Le PDG de Free lance une école informatique « 2.0 et P2P »
Lors d’une annonce remplie de trolls qui vilipende la formation française
Xavier Niel, le PDG de Free/Iliad, a annoncé ce matin le lancement d’une nouvelle école pour les métiers du numérique (en premier lieu le développement) lors d’une conférence de presse truffée d’attaques contre, pêle-mêle, les politiques, le corporatisme et les méthodes de l’éducation nationale, les grandes écoles publiques et les écoles privées payantes.
Je résume : tout est pourri, heureusement que j'arrive avec ma super school.
Sans oublier d'évoquer le déclin de la France.
« Si la France, 5e puissance économique mondiale, tenait sa place dans le numérique, au lieu d’être 20e, elle aurait réglé le problème de l’emploi », a-t-il ainsi commencé sa conférence de presse.
Comme si les problèmes économiques de la France était lié à l'informatique et que tout se résolvait par les technologie et le progrès. Bon là c'est clairement du populisme, mais bon c'est du Niel, le pauvre petit milliardaire autodidacte qui ne supporte pas de ne pas être respecté à sa juste valeur. Eh ouais fallait finir ses études ! Cette école c'est un peu sa revanche.
Cette nouvelle école, baptisée
« 42 » (hommage appuyé à l’œuvre de Douglas Adams), sera gratuite, en 3 à 5 ans, et presque
« ouverte à tous ». Les sélections, intégralement sur Internet, s’adressent en effet uniquement aux 18-30 ans.
On notera la culture du jeunisme chères à nos amies les SSII et le fameux côté geek qui aujourd'hui ne veut plus rien dire.
Xavier Niel a débauché plusieurs anciens du Groupe IONIS (Epita/Epitech) pour l’accompagner dans ce projet et mettra de sa poche 50 millions d’euros sur 10 ans (dont 20 déjà investis pour l'achat des locaux et du matériel).
Ils recrutent des cadres d'une école privée pour fonder une école gratuite, pas très cohérent.
Nicolas Sadirac, Floriant Bucher, Kwame Yamgnane,
trois anciens de l’Epitech débauchés par Xavier Niel
Après une première phase de sélection, 4 000 candidats – avec ou sans diplôme - seront
« plongés dans une piscine » pendant l’été. Comprendre, ils passeront une deuxième sélection pendant laquelle ils coderont 15 heures par jour. Les 1 000 meilleurs pourront alors intégrer l’école, dans le 17e arrondissement de Paris.
Salut, tu vas passer X mois pour à la fin te faire jeter sans prévis. Eh oui revoilà la sacro sainte flexibilité tant chère aux néo-liberaux. Et on ne prends que les meilleurs. Eh, mais c'est pas le principe des grandes écoles çà ? De ne prendre que les meilleurs ? Vous comprenez, faut commencer dès que possible à bien modeler les esprits.
L’enseignement abordera toutes les technologies numériques (sans autre précision) et se fondera sur la collaboration et la créativité ; et non pas - précisent ses nouveaux directeurs - sur une pédagogie « classique ».
Surtout les technos que Free et ses partenaires ont besoin, mais çà faut pas le dire.
Un point qui a permis aux initiateurs du projet de se lancer dans un concours de petites phrases polémiques certainement destinées à accrocher les journalistes.
« Dans l’école classique, travailler à deux cela s’appelle tricher, lance par exemple Nicolas Sadirac, ancien Executive Director de l'Epitech,
aujourd’hui, un professeur qui fait des cours dans un amphi c’est ridicule ». Ou un très joli
« les jeunes refusent d’avoir des horaires fixes et une hiérarchie, l’école n’est pas adaptée à ces aspirations, c’est l’armée ».
Je traduis : vous serez préformatés au monde du travail et aux méthodes de Free et compagnies afin d'être très malléable et très dociles.
Xavier Niel a lui plus taclé le système politique et économique :
« La pénurie de talents informatiques en France ne peut être résolue que par l’initiative privée […] seul le privé peut sauver la France du déclin numérique, les pouvoirs publics sont tournés vers le passé. Ils ne cherchent qu’à sauver ce qui ne peut plus l’être ». Tacles appuyés également sur les écoles privées qui
« ne cherchent qu’à faire du fric ».
Ce que Xavie Niel n'a pas l'honnêteté de dire, c'est qu'ils forment lui même et comme ils souhaitent ces futurs besoins en ressources humaines et récupérer quelques génies atypique s'il peut. Mais bon il se cachent derrière de grand idéaux, mais tout çà c'est bullshit. Tout ce qui l'intéresse c'est son intérêt personnel. On l'a vu avec la publicité.
Sans oublier l’enseignement supérieur public
« où l’on retrouve des gens qui ont été à la maternelle ensemble, à l’école ensemble, au lycée ensemble et dont les parents vont en vacances aux mêmes endroits… et à la même manif du dimanche à 14h », enfonce Kwame Yamgnane, lui aussi ancien responsable de l’Epitech.
Bref, l’usine à croquettes pour trolls a fonctionné à plein.
Toujours le même complexe d'infériorité envers les grandes écoles.
À l’opposé, cette école veut donc proposer une pédagogie alternative,
« 2.0, et ouverte » où les élèves participeront à des projets, ensemble, voire en s’évaluant les uns les autres.
« C’est un enseignement Peer-to-Peer » résume Xavier Niel, qui explique par ailleurs que ces capacités à échanger et à s'adapter en permanence aux évolutions sont indispensables puisqu'on ne sait pas quels métiers numériques existeront demain.
c'est nouveau çà, l'enseignement bisounours ou tout le monde a de bonnes notes.
« Ce que nous initions, c’est un changement de paradigme identique à celui qu'il y a eu entre le logiciel et le logiciel libre », enchaîne Nicolas Sadirac en se référant au
« Self Organized Learning Environement », cher à Sugata Mitra.
En gros, c'est démerde toi tout seul, c'est cool j'ai pas de prof à payer. Je pensais naïvement que le rôle des profs c'était de nous faire gagner du temps en nous expliquant les choses à savoir afin d'éviter de le faire tout seul et de gagner beaucoup de temps. çà marche évidement si c'est un bon prof...
Finis les horaires stricts. L’école sera ouverte 7 jours sur 7 et 24 h sur 24. Les enseignants, eux, viendront du monde de l’entreprise. Visiblement pas dans une optique de professeurs mais plus de coordinateurs.
C'est bien ce que je dis, y aucune formation, t'auras une succession de projets à faire, probablement utile pour free et compagnie. Et tu travailleras plus, toujours et encore plus. Eh ouais soit t'es libéral soit tu l'es pas.
Cette école visera principalement les jeunes en échec scolaire (les 200 000 exclus du « système » qui ne sont pas adaptés à sa rigidité) pour en faire chaque année
« 1 000 génies » (sic) de l’informatique qui permettront, d'après Xavier Niel, de créer 10 000 emplois en France.
« Même si on est un cancre et qu’on a 0, c’est potentiellement ouvert », martèle-t-il.
Logique çà coûte moins cher, çà lui fera un bon vivier de recrutement, et il pourra financer ceux qui fondent leur startups et y gagner technologiquement et/ou financièrement.
Jugeant que le système des normes des grandes écoles et des formations est trop rigide – et donc contraire à la formation d’esprits créatifs – ce nouvel organisme n’a pas de certification et ne donnera pas lieu à un diplôme reconnu.
En gros soit tu bosses pour Free soit t'es mal :/
« On ne leur propose pas un diplôme… mais un métier ! », rétorque Nicolas Sadirac. Xavier Niel le soutient, constatant que 70 % des entreprises font face à une pénurie de recrutement de développeurs :
« elles n’achètent pas un diplôme mais un savoir-faire ».
Toujours la même logique néolibérale ou tu dois avoir les bonnes compétences le plus tôt possible et être le moins cher possible. La culture, l'ouverture d'esprit, l'intelligence, la connaissance, les concepts, l'abstraction, tout çà faut oublier, tout ce qui faut c'est que tu puisses être opérationnel dès ta sortie d'étude. On remarqueras au passage encore la propagande sur la fameuse pénurie des développeurs. On est au même niveau que le Syntec.
Avant de conclure (en réponse à une question - il est vrai hors sujet - d’une journaliste de France Télévisions) par une autre pique acérée :
« Moi je ne m’occupe pas des politiques. Il y a ceux qui font, et il y a ceux qui parlent. Moi je fais. Eux, ils trouveront certainement quelque chose à redire. Je ne sais pas moi, par exemple que je vais créer du chômage dans les autres écoles » rigole-t-il, satisfait de son dernier troll du jour sous forme de missile contre
deux de ses détracteurs, Arnaud Montebourg et Flore Pellerin.
Bref, y a pas pire ennemi pour les informaticiens que ce type d'école qui comme les epitha/epitech ne sont pas que pour la destruction à plus ou moins long terme du service public et de l'enseignement public dans sa globalité. Personnellement je ne veux pas du système anglo-saxon ou faut être bon et en plus riche pour pouvoir faire de bonnes études.
Bref, vous l'aurez compris, pour moi c'est de la m...
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