Le Japon et les États-Unis lancent un centre de R&D pour la production de masse de puces de 2 nm dès 2025
afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l'entreprise taïwanaise TSMC
Les États-Unis et le Japon auraient signé vendredi un accord de coopération dans le domaine des puces. Les deux pays prévoient de mener des recherches sur les semiconducteurs de pointe de deux nanomètres (2 nm), qui offrent des performances supérieures tout en consommant moins d'énergie. Il s'agirait essentiellement de créer un centre de recherche et de développement (R&D) au Japon qui comprendra une ligne de production prototype. L'objectif est de commencer la production de masse des puces sur le territoire national dès 2025 et permettre aux deux alliés de réduire leur dépendance à l'égard de Taïwan, en particulier TSMC.
Le 29 juillet, le secrétaire d'État américain Antony Blinken et la secrétaire au Commerce Gina Raimondo auraient rencontré le ministre japonais des Affaires étrangères Yoshimasa Hayashi et le ministre de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie Koichi Hagiuda à Washington. Les médias japonais ont rapporté qu'il s'agissait de la première réunion du nouveau comité consultatif américano-japonais sur la politique économique. Au cours de cette réunion de haut rang, les États-Unis et le Japon auraient décidé de travailler ensemble pour développer une technologie de pointe en matière de processus de semiconducteurs de 2 nm.
Les deux parties chercheraient à faire progresser les efforts déployés dans le cadre du partenariat commercial et industriel américano-japonais et d'autres cadres pour favoriser la résilience de la chaîne d'approvisionnement dans des secteurs stratégiques, notamment les semiconducteurs. Dans une déclaration commune peu détaillée, les deux parties auraient annoncé qu'une nouvelle organisation de R&D avec une participation américaine significative sera établie au Japon d'ici la fin de cette année pour développer et prouver la technologie de 2 nm avec pour objectif de démarrer la production de masse à l'horizon 2025.
Le centre devrait utiliser les équipements et les talents du futur Centre national américain de technologie des semiconducteurs. Selon les médias japonais, le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology du Japon (AIST, l'institut national de recherche Riken et l'université de Tokyo participeront au projet. En outre, l'initiative vise également à éviter une dépendance excessive à l'égard des usines de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) à Taïwan. L'île abrite plus de 90 % de la capacité de production mondiale de semiconducteurs de moins de 10 nm - utilisés dans des appareils tels que les smartphones.
TSMC vise également à lancer la production de puces de 2 nm en 2025, et a déjà commencé à construire une usine. Les États-Unis et le Japon cherchent à rattraper leur retard, car ils craignent une prise de contrôle de Taïwan par la Chine. IBM aurait annoncé une conception de 2 nm en mai 2021, mais elle n'est pas prête pour la production de masse. Les États-Unis et le Japon auraient trois générations ou plus de retard sur TSMC. Seul Samsung rivalise avec TSMC avec des processus de 3 nm et de 5 nm. En outre, les puces les plus avancées d'Apple, Qualcomm, Nvidia, Broadcom, AMD et Intel seraient toutes fabriquées par TSMC.
D'autre part, Intel a sa propre feuille de route technologique ambitieuse. L'équipementier américain a annoncé l'année dernière qu'il va consacrer au moins 20 milliards de dollars à un nouveau site de fabrication de puces à New Albany, près de Columbus, dans l'Ohio. Le site, qui devrait couvrir une superficie de plus de 400 hectares, accueillera initialement deux usines de fabrication (fabs) de puces et devrait employer directement au moins 3 000 personnes et des « dizaines de milliers » de plus parmi les fournisseurs et les partenaires. La construction devrait démarrer cette année et le site devrait être opérationnel en 2025.
Le président américain Joe Biden a félicité Pat Gelsinger, PDG d'Intel, après cette annonce de 20 milliards de dollars d'investissement pour deux nouvelles installations de fabrication de puces. Le Japon et les États-Unis mettront en place un soutien fiscal pour stimuler leurs industries des puces. Une proposition faite à Tokyo prévoit d'investir 1 000 milliards de yens (7,3 milliards de dollars) dans la recherche et le développement sur une période de dix ans. Du côté américain, la Chambre des représentants a adopté jeudi le "CHIPS and Science Act", qui prévoit 52 milliards de dollars de subventions pour la production de puces et la recherche.
Le président Joe Biden devrait signer la loi dès cette semaine. Le montant de 52 milliards de dollars est inclus dans une loi plus large, qui alloue également plus de 100 milliards de dollars sur cinq ans à la recherche et au développement. En ce qui concerne les semiconducteurs, la proposition de loi prévoit finalement 39 milliards de dollars d'aides pour encourager les entreprises à produire localement, et 13 milliards pour les laboratoires de recherche. Plusieurs industriels ont déjà fait savoir qu'ils allaient utiliser ces fonds pour construire des usines dans l'Ohio ou l'Indiana. Cela dit, certains pensent que le projet de loi n'est pas équitable.
Dans l'Union européenne, le groupe technologique allemand Bosch a annoncé qu'il investira 3 milliards d'euros (soit 3,01 milliards de dollars) dans la production de puces d'ici 2026. Bosch a déclaré qu'il envisage d'ouvrir deux nouveaux centres de développement en Allemagne et agrandir son usine de fabrication de plaquettes à Dresde. Il a expliqué que son plan devrait renforcer la capacité de production de puces de l'Europe sur un marché mondial toujours dominé par les États-Unis et les acteurs asiatiques. Ainsi, Bosch cherche à obtenir un financement de l'UE dans le cadre des projets importants d'intérêt européen commun.
Bosch a également annoncé qu'il étudiera la possibilité de fabriquer des puces à base de nitrure de gallium (GaN), qui permet de diviser par quatre les pertes de puissance par rapport aux puces de puissance traditionnelles à base de silicium. En effet, alors que d'autres fabricants de puces, comme Intel et TSMC, prévoient de développer de minuscules puces de 2 nanomètres, les usines de fabrication de plaquettes de Bosch sont conçues pour les puces de 40 à 200 nanomètres utilisées dans l'électromobilité. Dans le cadre de cette initiative, Bosch entend faire passer les besoins européens en priorité.
Cependant, Bosch n'est pas le seul acteur qui investit massivement dans le secteur des semiconducteurs en Europe, et en particulier en Allemagne. Intel a annoncé cette année un investissement de 33 milliards d'euros dans la production des semiconducteurs dans six pays en Europe. L'entreprise a déclaré qu'elle construirait une grande usine de puces de 17 milliards d'euros à Magdebourg, en Allemagne, et une installation de R&D en France. En Italie, Intel prévoit de dépenser 4,5 milliards d'euros pour une usine d'assemblage et d'emballage de puces et en Pologne, il étendra sa présence en laboratoire.
Une fois que le nouveau centre japonais de R&D sera opérationnel et que la production de masse sera réalisable, l'institution offrira la technologie à des entreprises au Japon et à l'étranger. Elle approchera les entreprises de Taïwan, ainsi que celles de pays partageant les mêmes valeurs, comme la Corée du Sud, pour établir des partenariats. Les États-Unis sont une plaque tournante de la conception de puces, avec des sociétés comme Nvidia et Qualcomm, tandis que des sociétés japonaises comme Tokyo Electron, Screen Holdings, Shin-Etsu Chemical et JSR sont très compétitives en matière d'équipements et de matériaux de fabrication de puces.
Cela offre un terrain fertile pour la coopération. La part du Japon sur le marché mondial des puces se serait effondrée, passant d'environ la moitié vers 1990 à seulement 15 % aujourd'hui. Il a été retardé par la division du travail qui a vu le développement et la conception concentrés aux États-Unis et la production à Taïwan.
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