Le président de la FCC admet que la Russie est mêlée au débat sur la neutralité du Net
Environ 500 000 commentaires liés à des adresses mail russes
Le principe de la neutralité du Net adopté sous l’ère Obama a été abrogé le 14 décembre 2017 au profit de « la Liberté de l’Internet », principe cher à l’actuel président de la FCC (Federal Communication Commission) qui s’oppose à la neutralité du Net. La neutralité du Net vise à garantir un traitement équitable du trafic de l'Internet par les opérateurs télécom de sorte que tous les utilisateurs, quelles que soient leurs ressources, accèdent au même réseau dans son intégralité, tandis que « la Liberté de l’Internet » accorde la liberté aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de traiter le trafic de l'Internet comme ils le souhaitent, selon la source, la destination ou le contenu de l'information transmise sur le réseau.
L’abrogation de la loi sur la neutralité du Net est entrée en vigueur officiellement en juin dernier après avoir passé par un long processus qui a commencé avec la nomination de l’actuel président Ajit Pai par Donald Trump après son accession au pouvoir en 2016. Environ trois mois après sa nomination, Ajit Pai a proposé un projet de loi pour supprimer la neutralité du Net et interdire toutes initiatives visant à la restaurer à l'avenir. En mai 2017, le projet a été soumis à la consultation publique et au cours du même mois, il a été soumis au vote de la FCC afin d’entamer effectivement le processus de suppression de la loi défendue par les démocrates.
La consultation publique donnait l’occasion aux partisans de cette loi pour se faire entendre par le biais de leurs commentaires soumis au système de collecte des avis, avant la date de l’abrogation qui était prévue pour le 14 décembre 2017.
C’est dans ce cadre que le comédien John Oliver, animateur de Last Week Tonight de HBO, a dirigé son auditoire pour inonder le système de commentaires soutenant la neutralité du net. Le système de la FCC a été submergé dans la nuit du 7 mai 2017. Immédiatement après, David Bray, le directeur des systèmes d’information de la FCC a annoncé dans un communiqué que le système de commentaire avait été délibérément altéré en raison d'une série d'attaques distribuées par déni de service (DDoS). « Notre analyse révèle que la FCC a été victime de multiples attaques par déni de service distribué dans la nuit de dimanche à lundi, ce, dès minuit ». Cependant, le système a pu être rendu opérationnel ensuite. Pour rappel, une attaque DDoS est une attaque informatique ayant pour but de rendre indisponible un service, d'empêcher les utilisateurs légitimes d'un service de l'utiliser.
Cependant, les partisans de la neutralité du Net ne partageaient pas l’avis selon lequel le système de collecte de commentaires avait été victime des attaques DDoS. Ils ont accusé l'agence d’inventer une attaque afin de retirer le système en ligne de sorte à éviter les commentaires. En juin 2018, Gizmodo a publié son rapport d’enquête sur cette affaire. En effet, la FCC a été incapable de fournir les preuves d’une telle attaque ni aux journalistes ni aux législateurs américains qui ont demandé à les voir. Au lieu de cela, l'agence se contentait de mener une campagne discrète de mailing afin de rependre l’information d’une prétendue attaque de déni de service (DDoS), selon Gizmodo.
Les courriers passés au peigne fin par Gizmodo, ont montré qu’il en était rien. Les responsables de l’agence ont produit un compte rendu fallacieux de la supposée attaque et ont fait comprendre aux journalistes que le système avait déjà fait l’objet de pareille attaque. Une autre enquête menée par le bureau du procureur général de New York a fait mention que près de 9,5 millions de commentaires sembleraient avoir été faits en utilisant les noms et adresses de tierces personnes.
The New York Times et BuzzFeed News ont soumis des demandes de FOIA (Freedom of Information Act) dans le but d'en savoir plus sur les résultats de la consultation populaire sur le projet de loi contre la neutralité de Net mais la FCC a refusé les demandes d’enregistrement, invoquant des préoccupations de confidentialité et de sécurité. En septembre, The New York Times a intenté une action en justice contre la FCC qui est encore en cours et a renouvelé ensuite sa demande de divulgation des informations sur les commentaires.
En réponse aux demandes insistante de FOIA soumises par le New York Times et BuzzFeed, le président de la FCC a finalement déposé une déclaration, le 3 décembre, dans laquelle Ajit Pai a admis qu'environ 500 000 commentaires soumis lors de la consultation publique en mai 2017, pour l'abrogation impopulaire des règles de neutralité du Net, étaient liés aux adresses électroniques russes : un « demi-million de commentaires ont été envoyés par les adresses électroniques russes », selon Fortune.
La presse n’est pas la seule à demander la divulgation des informations sur les résultats de la consultation publique organisée par la FCC.
Jessica Rosenworcel, la seule démocrate de la FCC, s’est insurgée contre la décision de la majorité de ne pas divulguer les documents et a critiqué l'agence dirigée par le républicain dans une déclaration. « Que cache la Commission fédérale de la communication? » a-t-elle demandé dans sa déclaration, avant d’ajouter que « Quelque chose ici est pourrie - et il est temps pour la FCC de faire preuve de clarté. »
Ont également demandé à l’agence de revenir sur sa décision de ne pas vouloir divulguer les informations relatives aux commentaires, Jeff Merkley, un démocrate de l'Oregon, et Pat Toomey, un républicain de Pennsylvanie.
Ce n’est pas la première fois que la Russie se mêle du processus démocratique au Etats-Unis. En effet, selon plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, les agents basés en Russie aurait diffusé environ 80 000 messages sur le réseau social Facebook à environ 126 millions d'Américains sur une période de deux ans qui couvre la période élections présidentielles de 2016. Les acteurs russes auraient utilisé les mêmes méthodes pour envoyer des mails au système de commentaires de la FCC.
Parmi les 22 millions de commentaires envoyés au système et soumis à une enquête dirigée par La procureure générale Barbara Underwood, « jusqu'à 9,53 millions de ces commentaires avaient volé l'identité de vraies personnes. », selon Fortune. Environ un demi-million ont été envoyés à partir d'adresses électroniques russes. Et parmi les e-mails provenant d'adresses e-mail légitimes, la grande majorité était des lettres types provenant des mêmes groupes pro et anti-neutralité du réseau, selon Fortune.
L’abrogation de la neutralité du Net a été controversée. En effet, durant toute le processus d’annulation de la loi sur la neutralité du Net, de nombreuses voix se levées contre. La loi a même été restaurée dans certains Etats comme la Californie même si elle a ensuite été suspendue temporairement.
Source : Fortune, Gizmodo
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