Spotify dépasse les 236 millions d’utilisateurs payants mais recommence à perdre de l'argent,
l'entreprise livre bataille contre Apple au sujet des modifications apportées à l'App Store pour se conformer au DMA

Spotify a annoncé mercredi avoir dépassé les 236 millions d’utilisateurs payants au quatrième trimestre 2023, en hausse de 21% sur un an. Le chiffre d’affaires du groupe suédois a également progressé de 17% à 2,6 milliards d’euros, grâce à la croissance des abonnements et de la publicité. Cependant, Spotify a enregistré une perte nette de 125 millions d’euros, contre un bénéfice de 209 millions d’euros un an plus tôt. La société a expliqué que cette perte était due à des charges exceptionnelles liées à la rémunération des employés en actions et à des effets de change défavorables.

La société a communiqué les chiffres aujourd'hui, en commençant par les points positifs :

Le nombre d'utilisateurs actifs mensuels a augmenté de 23 % d'une année sur l'autre pour atteindre 602 millions, soit 1 million de plus que prévu. Les ajouts nets de 28 millions représentent le deuxième plus grand nombre d'ajouts nets au quatrième trimestre de notre histoire. Le nombre d'abonnés a augmenté de 15 % en glissement annuel pour atteindre 236 millions. Les ajouts nets ont dépassé de 1 million les prévisions. Les 10 millions d'ajouts nets du quatrième trimestre ont contribué à une année record de 31 millions d'ajouts nets.
Le chiffre d'affaires a également augmenté de 16 % en glissement annuel, mais un bénéfice de 65 millions d'euros au troisième trimestre s'est transformé en une perte de 70 millions d'euros au quatrième trimestre.

L'entreprise a donné une tournure positive à cette situation, ce qui peut être justifié.

La perte d'exploitation s'élève à (75) millions d'euros pour le trimestre, ce qui est supérieur à nos prévisions actualisées. En excluant les charges ponctuelles, nous avons généré un bénéfice d'exploitation ajusté de 68 millions d'euros, ce qui représente plus du double du troisième trimestre, alors que l'entreprise poursuit son élan vers une croissance et une rentabilité durables.
Une grande partie de ces "charges non récurrentes" est liée aux coûts des trois séries de licenciements que l'entreprise a effectués l'année dernière pour tenter d'enrayer ses pertes.

Spotify a également annoncé mercredi son entrée sur 85 nouveaux marchés, principalement en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes, ce qui lui permettra de toucher plus d’un milliard de personnes supplémentaires. Spotify espère ainsi renforcer sa position de leader du streaming musical, face à la concurrence d’Apple, mais aussi d’autres acteurs comme Amazon, Google ou Deezer.

La bataille avec Apple continue

L'entreprise est actuellement en conflit avec Apple au sujet des modifications apportées à l'App Store pour se conformer à la législation antitrust européenne DMA.

Le mois dernier, le PDG de Spotify, Daniel Ek, a publié un billet sur X (ex-Twitter) dans lequel il fait part de son opposition ferme aux nouvelles politiques d'Apple. Il a déclaré que les changements apportés par Apple représentent « un nouveau coup bas ». Cette déclaration est intervenue après que Spotify a publié un communiqué reprochant au fabricant de l'iPhone d'agir comme s'il ne pensait pas que les règles s'appliquaient à lui. Spotify a déclaré que les nouvelles règles montrent qu'Apple ne recule devant rien pour protéger ses profits. Il a appelé les autorités à intervenir pour interdire les nouveaux frais.

Spotify a également partagé un aperçu de ce qu'elle espérait être la possibilité de proposer des abonnements premium dans l'application - ce qui augmenterait probablement le taux de conversion par rapport à l'expérience actuelle de l'application qui n'est même pas en mesure de dire comment s'abonner.

L'entreprise a qualifié les projets d'Apple de « scandaleux » et a exhorté l'Union européenne à « agir rapidement » pour rejeter la version proposée par le fabricant de l'iPhone pour se conformer à la loi sur les marchés numériques. Apple a répliqué en déclarant qu'elle avait aidé Spotify à devenir « l'application de streaming musical qui connaît le plus de succès au monde » (selon la définition que l'on donne au mot « succès »).

Mais la bataille entre Spotify et Apple dure depuis plusieurs années déjà.

Tout a commencé en 2016 lorsque, dans le combat pour contrôler le marché du streaming musical, une mise à jour de l’application Spotify sur iOS a été refusée. Spotify, sans évoquer explicitement les motifs de rejet, s’en est prise à Apple. Elle a accusé la firme de Tim Cook d’utiliser son processus de validation de l’App Store pour mettre en avant son propre service de streaming de musique. En guise de justification, Apple a expliqué que l’éditeur ne respecte pas les règles commerciales. En effet, Spotify ne proposait plus à ses utilisateurs la possibilité de s’inscrire à son offre premium depuis son application. Une décision qui ne plairait pas à beaucoup d’utilisateurs, mais qui permettait au service d’éviter de payer les 30 % de commission à Apple comme l’exigent les règles de l’App Store. Or, Spotify proposait de le faire en passant par son site officiel, ce qui serait contraire aux règles imposées par Apple, qui stipulent qu’un développeur doit proposer la possibilité de s’abonner depuis l’application si un tel abonnement pouvait être souscrit ailleurs.

Trois ans plus tard, en mars 2019, dans une plainte déposée à la Commission européenne, Spotify a déclaré qu'Apple avait « incliné le terrain de jeu » en exploitant iOS, la plateforme et l'App Store pour la distribution, ainsi que son propre rival de Spotify, Apple Music. Puis, en mai 2019, la Commission européenne a ouvert une enquête pour déterminer si le fabricant d’iPhone utilisait sa position de gardien de l’App Store pour « désavantager délibérément d’autres développeurs d’applications ».

Ce n'est qu'en avril 2021 que l'UE a accusé Apple d'enfreindre sa réglementation en matière de concurrence. L'UE s'est concentrée sur deux règles qu'Apple impose aux développeurs : l'utilisation obligatoire du système d'achat in-app d'Apple (pour lequel Apple prélève une commission de 30 %) et une règle interdisant aux développeurs d'applications d'informer les utilisateurs des autres possibilités d'achat en dehors des applications. « Les règles d'Apple mettent à mal la concurrence sur le marché des services de streaming musical en augmentant les coûts pour les développeurs d'applications de streaming de musique concurrentes. Il en résulte une hausse des prix pour les consommateurs pour leurs abonnements musicaux en ligne sur les appareils iOS », indique la Commission.

Sous la pression des développeurs et des régulateurs concernant la façon dont il gère son App Store, Apple a amorcer le changement de certaines de ses règles en septembre 2021, via une proposition de règlement déposée devant le tribunal suite à un recours collectif. Apple a déclaré qu'elle laissera les développeurs des applications de type « lecteur » (pensez à Netflix, Spotify et l'application Kindle d'Amazon) relier directement leurs clients à leur propre site Web d'inscription, où ils pourraient potentiellement contourner entièrement le système de paiement intégré d'Apple (et sa commission de 30 %). Auparavant, une application aurait été supprimée de l'App Store si elle contournait les systèmes de paiement d'Apple et les commissions d'achat in-app.

Spotify a l'habitude d'attaquer Apple au sujet de ses tarifs. En octobre 2023, elle l'a accusé d'exercer un contrôle « insensé » sur l'internet. Le mois dernier, Spotify a estimé que le gouvernement britannique devrait intervenir :

« Le projet de loi britannique sur les marchés numériques, la concurrence et la consommation doit mettre un terme à cette fausse manœuvre, qui consiste essentiellement à recréer les redevances d'Apple. Nous demandons instamment aux législateurs britanniques d'adopter rapidement le projet de loi afin d'empêcher Apple de mettre en place des frais similaires, ce qui contribuera à créer un secteur technologique plus compétitif et plus innovant pour les consommateurs et les entreprises britanniques ».

Sources : résultats financiers , Spotify

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