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Tim Berners-Lee : forcer les géants du Net à payer les médias pour relayer leurs articles est irréalisable
Pour l’inventeur du web, forcer les géants du numérique à rémunérer les médias pour relayer leurs articles, comme voulu par l’Australie, est irréalisable
Sans saper un principe fondamental d’Internet
L’Australie pourrait dès cette année être le premier pays au monde à forcer les géants du numérique à rémunérer les éditeurs de presse pour relayer leurs articles. La France est sur une lancée similaire dans le cadre du « droit voisin » qui impose à l’ensemble des plateformes, réseaux sociaux et autres sites internet de verser une rémunération aux médias dont ils utilisent les articles desquels ils tirent des revenus. L’inventeur du web, Tim Berners-Lee, est d’avis que cela relève de l’irréalisable sans saper un principe fondamental d’Internet.
C’est son avis dans le cadre d’une enquête du Sénat australien en lien avec l’initiative qui est en train de déboucher sur un code de conduite. D’un point de vue technique, portent sur l’un des éléments clés du web : les liens hypertextes.
« Sur le web, le partage de contenu repose sur la capacité des utilisateurs à faire deux choses : créer du contenu, généralement du texte mais aussi d'autres médias ; et faire des liens dans ce contenu vers d'autres parties du web. Ceci est conforme au discours humain en général, dans lequel il existe un droit, et souvent un devoir, de faire des références. Un article académique est nécessaire pour énumérer les références à d'autres articles qui sont liés. Un journaliste est normalement tenu de faire référence à leurs sources. Le discours des blogueurs implique des liens d'un blog à l'autre. La valeur du blog réside à la fois dans le texte et dans les liens soigneusement choisis.
Avant que les moteurs de recherche ne soient effectifs sur le web, suivre les liens d'une page à l'autre était le seul moyen de trouver du contenu. Les moteurs de recherche rendent ce processus beaucoup plus efficace, mais ils ne peuvent le faire qu'en utilisant la structure des liens du web comme principale entrée. Les liens sont donc fondamentaux pour le web.
D'après ce que je comprends, le code proposé vise à exiger de certaines plateformes numériques qu'elles doivent négocier et éventuellement payer pour établir des liens vers des contenus d'actualité provenant d'un groupe particulier de fournisseurs d'informations.
Le fait d'exiger une redevance pour un lien sur le web bloque un aspect important de la valeur du contenu web. À ma connaissance, il n'existe actuellement aucun exemple d'exigence légale de paiement pour les liens vers d'autres contenus. La possibilité d'établir des liens librement - c'est-à-dire sans limitations concernant le contenu du site lié et sans frais - est fondamentale pour le fonctionnement du web, son essor jusqu'à présent et sa croissance future dans les décennies à venir.
Comme beaucoup d'autres, je soutiens le droit des éditeurs et des créateurs de contenu à être correctement récompensés pour leur travail. C'est sans aucun doute une question qui doit être abordée, tant en Australie que dans le monde entier. Cependant, je suis fermement convaincu que les contraintes sur l'utilisation des liens hypertextes ne sont pas la bonne façon d'atteindre cet objectif. Cela porterait atteinte au principe fondamental de la possibilité de créer librement des liens sur le web, et est incompatible avec la façon dont le web a pu fonctionner au cours des trois dernières décennies. Si ce précédent était suivi ailleurs, il pourrait rendre le web inutilisable dans le monde entier. Je demande donc respectueusement à la commission de supprimer ce mécanisme du code de conduite en gestation », indique-t-il.
En d’autres termes, le fait pour des pays comme l’Australie ou la France de forcer les géants du numérique à rémunérer les éditeurs de presse pour relayer leurs articles est irréalisable sans saper un principe fondamental d’Internet.
La sortie de Tim Berners-Lee fait suite à celle de Mel Sylva de Google sur la question : « Cette disposition du code de conduite en cours de gestation créerait un précédent intenable pour notre entreprise et l'économie numérique. Elle n'est pas compatible avec le fonctionnement des moteurs de recherche ou d'Internet. Google n’est seul à penser ainsi. Le principe de la liberté d'établir des liens entre les sites web est fondamental pour les moteurs de recherche. Combiné au risque financier et opérationnel ingérable si cette version du code devenait une loi, cela ne nous donnerait pas vraiment d'autre choix que de cesser de rendre Google Search disponible en Australie. »
Fait notable de l’intervention de Tim Berners-Lee : elle ne fait pas mention des snippets – une technique plus récente qui double un lien d’une reprise, d’un extrait ou de tout autre élément de nature à expliciter le contenu du lien. Il apparaît qu’une bonne partie des internautes se contente de cette information, sans éprouver le besoin d’aller cliquer sur le lien et donc de visiter le site, qui par la suite ne peut monétiser ses contenus sous forme d’abonnement ou de publicité.
Les snippets sont l’un des points d’achoppement les plus importants de Google avec les autorités tant de la France que de l’Australie. En effet, Google a menacé de bloquer son moteur de recherche en Australie s’il est obligé de payer pour les extraits d’actualité lisibles au travers de ces derniers. En France, le géant de la technologie a cherché à éviter de payer les éditeurs pour la réutilisation de bribes de contenu dans ses produits d'agrégation de nouvelles et de recherche en ne les affichant plus dans le pays. En avril 2020, l’Autorité française lui a donc porté plainte pour abus de position dominante et obtenu gain de cause en octobre dernier. Ces tractations ont débouché sur un accord relatif à l’utilisation des publications de presse (via les snippets) avec l’Alliance de la presse d’information générale (APIG).
Cet accord fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence avec les membres de l’Alliance dont les publications sont reconnues « d'Information Politique et Générale », ce, tout en reflétant les principes fixés par la loi. Ces accords individuels de licence couvriront les droits voisins et ouvriront l’accès à News Showcase – un nouveau programme de licence de publications de presse lancé récemment par Google, qui permettra aux lecteurs d’accéder à un contenu enrichi.
La rémunération prévue dans les accords de licence entre chaque éditeur de presse et Google est basée sur des critères tels que, par exemple, la contribution à l'information politique et générale, le volume quotidien de publications ou encore l’audience Internet mensuelle.
Pierre Louette, PDG du Groupe Les Echos - Le Parisien et, Président de l’Alliance de la Presse d’Information Générale, déclare : « Après de longs mois de négociations, cet accord est une étape importante, qui marque la reconnaissance effective du droit voisin des éditeurs de presse et le début de leur rémunération par les plateformes numériques pour l’utilisation de leurs publications en ligne ».
Sébastien Missoffe, Directeur Général de Google France déclare : « Cet accord est une étape majeure pour Google. Il confirme notre engagement auprès des éditeurs de presse dans le cadre de la loi française sur le droit voisin. Il ouvre de nouvelles perspectives pour nos partenaires, et nous sommes heureux de contribuer à leur développement à l’ère du numérique et soutenir le journalisme. »
Source : Sir Tim Berners-Lee
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:fleche: Partagez-vous l'avis de Tim Berners-Lee ?
:fleche: Reste-t-il extensible au cas des snippets ? Qui de lui ou des régulateurs qui demandent aux géants technologiques de payer pour l'affichage des extraits de publications a raison ?
Voir aussi :
:fleche: Droit voisin : L’Autorité de la concurrence donne raison aux éditeurs de presse et enjoint ainsi à Google de lancer des négociations, sur la rémunération de la reprise des contenus protégés
:fleche: Droit voisin : la presse française s’attaque à Google devant l’Autorité à la concurrence, espérant forcer le moteur de recherche à proposer une offre tarifaire pour la reprise des contenus
:fleche: La position de Google sur la rémunération des éditeurs de presse pour l’affichage d’extrait n’est « pas acceptable », selon le ministre de la Culture
:fleche: Les moteurs de recherche devraient-ils rémunérer les éditeurs de presse pour afficher leurs articles ? Un projet adopté par les ambassadeurs de l’UE
:fleche: Google News ferme en Espagne, les éditeurs inquiets, le gouvernement temporise
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Antitrust : le régulateur australien de la concurrence envisage une action coercitive contre Google
Antitrust : le régulateur australien de la concurrence envisage une action coercitive contre Google,
pour abus de sa position dominante sur le marché de la technologie de publicité numérique pour étouffer ses rivaux
Fin juillet, le gouvernement australien, à travers la Commission australienne de la concurrence et des consommateurs (abrégée ACCC en anglais), a annoncé qu’il allait contraindre Facebook et Google à payer une rémunération aux groupes de presse du pays pour les contenus qui sont relayés sur leurs plateformes.
Pour ce faire, la Commission australienne de la concurrence a publié un projet de code obligatoire qui va définir un cadre qui permettra « aux entreprises de médias d’information de négocier individuellement ou collectivement avec Google et Facebook sur le paiement de l’inclusion de contenus » sur leur plateforme respective. Dans ce projet de loi, il est stipulé que « si les entreprises de presse et les plateformes numériques ne peuvent pas conclure un accord dans le cadre d’un processus formel de négociation et de médiation de trois mois, un arbitre indépendant choisirait alors l’offre finale des deux parties la plus raisonnable dans un délai de 45 jours ouvrables ». « Des accords de paiement pourraient être conclus dans les six mois suivant l’entrée en vigueur du code si un arbitrage est nécessaire », souligne la Commission australienne de la concurrence australienne.
Les élus planchent pour une application cette année, l’Australie deviendrait ainsi le premier pays à obliger Google et Facebook à payer les éditeurs pour les contenus dès qu'ils sont affichés sur leurs vitrines en ligne. En outre, si le projet de code ne s’applique qu’à Google et Facebook pour l’instant, d’autres plateformes numériques pourraient être ajoutées si elles atteignent à l’avenir un déséquilibre du pouvoir de négociation avec les entreprises de médias d’information australiennes.
Pour mieux comprendre les motivations du gouvernement australien, il faut savoir que depuis 2018, l’ACCC a publié un rapport sur la santé du marché de la presse et la puissance des plateformes numériques américaines. Dans son rapport, ACCC déclare avoir identifié un déséquilibre fondamental du pouvoir de négociation entre les entreprises de médias d’information australiennes et Google et Facebook. Comme recommandations, le régulateur australien a préconisé l’introduction de codes de conduite pour réguler les rapports de force inégale entre les deux partis. Le 12 décembre 2019, le gouvernement australien a demandé à l’ACCC de travailler avec Google et Facebook et les entreprises des médias d’information pour mettre en œuvre des codes de conduite volontaires. Les discussions n’ayant pas abouti, le gouvernement australien a demandé le 20 avril dernier à l’ACCC d’élaborer un code de conduite obligatoire, avec un projet de code pour consultation publique avant la fin de juillet 2020, ainsi qu’un code final à définir peu après. C’est ce projet de code qui a été mis à la disposition du public.
Google va bloquer son moteur de recherche en Australie s'il est obligé de payer pour les extraits d'actualités sur sa plateforme
Google a déclaré vendredi le 22 janvier qu'il bloquerait son moteur de recherche en Australie si le gouvernement venait à valider son projet de loi qui l'obligerait, ainsi que Facebook Inc, à payer les entreprises de médias pour le droit d'utiliser leur contenu. La menace de Google fait monter d'un cran la tension dans la bataille contre des éditeurs tels que News Corp, bataille qui est étroitement surveillée à l'international. La grande enseigne de la recherche avait averti que ses 19 millions d'utilisateurs australiens seraient confrontés à des expériences de recherche et de YouTube dégradées si le nouveau code était appliqué.
« Associé au risque financier et opérationnel ingérable si cette version du Code devenait loi, cela ne nous donnerait pas d'autre choix que d'arrêter de rendre Google Search disponible en Australie », a déclaré Mel Silva, directeur général de Google pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande, devant un comité sénatorial. Silva n'a fait aucune mention de YouTube dans les remarques préparées, car le service vidéo devrait être exempté en raison des révisions du code le mois dernier.
Les commentaires de Google ont été vivement réprimandés par le Premier ministre australien Scott Morrison, qui a déclaré que le pays établissait ses règles pour « ce que vous pouvez faire en Australie ». « Les gens qui veulent travailler avec ces règles en Australie, vous êtes les bienvenus. Mais nous ne répondons pas aux menaces », a déclaré Morrison aux journalistes.
Lors de l'enquête, le président de la Commission australienne de la concurrence et de la consommation, Rod Sims, qui a supervisé les nouvelles règles, a déclaré qu'il ne pouvait pas prédire ce que les géants de la technologie feraient, mais a déclaré « qu'il y a toujours de la responsabilité dans les négociations sérieuses ». « Ils parlent d’accords commerciaux où ils contrôlent totalement l’accord », a-t-il déclaré. « À mon avis, ce n’est pas un accord commercial. »
Google a qualifié le code de trop large et a déclaré que sans révisions, offrir même un outil de recherche limité serait trop risqué. La société ne divulgue pas les ventes en Australie, mais les annonces de recherche sont son principal contributeur aux revenus et aux bénéfices à l'échelle mondiale.
La menace de Google de limiter ses services en Australie est intervenue quelques heures seulement après que le géant de l'internet a conclu un accord de paiement de contenu avec certains éditeurs de presse français dans le cadre d'une action de 1 milliard de dollars sur trois ans pour soutenir les éditeurs.
Le témoignage de Google « fait partie d'un modèle de comportement menaçant qui fait froid dans le dos pour quiconque apprécie notre démocratie », a déclaré Peter Lewis, directeur du Centre pour la technologie responsable de l'Australian Institute.
Le régulateur australien de la concurrence envisage une action coercitive contre Google
Le régulateur australien de la concurrence envisage une action coercitive contre Google sur des allégations selon laquelle Google exerce sa domination sur le marché de la technologie de publicité numérique de 3,4 milliards de dollars pour étouffer ses rivaux. La Commission australienne de la concurrence et de la consommation examine également si une réglementation supplémentaire est nécessaire pour répondre aux préoccupations que Google utilise son pouvoir pour « auto-préférer » ses propres produits et consolider davantage ses activités.
« De nombreuses entreprises se plaignent du fait que Google "corrige sa propre copie" concernant l'efficacité des publicités qu'il fournit », a déclaré le président de l'ACCC, Rod Sims. « Cela se traduit très souvent par un Google qui agit au nom des éditeurs et des annonceurs pour la même vente d'annonces dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement des technologies publicitaires, tout en vendant également son propre inventaire d'annonces ».
L'ACCC envisage ces mesures à la suite de la publication de son rapport préliminaire sur le secteur des services de publicité numérique, publié jeudi, selon lequel Google détenait entre 50 et 100% des quatre marchés utilisés pour acheter, vendre et publier de l'affichage publicitaire. Les services de technologie publicitaire sont ceux qui fournissent de la publicité d'affichage numérique, à savoir des images ou des vidéos qui apparaissent avant ou à côté du contenu consulté en ligne.
Sims a déclaré que le régulateur était toujours en train de décider si des mesures coercitives étaient nécessaires et qu'il examinait de près les propositions des régulateurs du Royaume-Uni et d'Europe, annoncées le mois dernier, concernant de nouvelles règles pour résoudre les problèmes de conflit d'intérêts sur le marché des technologies publicitaires.
Angela Flannery, partenaire des données et de la protection de la vie privée au sein du cabinet d'avocats national Holding Redlich, a déclaré qu'il était « décevant » que l'ACCC n'ait pas encore résolu d'utiliser ses pouvoirs existants pour prendre des mesures contre Google pour des allégations de comportement anticoncurrentiel.
« Si vous regardez les choses du point de vue des entreprises australiennes qui utilisent ces services de technologie publicitaire et qui paient potentiellement trop d'argent, et des éditeurs australiens qui ne reçoivent potentiellement pas une part équitable des revenus publicitaires, cela va prendre du temps pour qu'une nouvelle réglementation soit adoptée », a déclaré Flannery.
Le directeur général de Guardian Australia, Dan Stinton, a déclaré que des mesures étaient nécessaires pour empêcher Google « d'exploiter son pouvoir de marché pour préférer sa propre entreprise et que le marché doit fonctionner avec plus de transparence pour donner aux consommateurs, aux annonceurs et aux éditeurs plus de confiance dans la façon dont il fonctionne ».
Free TV Australia, qui fait du lobbying au nom des chaînes de télévision commerciales australiennes, s’est également félicitée des résultats.
« Avec moins d'argent gaspillé dans le système, plus d'argent sera disponible pour les diffuseurs de télévision et autres créateurs de contenu pour continuer à investir dans une excellente programmation locale et des informations fiables », a déclaré la directrice générale Bridget Fair.
Source : The Sydney Morning Herald
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:fleche: Qu'en pensez-vous ? Réaction face à la menace de Google qui a indiqué son intention de bloquer son moteur de recherche si le projet de loi de l'ACCC aboutissait ? Simple coïncidence ?
Voir aussi :
:fleche: Antitrust : la Commission européenne ouvre une procédure d'examen contre Google relative à ses pratiques de collecte de données et de publicité