Procès Android : « le Copyright sur les API va étouffer l’innovation »
Procès Android : « le Copyright sur les API va étouffer l’innovation »
d'éminents informaticiens écrivent à la Cour Suprême des États-Unis
Google et Oracle sont enlisés dans un conflit judiciaire depuis plusieurs années concernant la violation des brevets Java dans le système d’exploitation Android.
Oracle avait attaqué Google en justice en août 2010 pour violation de ses brevets Java dans Android et sa machine virtuelle Davilk. Pour Oracle, Google aurait pris « les plus attrayantes et les plus importantes pièces de programmation de Java pour créer Android. »
Oracle revendiquait la violation de 37 API Java. Celui-ci avait été débouté dans une première décision de justice, par le juge William Alsup (développeur lui aussi à ses heures perdues), qui avait statué en mai 2012 que les API ne peuvent pas être soumises au droit d’auteur.
Oracle n’avait pas pour autant renoncé suite à cette décision et avait fait appel. Un appel dont les conclusions avaient été en faveur du géant des bases de données. Trois juges fédéraux avaient conclu que les API peuvent être protégées par un Copyright.
Désormais, c’est soit à la Cour suprême, ou soit au Congrès d’affirmer le contraire. Un groupe d’éminents informaticiens ont pris le devant en écrivant une lettre à la Cour Suprême, pour faire prendre conscience des conséquences d’une décision en faveur d’Oracles sur le domaine technologique.
Le groupe (77 informaticiens) est constitué de cinq gagnants de la distinction Turing, des médaillés nationaux de la technologie, des nominés de l’ACM, l’IEEE, etc. On y retrouve des grands noms de l’IT comme Vinton "Vint" Cerf, l'un des pères de l’internet, Guido van Rossum, créateur de Python, ou encore Ken Thompson, co-créateur du système d’exploitation Unix.
« La décision de la Cour fédérale représente une menace importante pour le secteur de la technologie et pour le public. Si elle est maintenue, Oracle et d’autres entreprises auront une puissance sans précédent, qui sera dangereuse pour l’avenir de l’innovation. Des créateurs d’API auront le droit de veto sur tout développeur qui souhaite créer une application compatible, peu importe s’il copie ou non le code de l’API d’origine. », peut-on lire dans la missive, qui a été déposée par l’Electronic Frontier Foundation (EFF).
Dans le document, l’API est définie comme « une spécification qui permet aux programmes informatiques de communiquer entre eux. Ainsi, lorsque vous saisissez une lettre dans un éditeur de texte, et procédez à une impression, vous utilisez une API qui permet à l’éditeur de texte de communiquer avec le pilote de l’imprimante, même si ces éléments ont été développés par des personnes différentes. »
Partant de cette définition, les scientifiques expliquent que si les API avaient été soumises au Copyright depuis la naissance de l’informatique moderne, de nombreuses technologies existantes n’auraient jamais vu le jour. À titre d’exemple, les scientifiques citent la prolifération d’ordinateurs sur le marché, qui est due à l’absence de droit d’auteur sur la spécification du BIOS (Basic Input/Output System) par IBM.
« Les API ouvertes sont essentielles pour de nombreux développements modernes, y compris ceux des systèmes d’exploitation Unix, des langages de programmation tels que C, des protocoles réseaux et internet, et le Cloud », conclut la missive.
Oracle et Google n’ont fait aucune déclaration jusqu’ici concernant ce nouvel élément qui vient s’ajouter au dossier. La décision de la Cour suprême marquera la fin de ce feuilleton judiciaire.
Source : EFF
Et vous ?
:fleche: Les API doivent-elles être protégées par le droit d’auteur ? Partagez-vous l'avis de ces informaticiens ?
:fleche: Quels pourraient être les dégâts d’une telle décision sur l’écosystème Java et sur l'IT en générale ?
Blanc bonnet ou Bonnet blanc?
C'est bien beau cette envolée éthique pour sauver l'innovation avec un grand "I".
Mais je rappèle tout de même qu'il s'agit d'un combat entre Google et Oracle...
Quelque soit le gagnant, ce sera un monstre qui se propose de contrôler le monde numérique par tous les moyens!!!!
Alors en quoi l'innovation va gagner?
Jusqu'à preuve du contraire ni Oracle, ni Google n'est un gentil club de bienfaisance!
Etat du droit positif en matière de logiciels
Il apparaît paradoxal que l'état du droit positif en matière de logiciels fasse débat. Un des commentateurs rappelle à juste titre le principe de la séparation des pouvoirs qui devrait normalement permettre à la Cour Suprême des Etats-Unis de trancher la question une fois pour toute.
Aux termes d'une âpre négociation qui s'est déroulée entre les Etats-Unis et la France, les rédacteurs du traité international créant l'Organisation Internationale du Commerce (OMC) ont décidé que la propriété intellectuelle des logiciels serait régie par le droit d'auteur. La partie du traité régissant cette question indique en effet:
"Les programmes d'ordinateur, qu'ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu'oeuvres littéraires en vertu de la Convention de Berne (1971)".
Les traités internationaux sont placés au sommet de la hiérarchie des sources du droit. Le principe énoncé par l'OMC s'impose à tous les Etats ayant ratifié ce traité. La Cour Suprême des Etats-Unis devrait donc trancher cette question en faveur du droit d'auteur.
Les droits de l'homme et la création
Le droit d'auteur n'est pas une simple question d'argent.
Cette question concerne de manière fondamentale la justice et la liberté. Il s'agit de mettre en oeuvre un droit simple: le droit que détient le travailleur sur le produit de son travail. Locke est un des plus grands défenseurs de ce droit. Selon lui, la création d'un être humain est le fruit d'un travail qui prolonge sa personne. Elle doit bénéficier des mêmes protections.
Le droit d'auteur est un droit si naturel qu'on pense qu'il a toujours existé. Ce n'est pas exact. Les deux personnes qui ont joué un rôle important dans sa construction sont Beaumarchais et Victor Hugo. C'est ce dernier qui est à l'origine de la Convention de Berne. Une autre personnalité importante dans la promotion de ce droit est René Cassin. L'article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 qu'il a rédigée stipule:
Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.
C'est la France qui a défendu la supériorité du droit d'auteur sur le copyright lors de la négociation des accords de l'OMC. Il n'est pas surprenant, compte-tenu de ces références, que ce soit sa thèse qui ait triomphé.
Dire que le droit d'auteur va entraver la fluidité du marché est fallacieux. L'absence de ce droit protège certes l'Establishment mais décourage la créativité, la recherche-développement et l'investissement.
Le manque de protection efficace des créateurs est la cause qui explique le mieux la crise économique que nous traversons, crise qui résulte d'un renoncement à l'avenir. Voir l'article que j'ai publié à ce sujet à http://www.agoravox.fr/actualites/ec...ance-et-155982.