Amazon Europe n'a payé aucun impôt sur le revenu malgré des ventes qui ont dépassé les 51,3 Mds € en 2021,
l'entreprise a même reçu 1 Md € de crédits d'impôt
La principale entreprise de vente au détail européenne d'Amazon.com Inc. a déclaré 1,16 milliard d'euros de pertes en 2021, ce qui a permis à l'entreprise de ne payer aucun impôt sur le revenu et de recevoir 1 milliard d'euros de crédits d'impôt, selon des documents consultés par Bloomberg. L'entreprise basée au Luxembourg a enregistré des ventes de 51,3 milliards d'euros l'an dernier, en hausse de 17 % par rapport aux 43,8 milliards d'euros en 2020. L'unité, appelée Amazon EU SARL, comprend les revenus générés par ses activités de commerce électronique au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Pologne, en Suède et aux Pays-Bas.
Les dépôts fournissent une répartition régionale rare des finances d'Amazon. En 2021, la société a enregistré un revenu mondial de 33,36 milliards de dollars, contre 21,3 milliards de dollars l'année précédente. Cependant, la société ne détaille pas les revenus et les ventes du commerce électronique dans chaque pays dans ses rapports financiers.
Amazon a été la cible des régulateurs européens pour ses dispositions fiscales. Au terme d'une enquête approfondie ouverte en octobre 2014, la Commission a conclu qu'une décision fiscale anticipative émise par le Luxembourg en 2003, et reconduite en 2011, a réduit l'impôt payé par Amazon au Luxembourg, et ce sans aucune justification valable.
La décision fiscale aurait en effet permis à Amazon de transférer la majeure partie de ses bénéfices depuis une société du groupe Amazon assujettie à l'impôt au Luxembourg (Amazon EU) vers une société « holding » qui ne l'est pas (Amazon Europe Holding Technologies). Cet accord permettait notamment le paiement d'une redevance par Amazon EU à la société holding ; des redevances dont les montants, d'après l'enquête de la Commission, étaient excessifs et ne correspondaient pas à la réalité économique.
Amazon aurait donc de cette manière soustrait à l'impôt trois quarts des bénéfices que l'ensemble de ses ventes dans l'UE lui permettait de réaliser. Les avantages fiscaux accordés par le Luxembourg à la société de commerce en ligne ont été estimés à environ 250 millions d'euros ; une somme que le Luxembourg a donc été sommé de récupérer en 2017 puisque la pratique a été jugée illégale au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État.
La décision de la Commission portait sur le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à deux sociétés du groupe Amazon - Amazon EU et Amazon Europe Holding Technologies. Il s'agit, dans les deux cas, de sociétés de droit luxembourgeois détenues à 100 % par le groupe Amazon et contrôlées en dernier ressort par la société mère établie aux États-Unis, Amazon.com, Inc. :
- Amazon EU (la « société d'exploitation ») exploite les activités de vente au détail d'Amazon dans toute l'Europe. En 2014, elle comptait plus de 500 salariés, qui sélectionnaient les marchandises à vendre sur les sites web d'Amazon en Europe, les achetaient aux fabricants et géraient la vente en ligne des produits et leur livraison aux clients. Amazon a structuré ses activités de ventes en Europe de telle sorte que les clients achetant des produits sur n'importe quel site web d'Amazon en Europe les achetaient contractuellement à la société d'exploitation au Luxembourg. Amazon pouvait ainsi enregistrer au Luxembourg la totalité de ses ventes réalisées en Europe, de même que les bénéfices qu'elles généraient ;
- Amazon Europe Holding Technologies (la « société holding ») est une société en commandite simple n'ayant ni salariés ni bureaux ni activités commerciales. La société holding fait office d'intermédiaire entre la société d'exploitation et Amazon aux États-Unis. Elle détient certains droits de propriété intellectuelle pour l'Europe dans le cadre d'un « accord de répartition des coûts » passé avec Amazon aux États-Unis. La société holding ne fait elle-même aucun usage actif de cette propriété intellectuelle. Elle accorde simplement une licence exclusive sur cette propriété intellectuelle à la société d'exploitation, qui l'utilise pour exploiter les activités de vente au détail d'Amazon en Europe.
Selon le droit fiscal général luxembourgeois, la société d'exploitation était assujettie à l'impôt sur les sociétés au Luxembourg, ce qui n'était pas le cas de la société holding, du fait de sa forme juridique, à savoir une société en commandite simple. Les bénéfices enregistrés par la société holding ne sont imposés qu'au niveau de ses associés et non au niveau de la société holding elle-même. Les associés de la société holding étaient situés aux États-Unis et l'imposition de leurs bénéfices avait été différée.
Margrethe Vestager, qui était alors la commissaire chargée de la politique de la concurrence, a déclaré que « Grâce aux avantages fiscaux illégaux accordés par le Luxembourg à Amazon, près de trois quarts des bénéfices d'Amazon n'étaient pas imposés. En d'autres termes, Amazon a pu payer quatre fois moins d'impôts que d'autres sociétés locales soumises aux mêmes règles fiscales nationales. Il s'agit d'une pratique illégale au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État. Les États membres ne peuvent accorder à des groupes multinationaux des avantages fiscaux sélectifs auxquels les autres sociétés n'ont pas accès. »
Pour sa défense, Amazon assure que l'entreprise est soumise à des impôts dans toutes ses succursales européennes et que les revenus, les bénéfices et les impôts sont enregistrés et déclarés directement aux autorités fiscales de ces pays : « Dans toute l'Europe, nous payons des impôts sur les sociétés s'élevant à des centaines de millions d'euros », a affirmé un porte-parole d'Amazon, cité par Bloomberg. Dans les documents déposés, une note indique que l'avantage fiscal net de 1 milliard de dollars est « principalement dû à l'utilisation des pertes nettes reportées conformément au système de consolidation fiscale ».
Amazon EU SARL englobe les revenus générés par ses activités au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Pologne, en Suède et aux Pays-Bas, et employait 6 899 personnes, fin 2021. La société a déclaré 37 milliards d'euros de « matières premières et consommables » et 15 milliards de « charges externes », ce qui a entraîné une perte annuelle. « Nous investissons massivement dans la création d'emplois et d'infrastructures à travers l'Europe - plus de 100 milliards d'euros depuis 2010. L'impôt sur les sociétés est basé sur les bénéfices, pas sur les revenus, et l'année dernière, Amazon EU SARL a enregistré une perte alors que nous avons ouvert plus de 50 nouveaux sites à travers l'Europe et créé plus de 65 000 emplois bien rémunérés, portant notre effectif permanent européen total à plus de 200 000 », a précisé le porte-parole d'Amazon.
Source : Bloomberg
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