Le double discours du gouvernement et la répression contre les militants écologiques
Bonjour,
Le journal Libération a fait une enquête et publie un fil vert sur le sujet, disponible pour ses abonnés. France inter en collaboration avec le journal a réalisé une émission sur la répression contre les militants écologiques que vous pouvez retrouver ici. L'invité est Sylvie Ollitrault, directrice de recherche au CNRS, spécialiste du militantisme écologiste.
Il s'agit de dénoncer le double discours écologique du gouvernement, la différence entre ses annonces volontaristes et ses actes.
Je reprend ci-dessous des phrases au fil de l'eau extraites de l'émission :
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"Le gouvernement tente par des moyens de plus en plus coercitifs de contrôler le discours écologique, et pour cela il veut faire taire le discours des militants, ce qui passe par des poursuites judiciaires systématiques, des gardes à vue, des perquisitions à domicile, des procès qui n'aboutissaient souvent pas ou à des amendes symboliques, et tout ça pour des actions qui sont la plupart du temps bénignes. On se souvient des décrocheurs de portraits de Macron dans les mairies. Cette stratégie d'état passe souvent par une surveillance menée par les services de renseignements, avec des mises sur écoute, des pressions exercées lors des auditions en gendarmerie, comme ce qu'a pu vivre l'association L214 ces derniers mois.
L'enquête a eu lieu au niveau des ONG et des groupes militants qui se revendiquent de la désobéissance civile, action qui se veut radicale mais non violente, assumant ses actes et pouvant aller jusqu'au procès. Ce n'est pas du tout le cas des ultras qui recourent à la violence dans des activités qui sont aussi clandestines et cette catégorie n'est pas étudiée ici.
2015 semble être l'année charnière dans la radicalisation de la répression avec l'organisation de la cop à 21, les attentats terroristes et la mise en place de l’état d’urgence. Ce qui, en réaction, a transformé le rapport à la manifestation et a créé une culture militante. Les plus jeunes et même les plus âgés ont intégré l'idée qu'une manifestation change de grammaire car il peut y avoir des effets, notamment emprisonnement, procès, intimidation, ce qui a également transformé le rapport à la manifestation, aux états, et d'une certaine manière à leur propre pratique militante.
Les manifestants antinucléaires savent qu'ils peuvent avoir des peines de prison assez lourdes. Cette répression montante de l'état s'est accompagnée d'une prise de conscience par la société des questions environnementales, et de la volonté de l'état de maintenir le contrôle pour ne pas se laisser dépasser par cette prise de conscience.
Les décrocheurs de portraits qui veulent descendre Macron de son piédestal risquent jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 € d'amende. Ces militants sont traitées de façon assez dure avec des procès, perquisitions, emmenés menotté de leur domicile, alors qu'en même temps les responsables du dérèglement climatique ne sont pas inquiétés. Il peut y avoir une très grande disparité entre les poursuites, comme le tribunal de Lyon qui a jugé compréhensible, en état de nécessité, ces actes de désobéissance civile, alors qu'à Paris les décrocheurs ont été poursuivis par la cellule antiterroriste. Cependant à Lyon, le parquet a fait appel et ces militants seront rejugés fin septembre.
Les militants se plaignent de la très grande disparité entre leurs actions, et par exemple les agriculteurs qui déversent du fumier devant une préfecture et dont certains n'hésitent pas à attaquer des locaux de militants écologistes sans que le procureur n'engage de poursuites après le dépôt de plainte. Ce qui dérange l'état, c'est que ces militants montrent le double jeu des états entre leurs discours et leurs actes, par exemple des normes concernant les pesticides existent mais elles ne sont pas appliquées où à la marge.
Cette répression contre l'écologie existe au niveau international comme en Colombie ou au Bresil avec 33 militants tués en Amazonie par des trafiquants de bois pendant que les autorités ferment les yeux, à l'image du vice-ministre de l'agriculture au Brésil, Louis nabhan Garcia, qui déclarait l'année dernière au magazine "Complément d'enquête" au sujet de la religieuse Dorothy Stang assassinée en 2005 par des tueurs à gages alors qu'elle luttait contre l'élevage intensif: "Toute action provoque une réaction et malheureusement il y a quelques assassinats qui arrivent. Vous croyez que Dorothy Stang était une sainte, non c'était une agitactrice, et moi si je dois faire mon choix entre des propriétaires qui travaillent et qui portent le pays sur leurs épaules et cette agitatrice, je fais le choix de ceux qui produisent". L'année dernière il y a eu plus de 60 morts de militants écologistes au Brésil et la France ne condamne pas ces meurtres au niveau international.
En France la cellule DEMETER créée au sein de la gendarmerie nationale à la demande de la FNSEA et présentée officiellement par Christophe Castaner l'année dernière pour répondre à l'agribashing, et défendre les agriculteurs qui épandent des pesticides, a conclu une convention avec la FNSEA et les jeunes agriculteurs pour un partenariat et des échanges de renseignements. Pour justifier cette cellule, le ministre de l'agriculture dit qu'il y a +1,5 % d'agressions contre les agriculteurs alors que pour arriver à ce chiffre il compte les vols de GPS et toute la délinquance qui n'a rien à voir avec le militantisme écologique. Ce mélange des genres est une pratique couramment utilisée pour discréditer tout type de manifestation.
Macron déclarait en juin 2019 pour la fête de la musique à l'attention de la jeunesse: "J'ai besoin de ces mouvements, de ces indignations, je compte sur vous pour me rendre la vie impossible" alors qu'en même temps y a une multiplication des auditions en gendarmerie."
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Les abonnés à Libération en sauront plus, mais sur le principe il est clair que la répression tous azimuts contre les organisations et manifestants écologiques a pour but de masquer la réalité des faits pour ne laisser apparaître que le discours officiel qui se veut rassurant.
Car si l'on peut affirmer à tort que la diminution des allocations chômage, la casse du code du travail, l'augmentation des CDD mal payés et de la pauvreté peuvent suffire au maintien du pouvoir d'achat de la classe moyenne par un effet de vase communicant - alors que le vase communicant se fait en réalité entre toute la population dans son ensemble vers une très petite minorité d'ultra riches, la stigmatisation des plus pauvres et des chômeurs servant d'épouvantail aux classes moyennes pour qu'elles consentent à travailler plus à salaire identique - aucune théorie fumeuse, comme la théorie du ruissellement chère à Macron, ne peut masquer la constatation du réchauffement climatique et la dégradation de l'écosystème dans son ensemble. Et l'on ne peut pas dire ici que le malheur des uns fera le bonheur des autres puisque tout le monde sera affecté.
C'est pourquoi la répression contre la vigilance écologique est en passe de devenir une priorité dans bon nombre de pays. Seul le discours officiel doit pouvoir se faire entendre, sinon les manifestations et mouvements de révolte pourraient prendre une ampleur considérable du fait d'une union des luttes naturelle dépassant toute idéologie, et à même de remettre en cause le "modèle" néolibéral défendu vaille que vaille mais en toute incohérence, par des politiciens corrompus.