sociale, 16 juin 2004 (Bull. n° 171)
La Chambre sociale, par un arrêt rendu le 16 juin 2004, a affirmé le principe selon lequel le temps de trajet entre l'entreprise et un autre lieu de travail ou entre deux lieux de travail est un temps de travail effectif.
La question de la qualification juridique du temps de trajet fait l'objet d'une construction jurisprudentielle importante qui s'inscrit dans la définition générale de la notion de durée du travail effectif, actuellement fixée par l'article L. 212-4 du Code du travail tel que modifié par la loi du 13 juin 1998. Aux termes de cet article, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
La prise en considération du critère de disposition à l'égard de l'employeur est le fil conducteur de la définition par la Cour de cassation de la qualification juridique des temps de trajet. Ainsi, par un arrêt du 5 novembre 2003, la chambre sociale a rappelé que le temps de trajet compris entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif tout en apportant des réserves à ce principe (Soc. 5 novembre 2003, Bull. n° 275).
Si, a priori, le temps de trajet ne constitue pas en soi un temps de travail, il en est autrement du trajet entre deux lieux de travail ainsi que du temps inhabituel de trajet entre le domicile et le lieu de travail. Ce terme d'inhabituel n'est sans doute pas très précis, mais il ne pouvait en être autrement dans un domaine aussi tributaire de données de fait qu'il appartiendra à la sagesse des juges du fond d'apprécier.
En ce qui concerne le trajet entre deux lieux de travail, la Cour de Cassation prenait soin jusqu'à présent de rechercher "l'empreinte" de l'employeur sur les conditions de trajet en relevant les éléments de fait de nature à démontrer que, pendant cette période, le salarié se tenait à la disposition de l'employeur pour participer à l'activité de l'entreprise. Il en était ainsi des tâches de chargement ou déchargement de matériel, de transport de membres du personnel, exécutées à l'occasion du trajet ou encore des trajets effectués par le salarié avec le véhicule de l'entreprise.
Désormais, avec l'arrêt du 16 juin 2004, le temps de travail entre l'entreprise et un lieu de travail constitue un temps de travail effectif dès lors que le salarié est tenu de se rendre pour l'embauche et la débauche dans l'entreprise. Il en est de même pour tout temps de trajet entre deux lieux de travail, quels qu'ils soient, le salarié se trouvant, de ce fait, à la disposition de l'employeur et ne pouvant vaquer à des occupations personnelles.
La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 a apporté une modification à l'article L 212-4 , qui comporte désormais un nouvel alinéa aux termes duquel " Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie financière soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut ,par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'ils existent. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire". Et on notera que dans sa décision 2004-509 DC du 13 janvier 2005, le Conseil constitutionnel a écarté le grief dirigé contre cette disposition en relevant notamment que "la circonstance qu'un déplacement de même durée puisse entraîner une contrepartie différente suivant que les salariés ont établi leur domicile en un lieu plus ou moins éloigné de leur lieu de travail n'est pas constitutive d'une rupture d'égalité, dés lors qu'elle résulte d'une différence de situation inhérente à la liberté de choix du domicile" (cf considérant n° 19).
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