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Euro numérique : la Banque de France envisage de se rapprocher d'un prototype viable d'ici à la fin de 2023
Cryptomonnaie : la Banque de France prévoit d'expérimenter un euro numérique dès 2020,
en réponse à l'initiative Libra de Facebook
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a annoncé ce mercredi que l'institution allait expérimenter dès l'année prochaine une Monnaie Digitale de Banque Centrale (MDBC). C'est une première en Europe. « Nous entendons commencer des expérimentations rapidement et lancer un appel à projets (pour des acteurs du secteur privé) d'ici à la fin du premier trimestre 2020 », a-t-il expliqué lors d'une conférence de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Le projet sera réservé aux institutions financières.
L'expérimentation française participera « à l'étude d'un éventuel e-euro » porté par l'Eurosystème, un sujet déjà évoqué lundi devant le Parlement européen par la nouvelle présidente de la banque centrale européenne, Christine Lagarde, a développé Villeroy de Galhau.
Il a noté tout d’abord les grandes tendances qui caractérisent le marché des paiements en Europe. La numérisation croissante des paiements scripturaux (qui a pour corollaire une diminution significative de la demande d’espèces dans certains pays, de la Suède à la Chine) a été favorisée par la montée en puissance d’acteurs non bancaires. « Et il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, le "centre de gravité" des paiements se déplace vers ces nouveaux acteurs, notamment les BigTechs. Ce basculement constitue à la fois un défi pour le modèle économique des banques et un enjeu de souveraineté pour l’Europe, dès lors que les infrastructures, le savoir-faire et la technologie qui les sous-tendent seraient pour l’essentiel détenus par des entreprises non européennes ».
L’émergence parallèle d’une nouvelle génération de cryptoactifs amplifie ces ruptures. Ainsi, aux premiers cryptoactifs spéculatifs tels que les bitcoins (très volatils, sans réel sous-jacent économique et peut-être sans grande perspective selon le gouverneur), a succédé une seconde génération d’actifs, fondés sur la même technologie blockchain prometteuse, mais assortis désormais de mécanismes destinés à stabiliser leur valeur, les stablecoins. Ces stablecoins, grâce aux effets de réseau, pourraient apporter une solution concrète en matière de paiements transfrontaliers qui sont encore trop chers et trop lents.
Pour le gouverneur, « il est bien sûr exclu, pour nous, banquiers centraux et superviseurs, de subir ce changement. Nous devons assumer pleinement l’exercice de notre double objectif – garantir la confiance / soutenir l’innovation – qui est inscrit dans l’ADN même de notre institution ». L'initiative de la Banque de France vise à renforcer l'efficacité et la productivité du système financier, tout en favorisant la confiance dans la monnaie. Elle « permettrait de disposer d'un puissant levier d'affirmation de notre souveraineté face aux initiatives privées du type Libra », selon le gouverneur, qui a souligné le « déclic » constitué par l'annonce en juin du projet de Facebook. Outre Facebook, la banque américaine JPMorgan a également annoncé en février le prochain lancement du JPM Coin, adossé au dollar et réservé aux investisseurs institutionnels.
Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, très opposé au futur Libra, avait appelé de ses vœux en septembre à la création d'une monnaie numérique publique. Il avait également souligné l'importance de ne pas être distancé par d'autres pays comme la Chine, qui avancent très vite sur leur projet de cryptomonnaie nationale.
Un appel qui rejoint celui de Villeroy de Galhau : « Je vois un intérêt certain à avancer rapidement sur l'émission au moins d'une MDBC de gros [NDLR : destinée aux paiements entre acteurs du secteur financier] afin d'être le premier émetteur au niveau international et tirer ainsi les bénéfices réservés à une MDBC de référence ».
Il a partagé ses réflexions sur trois dimensions : les finalités, les externalités et les modalités possibles d’une telle monnaie numérique de Banque centrale.
Finalités possibles
« Je vois, à ce stade, trois finalités différentes – mais non exclusives les unes des autres – à la digitalisation de la monnaie de banque centrale. La première tient à la volonté, dans les pays comme la Suède où l’utilisation des espèces est en fort déclin, de garantir l’accès des citoyens à la monnaie de banque centrale. Disposer d’une MDBC permettrait alors de préserver la confiance dans le système financier qui résulte en partie de la possibilité d’échanger ses avoirs contre de la monnaie légale. Le deuxième argument porte sur les gains d’efficacité, la réduction des coûts d’intermédiation et la robustesse potentiellement générés par la « tokénisation » de la monnaie centrale notamment dans les activités de règlement et de post-marché (objectif également visé par le projet JPM Coin de la banque JP Morgan). Enfin, troisième finalité – la plus importante pour les autorités politiques, y compris en France et en Europe – la mise en place d’une MDBC nous permettrait de disposer d’un puissant levier d’affirmation de notre souveraineté face aux initiatives privées du type Libra. C’est d’ailleurs l’une des préoccupations mises en avant par la Banque centrale chinoise dans son projet de Digital Currency Electronic Payment (DCEP) ».
Dans un tel contexte, quelle forme donner au MDBC ? En la matière, les attentes du grand public diffèrent sensiblement de celles des institutions financières. Deux usages différents de MDBC pourraient donc à terme se côtoyer, l’un destiné aux paiements entre acteurs du secteur financier (monnaie dite de « gros ») utilisant la blockchain et toutes ses possibilités, notamment la disponibilité de « smart contracts», l’autre destiné au public (monnaie dite de «détail »), plus simple et mieux à même de traiter des opérations de masse. À cet égard, le gouverneur estime que les institutions financières disposent d’un niveau de maturité numérique plus élevé que les particuliers puisqu’elles accèdent déjà à la monnaie centrale sous forme numérique grâce à leurs comptes à la banque centrale.
Externalités possibles
« L’émission d’une MDBC peut générer des externalités positives significatives en accroissant la productivité du secteur financier et au-delà de l’économie, et en soutenant la confiance dans la monnaie et le système financier. Mais parallèlement, il nous faut absolument étudier les externalités potentiellement négatives qu’une MDBC pourrait avoir sur la liquidité, la rentabilité et l’intermédiation bancaires. Les risques associés aux conversions importantes et/ou soudaines de dépôts bancaires vers la monnaie centrale devront, à ce titre, être strictement étudiés ».
Modalités possibles
« La troisième dimension tient aux modalités de diffusion de la MDBC, notamment "de détail", qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière. Je pense à la question de son statut légal – qui n’est pas indispensable, mais probable – ; aux conditions de sa détention – sous forme de comptes plutôt que de jetons – ; et, enfin, à la possibilité d’y accéder pour les non-résidents, ce qui favoriserait incontestablement son internationalisation. Par ailleurs, grâce à un savoir-faire éprouvé en matière d’instruments de paiement, de connaissance de la clientèle et de suivi des transactions, les intermédiaires financiers pourront jouer un rôle de vigie aux avant-postes de la distribution de la MDBC. Une réflexion parallèle devra nécessairement être engagée pour définir les possibilités d’anonymat lorsque la MDBC circule "de personne à personne". Des seuils sur les montants de transactions anonymes, comme cela se fait déjà en France pour les paiements en monnaie électronique ou en cash, pourraient être instaurés dans ce but ».
Source : discours du gouverneur de la Banque de France
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Voir aussi :
:fleche: Taxe GAFA : l'Union européenne « agira d'une seule voix » face aux menaces américaines d'imposer des droits punitifs allant jusqu'à 100 % sur les produits français
:fleche: La Chine exclut l'extraction du bitcoin de la liste des activités restreintes, alors qu'elle est en train de développer sa propre cryptomonnaie, selon un rapport
:fleche: La cryptomonnaie Libra de Facebook serait architecturalement instable selon Stephen Diehl, un ingénieur en logiciel
:fleche: Le Bitcoin maintient le cap après que la Chine ait exprimé son soutien à la blockchain, la cryptomonnaie ayant enregistré un bond de 24 % entre vendredi et samedi
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Euro numérique : la Banque de France envisage de se rapprocher d'un prototype viable d'ici à la fin de 2023
Euro numérique : « nous voulons nous rapprocher d'un prototype viable », a déclaré le gouverneur de la Banque de France
l'institution a annoncé que la deuxième phase des essais débutera cette année
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a annoncé mardi que la première phase des essais d'un euro numérique de gros est terminée et que les expérimentations de la phase 2 commenceront cette année. La Banque de France prévoit quatre ou cinq autres expériences cette année et l'année prochaine, impliquant davantage d'entreprises privées et d'autres banques centrales étrangères. Elle a déjà travaillé avec la Banque Nationale suisse, l'Autorité monétaire de Singapour (MAS) et la Banque centrale de Tunisie sur des projets distincts de paiement transfrontalier.
La présidence française de l'Union européenne prend fin avec l'achèvement des expérimentations de l'euro numériques, la conception d'une blockchain propriétaire et d'une plateforme de teneur de marchés automatisée. Ses diverses expérimentations, entrant dans le cadre des travaux en prélude à la mise en circulation d'une monnaie numérique de banque centrale (CBDC), ayant pris fin, la Banque de France se dit prête à passer à la prochaine étape. L'institution avait annoncé en décembre dernier avoir conclu "avec succès" la première phase d'expérimentation de l'euro numérique, un projet datant de fin 2019.
L'euro numérique est la réponse de la France à des initiatives privées comme la cryptomonnaie Diem (anciennement Libra) de Facebook, qui a depuis mis le sujet de côté. S'exprimant lors du Forum international de la finance Paris Europlace, Villeroy de Galhau a dressé le bilan des réalisations de l'Union européenne en matière de réglementation des actifs cryptographiques sous la présidence française, en mentionnant notamment le règlement sur les fonds de transfert (Travel Rule) ainsi que les marchés de cryptoactifs (MiCA). Il a également annoncé que la Banque de France va engager la deuxième phase de ses expérimentations.
« Nous engageons la deuxième phase de notre programme d'expérimentations de cette monnaie électronique de Banque centrale. Nous voulons nous rapprocher d'un prototype viable, le tester en pratique avec plus d'acteurs privés et plus de Banques centrales étrangères au second semestre de cette année et l'an prochain », a-t-il déclaré. « La principale raison d'être d'un euro numérique de détail est de maintenir le rôle de la monnaie de banque centrale dans l'économie alors même qu'elle est menacée par la révolution numérique », a poursuivi Villeroy de Galhau, avec l'ambition de proposer cette monnaie "comme actif de règlement dès 2023".
L'Eurosystème étudie la portée et la conception d'une monnaie numérique de banque centrale en euros. Villeroy de Galhau s'est également prononcé en faveur d'une intermédiation maximale dans la conception, notant que les intermédiaires ont plus d'expérience que les banques centrales en matière de relations avec les clients et de mesures de connaissance du client et de lutte contre le blanchiment d'argent. Il a déclaré : « je pense que l'Eurosystème ne devrait pas avoir pour rôle de gérer les avoirs numériques en euros. La Banque de France a fermé ses derniers comptes de clients privés il y a plus de 20 ans, et n'a pas l'intention d'en rouvrir ».
Selon lui, une CBDC de gros, qui sera utilisée pour les transferts interbancaires et les transactions similaires, ne sera pas moins importante que la CBDC de détail. Il a cité les cas d'utilisation critiques du règlement des titres émis avec la technologie du grand livre numérique (DLT) et des paiements transfrontaliers et interdevises. La Banque de France a conçu une technologie propriétaire du grand livre numérique (DL3S) pour un futur système potentiel. Elle a également produit une plateforme automatisée de tenue de marché basée sur un modèle de finance décentralisée, où les règlements de plusieurs CBDC pourraient être effectués.
Villeroy de Galhau a déclaré que les nouvelles expérimentations continueront à utiliser ces deux infrastructures. Les nouvelles expériences consisteront à tester un prototype d'euro numérique avec des acteurs privés et d'autres banques centrales en vue de la mise en œuvre du régime pilote en 2023. Il a souligné l'importance de l'interopérabilité entre la DLT et le système traditionnel. Selon le gouverneur, la DLT complétera l'infrastructure traditionnelle plutôt que de la remplacer. Il a également parlé d'un euro numérique de détail et a évoqué l'importance de la coexistence de la monnaie de banque commerciale et de banque centrale.
Au niveau européen, la Banque centrale européenne a publié mercredi les objectifs clés de l'euro numérique dans un billet de blogue rédigé par la présidente de la banque, Christine Lagarde, et le membre du directoire, Fabio Panetta. Un document d'accompagnement présente quelques considérations de base pour la conception d'une version numérique de la monnaie unique de l'UE destinée à un usage public. « L'euro numérique ne peut être un succès que s'il fait partie de la vie quotidienne des Européens. Il doit apporter une valeur ajoutée par rapport aux solutions existantes », indique le billet de blogue.
Dans le message, les deux responsables ont indiqué qu'il était trop tôt pour régler les détails de la conception, mais la banque prévoit de conclure la phase d'enquête du projet à l'automne 2023. La BCE a lancé le projet d'euro numérique en juin 2021 et a entamé en octobre une phase d'enquête de deux ans sur une CBDC de détail. Depuis, la Commission européenne a déclaré qu'elle présenterait un projet d'euro numérique en 2023. Entre-temps, la BCE s'est montrée très discrète quant aux détails et aux résultats de son expérience, à l'exception d'allusions sporadiques au lancement éventuel d'un euro numérique dans les quatre prochaines années.
La BCE réfléchit également à la manière dont elle pourrait limiter le montant en circulation à 1 500 milliards d'euros (1 500 milliards de dollars) afin de contrôler les effets négatifs qu'il pourrait avoir sur la stabilité financière. Lagarde et Panetta ont également déclaré que l'euro numérique est destiné à être un moyen de paiement et non une forme d'investissement. « Sinon, un trop grand nombre de dépôts de banques commerciales pourraient être transférés à la banque centrale, un scénario qui rendrait plus difficile pour les banques de prêter aux consommateurs et aux entreprises », indique le billet de blogue.
« Cela pourrait même générer des tensions dans le système bancaire en période de crises financières », lit-on également. Selon le rapport, bien qu'il soit trop tôt pour préciser les éléments de conception d'un euro numérique, certains objectifs sont clairs. « Tout d'abord, un euro numérique doit répondre aux besoins des utilisateurs » , indiquent les responsables, ajoutant que, d'après les recherches, les utilisateurs accordent le plus d'importance à une large acceptation, à la facilité d'utilisation, aux faibles coûts, à la rapidité, à la sécurité et à la protection des consommateurs.
D'après le rapport, un euro numérique devrait également profiter aux personnes qui ont actuellement un accès limité aux paiements numériques. Les fonctionnaires ont également présenté les arguments en faveur d'un euro numérique. « L'introduction d'un euro numérique garantirait que les citoyens puissent continuer à faire confiance à l'ancrage monétaire derrière leurs paiements numériques. Elle protégerait l'autonomie stratégique des paiements européens et la souveraineté monétaire, en offrant une solution de repli si les tensions géopolitiques s'intensifient », ont-ils écrit.
La similarité entre ces monnaies numériques émises par des banques centrales et les cryptomonnaies comme le bitcoin ou l'ether est que la technologie blockchain est utilisée dans les deux cas pour permettre des échanges décentralisés et infalsifiables. La différence est que leur volatilité devrait être moins importante que les fluctuations de cours des cryptomonnaies, leur valeur étant adossée aux monnaies des banques centrales.
Sources : Discours de François Villeroy de Galhau, Billet de blogue de Christine Lagarde et de Fabio Panetta, Document de la BCE sur la conception d'un euro numérique (PDF)
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