Antitrust : que reproche la Commission européenne à Google ?
Antitrust : que reproche la Commission européenne à Google ?
La commissaire à la concurrence tente de justifier l'amende de 4,3 milliards d'euros
Hier, la Commission européenne a infligé une amende de 4,34 milliards d'euros (soit 5 milliards de dollars) à Google pour violation des règles de concurrence de l'UE avec Android. « Aujourd'hui, l'internet mobile représente plus de la moitié du trafic internet mondial. Il a changé la vie de millions d'Européens », a déclaré hier Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, dans un communiqué. « L'affaire qui nous occupe porte sur trois types de restrictions imposées par Google aux fabricants d'appareils Android et aux opérateurs de réseaux pour faire en sorte que le trafic sur les appareils Android soit dirigé vers le moteur de recherche de Google. De cette manière, Google utilise Android comme un véhicule pour consolider la position dominante de son moteur de recherche. Ces pratiques ont privé ses concurrents de la possibilité d'innover et de lui livrer concurrence par leurs mérites. Elles ont privé les consommateurs européens des avantages d'une concurrence effective sur le marché important des appareils mobiles », dit-elle.
Elle estime que cela est illégal au regard des règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles. Mais sans se limiter à ces propos, la commissaire européenne chargée de la concurrence a détaillé les abus reprochés à Google et qui justifieraient cette amende record qui - pour la mettre en perspective - correspond à la contribution annuelle des Pays-Bas au budget de l'UE.
La position dominante de Google expliquée par la Commission européenne
Suite à son enquête, la Commission européenne conclut que Google occupe une position dominante sur le marché des services de recherche générale sur l'internet, sur le marché des systèmes d'exploitation mobiles intelligents sous licence et sur le marché des boutiques d'applications en ligne pour Android.
Android est un système d'exploitation mobile intelligent sous licence, dans la mesure où les fabricants tiers d'appareils mobiles intelligents peuvent, sous licence, faire fonctionner Android sur leurs appareils. D'après la Commission, grâce au contrôle qu'il exerce sur Android, Google occupe une position dominante sur le marché mondial (à l'exception de la Chine) des systèmes d'exploitation mobiles intelligents sous licence, avec une part de marché de plus de 95 %. Et il existe des barrières élevées à l'entrée, notamment en raison des effets de réseau : plus les consommateurs qui utilisent un système d'exploitation mobile intelligent sont nombreux, plus les développeurs élaborent des applications pour ce système - ce qui, à son tour, attire plus d'utilisateurs. En outre, des ressources considérables sont nécessaires pour mettre en place un système d'exploitation mobile intelligent sous licence qui soit performant.
Pour ce qui est des services de recherche générale, la firme américaine détient des parts de marché de plus de 90 % dans la plupart des 31 États membres de l'Espace économique européen (EEE), et selon la Commission, il existe également des barrières élevées à l'entrée sur ce marché. Enfin, en ce qui concerne les boutiques d'applications Android, Google occupe encore une position dominante sur le marché mondial (à l'exception de la Chine). Plus de 90 % des applications téléchargées sur des appareils Android le sont en effet via Play Store, la boutique d'applications de Google. Et ce marché se caractérise aussi par d'importantes barrières à l'entrée, selon la Commission.
Les pratiques illégales dénoncées par la Commission européenne
Toutefois, « une position dominante sur le marché n'est en soi pas illégale au regard des règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles. Il incombe néanmoins tout particulièrement aux entreprises dominantes de veiller à ne pas abuser de leur pouvoir de marché en restreignant la concurrence, que ce soit sur le marché où elles détiennent une position dominante ou sur des marchés distincts », est-il précisé dans le communiqué de la Commission européenne. Le problème avec Google est que la firme américaine se serait livrée à trois types distincts de pratiques, qui avaient toutes pour objectif de consolider sa position dominante sur le marché de la recherche générale sur l'Internet.
Dans son communiqué, la Commission européenne reproche dans un premier temps à Google d'avoir exigé des fabricants qu'ils préinstallent l'application Google Search et son navigateur (Chrome) comme condition à l'octroi de la licence pour sa boutique d'applications en ligne (Play Store). La Commission a conclu, dans sa décision, que Google s'est ainsi livré à une vente liée illégale à deux égards : premièrement, la vente liée illégale de l'application Google Search dès 2011, date à partir de laquelle Google a acquis une position dominante sur le marché des boutiques d'applications en ligne pour Android. Et deuxièmement, la vente liée illégale du navigateur Google Chrome dès 2012, date à partir de laquelle Google a inclus le navigateur Chrome dans son offre groupée d'applications (Google Play Store, Google Search et Google Chrome).
La deuxième pratique remise en cause est que Google a payé certains grands fabricants et certains grands opérateurs de réseaux mobiles pour qu'ils préinstallent en exclusivité l'application Google Search sur leurs appareils. La Commission estime que ces paiements sont illégaux, car cela a porté préjudice à la concurrence du fait de la réduction significative de leurs incitations à préinstaller des applications de recherche concurrentes. L'enquête de la Commission a en effet révélé que pour qu'un fabricant d'appareils (ou un opérateur de réseaux mobiles) refuse l'offre de Google pour installer un moteur de recherche concurrent, il aurait logiquement fallu que ce moteur de recherche paie au moins le manque à gagner du fabricant (ou de l'opérateur mobile). Or, un moteur de recherche concurrent n'aurait pas pu offrir cette compensation au fabricant tout en continuant lui-même à générer des bénéfices. Ce comportement de Google était illégal entre 2011 et 2014. Car en 2013, après que la Commission a commencé à se pencher sur la question, Google a commencé à lever progressivement son exigence, et la pratique illégale a cessé de façon effective à partir de 2014.
Le dernier reproche fait à Google est que l'entreprise a aussi empêché les fabricants souhaitant préinstaller les applications Google de vendre ne serait-ce qu'un seul appareil mobile intelligent fonctionnant sur d'autres versions d'Android non approuvées par Google (c'est-à-dire les forks Android). Ce que la Commission qualifie d'obstruction illégale au développement et à la distribution de systèmes d'exploitation Android concurrents. Le gendarme européen de la concurrence dit par exemple disposer d'éléments attestant que, par son comportement, Google a empêché plusieurs gros fabricants de développer et de vendre des appareils fonctionnant sous le fork Android d'Amazon appelé Fire OS.
« Par cette pratique, Google a également privé ses concurrents d'un canal important de commercialisation d'applications et de services, notamment de services de recherche générale, pouvant être préinstallés sur des forks Android. En conséquence, le comportement de Google a eu une incidence directe sur les utilisateurs, dans la mesure où il les a empêchés d'accéder à de nouvelles innovations et à des appareils mobiles intelligents basés sur d'autres versions du système d'exploitation Android. En d'autres termes, du fait de cette pratique, c'est Google - et non les utilisateurs, les développeurs d'applications et le marché - qui déterminait effectivement les systèmes d'exploitation susceptibles d'être couronnés de succès », estime la Commission européenne.
La Commission conclut que ces trois types d'abus font partie d'une stratégie globale de Google visant à consolider sa position dominante sur le marché de la recherche générale sur l'internet alors que l'importance de l'internet mobile augmentait de façon significative. D'où l'amende d'un montant de 4,34 milliards d'euros qui tient compte de la durée et de la gravité de l'infraction. Elle a été calculée sur la base de la valeur des recettes que Google réalise grâce aux services de publicité contextuelle sur les appareils Android dans l'EEE. Google dispose également de 90 jours à compter de l'annonce de la décision pour mettre fin aux pratiques remises en cause par la Commission européenne. Mais quelle incidence cela pourrait-il avoir sur l'écosystème Android ?
Source : Commission européenne
Et vous ?
:fleche: Que pensez-vous des explications de la Commission européenne ?
:fleche: Considérez-vous chacune de ces trois pratiques comme illégitimes ? Pourquoi ?
:fleche: Estimez-vous le montant de l'amende raisonnable ?
:fleche: Quelle incidence cette décision pourrait-elle avoir sur l'écosystème Android ?
Voir aussi :
:fleche: Condamné à une amende de 2,4 milliards d'euros, Google exprime son désaccord avec la décision de la Commission européenne et envisage de faire appel
:fleche: La Commissaire européenne à la Concurrence menace de démanteler Google, si la société américaine continue d'abuser de sa position dominante
:fleche: L'amende de 2,42 milliards d'euros infligée à Google par l'UE devait avoir un effet dissuasif, mais des experts la jugent excessive et inadéquate
:fleche: La Commission européenne s'apprêterait à ouvrir un troisième front contre Google, se tournant cette fois vers les services publicitaires de la firme
Microsoft se fait discret mais continue son espionnage et profite même d'Android pour cela !
Citation:
Envoyé par
sinople
Tout ceci me rappelle sérieusement l'affaire Internet Explorer de Windows. Ce qui c'est traduit par les édition N de Windows spécifique pour l'Europe avec son BallotScreen qui nous cassait légèrement les coucougnettes en tant que professionnel.
Néanmoins dans le fond, je vois pas pourquoi Google (ainsi qu'Appel) serait traité différemment aujourd'hui surtout qu'ils font probablement bien plus de "cash" sur le dos du client avec leur application et éco-système préinstallé que devait faire Microsoft avec Internet Explorer à l'époque.
A Redmond ils doivent bien se marrer en chantant "Il est des notres...".
Enfin Microsoft s'est largement rattrapé avec Windows 10 et sa "télémétrie", son cortana, Edge....
N’oublions pas non plus, qu'il fait comme Google en imposant ses applications sur les mobiles multifonctions Android à ceux qui ne veulent pas payer pour les droits de propriété intellectuelle de Microsoft sur Android (Applications bureautique, Outlook...) ! Et personne n'y voit à redire au niveau de la commission européenne.
Ils ne peuvent pas les rendre payantes ...
Google ne peut pas rendre ses applications payantes parce qu'ils ont besoin de collecter nos informations personnelles... Et pour moi cette amende est bien méritée .
Trump digère mal l'amende de 5 milliards $ infligée à Google
Trump digère mal l'amende de 5 milliards $ infligée à Google
et accuse l'UE de vouloir profiter des géants US de la technologie
Le sort de Google a été scellé hier : une amende de 4,34 milliards d'euros (ou 5 milliards $) ! C'est la valeur estimée des dommages causés par Google pour abus de position dominante avec Android en Europe. Dans un long communiqué, Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, a tenté de justifier cette sanction financière en mettant en évidence trois types de pratiques illégales utilisées par la firme américaine. Plus précisément, Google a, selon la Commission :
- exigé des fabricants qu'ils préinstallent l'application Google Search et son navigateur (Chrome) comme condition à l'octroi de la licence pour sa boutique d'applications en ligne (Play Store) ;
- payé certains grands fabricants et certains grands opérateurs de réseaux mobiles pour qu'ils préinstallent en exclusivité l'application Google Search sur leurs appareils ; et
- empêché les fabricants souhaitant préinstaller les applications Google de vendre ne serait-ce qu'un seul appareil mobile intelligent fonctionnant sur d'autres versions d'Android non approuvées par Google (c'est-à-dire les forks Android).
Ces pratiques, selon la Commission, avaient toutes pour objectif de consolider sa position dominante sur le marché de la recherche générale sur l'Internet. L'amende de 4,34 milliards d'euros, qui tient compte de la durée et de la gravité de l'infraction, est donc méritée, d'après le régulateur européen de la concurrence. Mais aux États-Unis, les autorités ne sont certainement pas ravies de la sanction infligée à l'une de leurs plus grandes entreprises dans le monde entier. Et le Président américain en fait partie.
Dans un tweet, Donald Trump a en effet fustigé jeudi la décision de l'Union européenne. « Je vous l’avais dit ! L’Union européenne vient juste d’infliger une amende de Cinq Milliards de Dollars à l’une de nos plus grandes entreprises, Google. Ils essayent vraiment de profiter des États-Unis, mais cela ne durera pas ! », a-t-il écrit sur Twitter.
Comme pour l'amende de 2,4 milliards d'euros fixée l'année dernière dans le dossier Google Shopping, la Commission européenne veut dissuader les géants de la technologie, majoritairement américains, d'abuser de leur position dominante. Une position qui empêche d'ailleurs l'émergence d'autres concurrents sérieux y compris d'éventuels champions européens. Est-ce pour cela que la Commission européenne multiplie les enquêtes antitrust sur les géants de la technologie ? Si tel est l'objectif de l'UE, cela peut-il vraiment favoriser l'émergence de champions européens de la technologie ? La Commission ne s'en prend-elle pas trop sévèrement aux géants US de la technologie ?
Source : Donald Trump (Twitter)
Et vous ?
:fleche: Qu'est-ce qui, selon vous, motive les enquêtes antitrust sur les géants américains de la tech ?
:fleche: Les sanctions prises par l'UE peuvent-elles favoriser l'émergence de champions européens de la technologie ?
Voir aussi :
:fleche: Condamné à une amende de 2,4 milliards d'euros, Google exprime son désaccord avec la décision de la Commission européenne et envisage de faire appel
:fleche: La Commissaire européenne à la Concurrence menace de démanteler Google, si la société américaine continue d'abuser de sa position dominante
:fleche: L'amende de 2,42 milliards d'euros infligée à Google par l'UE devait avoir un effet dissuasif, mais des experts la jugent excessive et inadéquate
:fleche: La Commission européenne s'apprêterait à ouvrir un troisième front contre Google, se tournant cette fois vers les services publicitaires de la firme