La société "Rust For JavaScript Developers Ltd" reçoit une injonction de cessation et d'abstention de la part d'Oracle en raison de l'utilisation de la marque JavaScript
car elle appartient à Oracle
Oracle aurait envoyé une injonction de cessation et d’abstention à la startup londonienne "Rust For JavaScript Developers Ltd" lui demandant de cesser d'utiliser la marque déposée JavaScript. Big Red détient la marque JavaScript depuis le rachat de Sun Microsystems en 2009. Par conséquent, Rust For JavaScript Developers Ltd est légalement tenue de supprimer la mention JavaScript de son nom sous peine de poursuites judiciaires. Ce cas n'est pas isolé. En fait, le géant américain des logiciels de bases de données refuse de placer la marque JavaScript dans le domaine public et de nombreux développeurs non avertis et entreprises ont subi la loi d'Oracle au fils des ans.
Oracle possède la marque "JavaScript" depuis le rachat de Sun Microsystems
Rust For Javascript Developers Ltd est une société active constituée le 3 janvier 2023 et dont le siège social est situé à Londres, au Royaume-Uni. Comme son nom l'indique, l'entreprise propose des ressources et des cours sur Rust spécialement pour les développeurs JavaScript. Mais un responsable de l'entreprise a récemment écrit sur Twitter : « je viens de recevoir un avis juridique d'Oracle America pour renommer ma société en @rustforjsdev parce qu'ils possèdent la marque déposée de JavaScript ». En effet, les responsables de Rust For Javascript Developers Ltd s'exposent à des poursuites judiciaires de la part d'Oracle s'ils n'obtempèrent pas.
Même si cela peut paraître déroutant à première vue, Oracle est en droit d'interdire à n'importe qui d'utiliser le terme JavaScript pour nommer un produit, un service ou une entreprise. Mais pourquoi ? Pour comprendre où se situe le problème, il faut remonter aux origines de JavaScript. En 1995, l'informaticien américain Brendan Eich a développé JavaScript pour le compte de Netscape Communications. Le langage a porté successivement les noms Mocha, LiveScript et JavaScript, respectivement en mai, septembre et décembre de la même année. Selon Eich, le nom JavaScript n'était rien d'autre qu'une sorte de stratagème pour surfer sur la notoriété de Java.
Selon la rumeur, Netscape était à l'époque en pleine rivalité avec Microsoft sur plusieurs produits pour les navigateurs Web. Et pour concurrencer Microsoft, Netscape aurait coopéré avec Sun Microsystems, le propriétaire de Java, pour échanger des produits et a choisi le nom en JavaScript à des fins promotionnelles. Cela dit, Netscape échoue à concurrencer Microsoft et disparaît. Sun Microsystems connaît également des problèmes financiers et est racheté par Oracle en 2009. En raison du partenariat existant entre Sun Microsystems et Netscape, Oracle devient par la même occasion le propriétaire du langage de programmation Java et de la marque JavaScript.lol I just received a legal notice from Oracle America to rename my company for @rustforjsdev because they own the trademark to javascript
— Sid (@chatsidhartha) April 21, 2023
Ridiculous 😅
Oracle décide de tirer parti de cet achat en poursuivant Google pour l'utilisation des API Java dans Android et en mettant en difficulté de nombreux produits utilisant dans leurs noms JavaScript. En 2018, à la suite de l'un de ces problèmes, Apple est contraint de supprimer de l'App Store une application dont le nom s'appuie sur la marque JavaScript. L'application en question est "HTML5, CSS, JavaScript, HTML, Snippet Editor", développée par un certain Zhongmin Steven Guo. À l'époque, Guo a expliqué que le nom a été choisi dans le but de "jouer avec le classement de l'App Store en ajoutant tous les mots-clés importants au nom de l'application".
Cette tentative d'attirer l'attention n'a peut-être pas fait de l'application un succès, mais elle semble avoir fourni assez de visibilité dans les recherches pour attirer un cabinet d'avocats affilié à Oracle. L'avis juridique cité par Guo s'élève contre "l'affichage non autorisé de la propriété intellectuelle d'Oracle". Compte tenu du penchant connu d'Oracle pour les litiges en matière de propriété intellectuelle, de nombreux développeurs craignent que l'entreprise les prenne pour cibles. Les développeurs qui n'étaient pas au courant que le nom JavaScript est protégé se disent surpris lorsqu'ils reçoivent une injonction de cessation et d'abstention de la part d'Oracle.
Oracle refuse toujours de placer la marque JavaScript dans le domaine public
Depuis le rachat de Sun Microsystems en 2009, et depuis qu'Oracle a commencé à interdire toute forme d'utilisation de la marque JavaScript, les développeurs ou les entreprises doivent prendre garde à ne pas mentionner JavaScript dans le nom de leurs produits ou services. Selon les critiques, la marque JavaScript n'existe que de nom et pourrait même être légalement applicable en raison de l'absence d'utilisation active. Le seul produit JavaScript connu d'Oracle serait JET - Oracle JavaScript Extension Toolkit - et les critiques soutiennent donc que la marque n'offre aucun avantage monétaire et qu'elle devrait être libérée et tomber dans le domaine public.
Les problèmes sont allés si loin que Ryan Dahl, le créateur de Node.js et Deno.js, a dû réagir à ces événements. Le 3 septembre 2022, il a adressé une lettre ouverte, intitulé "Dear Oracle, Please Release the JavaScript Trademark", à Oracle lui demandant de libérer la marque : « la marque déposée est un nuage sombre qui plane sur le langage de programmation le plus populaire au monde. Les ingénieurs respectueux de la loi se plient en quatre pour éviter de l'utiliser, ce qui conduit à des termes confus comme ECMAScript. La meilleure valeur qu'Oracle pourrait tirer de la marque serait la bonne volonté qu'il recevrait en l'accordant au domaine public ».
ECMAScript est la norme JavaScript destinée à assurer l'interopérabilité des pages Web sur les différents navigateurs. Elle est supervisée par ECMA International. Selon Dahl, Mozilla a réussi à obtenir le droit d'utiliser la marque JavaScript auprès de Sun Microsystems avant son acquisition par Oracle. « Pourquoi une entreprise voudrait-elle rendre les choses plus difficiles et moins claires pour les programmeurs qui voudront potentiellement apprendre un langage dont la marque vous appartient ? Vous n'avez pas dépensé d'argent pour le cours ou le livre de ce type, mais pourquoi rendre les choses moins claires ? », s'interrogent les critiques d'Oracles.
« En quoi l'usage qu'il fait de la marque entrave-t-il votre activité ? Je veux dire. Ils savent qu'ils sont Oracle, n'est-ce pas ? Est-ce si important pour eux que les gens sachent qu'ils possèdent la marque JavaScript ? J'étais une personne heureuse jusqu'à il y a quelques minutes, lorsque j'ignorais encore qu'Oracle était propriétaire de la marque », lit-on dans les commentaires. Oracle a un grand historique de controverses autour de la loi sur les droits d'auteur et les logiciels. La plainte déposée par Oracle contre Google était un litige concernant 11 000 lignes de code source dans une API Java. L'affaire a duré plus d'une décennie et a pris fin en 2021.
Oracle prétendait que ce code était utilisé illégalement dans le système d'exploitation Android de Google et qu'il appartenait légalement à Oracle America Inc. Google a admis avoir utilisé le code dans sa plateforme mobile, mais a considéré que le code Java relevait des quatre facteurs de l'usage loyal. L'affaire a été tranchée en faveur de Google à travers une décision de la Cour suprême des États-Unis. Le verdict a statué que les API Java utilisées dans Android étaient un usage loyal. L'affaire a toutefois soulevé la question de savoir si une API pouvait être protégée par le droit d'auteur, et le cas échéant la définition légale de l'utilisation équitable pour le code source.
Les développeurs de logiciels, en particulier ceux qui dépendent des logiciels libres, se sont intéressés à cette affaire, aux facteurs utilisés pour déterminer l'usage loyal et à l'avenir de la législation sur le droit d'auteur. Selon certaines sources, il existe toujours des applications et d'autres produits qui utilisent le nom JavaScript, mais ils ne semblent pas être inquiétés par Oracle. Ainsi, l'on ignore les critères qui poussent Oracle à agir contre une application ou une entreprise qui utilise la marque JavaScript.
Sources : Rust For JavaScript Developers Ltd, Ryan Dahl
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