Que nenni, n'évite surtout pas ce type de référence, au contraire! Je disais ça, c'était une façon de dire que, pour un bourgeois capitaliste, tu es très ouvert. C'est rare les capitalistes à qui on peut parler d'autre chose que de pognon, de taxes et de bénèf.
Nan mais je faisais référence à Proudhon juste pour dire que la propriété c'est pas une notion si claire et universelle qu'on essaie de nous le faire croire. Et que donc, justement:
Je ne balaie par ça d'un revers de main. Ce que je dis c'est que le problème est mal posé. Je m'explique:
En ce qui concerne l'économie, le discours ambiant, bourgeois et capitaliste, est celui de l'école de Chicago: concurrence libre et non faussées, libre circulation des capitaux (mais pas des individus, subtil détail qui, pourtant change tout), désengagement de l'état quand ça va bien, engagement quand ça va mal, encouragement de champions nationaux, application de la théorie des avantages comparatif (Ricardo), etc. Bon, cette doxa est tellement prégnante que TOUS les partis susceptibles de prendre le pouvoir dans TOUS les pays occidentaux suivent cette ligne et n'envisagent pas d'en sortir. C'est ce que nous, à la gauche de gauche, nous appelons la "pensée unique", mais j'évite d'utiliser ce terme car il n'a pas le même sens pour tout le monde.
Bon, nous avons donc cette idéologie qui régit l'économie des pays riches. Car oui, c'est une idéologie. C'est elle qui a gagné donc on a l'impression que c'est juste une sorte d'état naturel, mais non, il s'agit bien d'une idéologie, qui était même à l'état d'utopie il y a pas si longtemps, et qui est donc, à la base, une construction théorique artificielle.
Qu'est-ce qui se cache derrière cette idéologie? A mon avis, le trait le plus caractéristique est cette interprétation de Hobbes (que je pense fausse, mais c'est une longue histoire) de la fameuse phrase "l'homme est un loup pour l'homme". Je pense que c'est vraiment le pilier principal de toute l'idéologie dite "néolibérale" moderne. Une fois que l'on a admit que notre voisin est avant tout un ennemi, alors on est obligé de construire des protections. Ces protections, dans nos états dits "de droit" (là il y a encore beaucoup à dire, la récurrente distinction entre "l'officiel" et le "fait/de-fait"), sont les lois. Ces lois, que l'on essaie de nous faire croire, encore une fois, qu'elles ont un caractère naturel, sont donc une construction totalement artificielle; dont les fondamentaux, je le rappelle, viennent du droit romain, et j'incite tout le monde à lire les artisans de cette pensée romaine, par exemple Ciceron, pour comprendre pourquoi lorsque nous disons que "la justice est faite par et surtout pour les riches" ce n'est pas qu'un slogan de manif.
Bref, tout ceci n'est qu'une construction. Le système économique, les lois, on nous assène ça comme si la notion de propriété était inhérente, ontologique, à l'être humain. C'est de la connerie! Et tant que l'on a pas remis en question ces questions-là, tout le reste c'est du blabla, car cela revient à développer une démonstration à partir d'hypothèses fausses. Non, le salariat n'est pas naturel. Non, il n'est pas à priori normal qu'une personne s'empare d'une partie de la richesse du travail produit par autrui. C'est toute cette construction que je remet en question, et je pense qu'il faut commencer par régler cette question avant de continuer la discussion.