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Un ancien policier explique comment il a déjoué les contrôles internes de la DGSI et de la PNIJ
Un agent de la DGSI mis en examen pour avoir vendu des informations sur le darknet,
jusqu'à dévoiler votre vie complète (RIB, géolocalisation, etc.)
Un policier affecté à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’agence française de renseignements chargée du contre-espionnage, de la lutte contre le terrorisme, de la lutte contre la cybercriminalité et de la surveillance de groupes, d'organisations et de phénomènes sociaux potentiellement menaçants, a été placé en garde à vue puis mis en examen le 26 septembre à Nanterre (Hauts-de-Seine). Deux jours plus tard, il a été mis en détention provisoire.
Ce gardien de la paix, appartenant à une division sensible du principal service de renseignement intérieur français, est soupçonné d’avoir monnayé les informations auxquelles il avait accès. Provenant des fichiers confidentiels de police, celles-ci auraient été vendues sur le Darknet en échange de Bitcoin.
Selon une source proche de l’enquête, l’agent avait noué des contacts avec des membres du monde de la criminalité organisée ainsi qu’avec des spécialistes de l’intelligence économique intéressés par l’obtention de telles données. Aucun lien avec le terrorisme n’a été mis en évidence. Le policier, en poste dans les Hauts-de-Seine, est également soupçonné d’avoir eu un rôle actif dans la confection de faux documents administratifs.
Les autorités françaises n'ont pas dévoilé le nom de cet officier, mais ont indiqué qu'il opérait sous le pseudonyme Haurus sur un marché noir appelé Black Hand. Les enquêteurs sont persuadés que les criminels à qui Haurus a vendu les fichiers confidentiels les ont utilisés pour créer de faux documents.
Les autorités françaises ont également déclaré que l'agent avait proposé un service permettant de localiser les appareils mobiles en fonction d'un numéro de téléphone fourni. Il a présenté le système comme un moyen de dépister les épouses ou les membres de gangs criminels concurrents. Les enquêteurs pensent que Haurus utilisait les ressources de la police française conçues dans le but de traquer les criminels pour ce service.
Il a également proposé un service indiquant aux acheteurs s'ils étaient suivis par la police française et quelles informations les agents avaient sur eux. Affecté à la division « J », branche judiciaire du renseignement intérieur, le policier avait accès à la Plateforme nationale des interceptions judiciaires, mise en place en 2016 par le ministère de la Justice.
Des responsables ont déclaré avoir retrouvé l'identité réelle de Haurus après s'être emparés du portail Black Hand et l'avoir fermé le 12 juin de cette année. Ils ont également été en mesure de retrouver certains des documents mis en vente sur le marché à l'aide de son code personnel informatique, ajouté à des documents officiels et permettant de suivre leur historique. Chaque fonctionnaire dispose en effet d’un code personnel, indispensable pour se connecter à son ordinateur et pour effectuer des consultations. Les processus internes de sécurité permettent de retracer en temps réel ou de manière différée l’origine des interrogations de fichiers.
Cette affaire se démarque des autres car ce sont généralement des pirates informatiques et des cybercriminels qui vendent ces données, et non des policiers.
Une illustration dans la manière d’opérer du gardien de la paix ?
Sous couvert d’anonymat, un de ces « clients » a raconté au Parisien, qui assure avoir recoupé son témoignage, comment il a pu faire affaire avec le policier mis en cause.
Comment êtes-vous entré en contact avec ce policier ?
Je cherchais la date de naissance d’un individu dans le cadre d’un « doxxing » classique (NDLR : divulgation d’informations privées sur le Web pour nuire). Je voulais aussi des infos sur ma fiche de recherche en France et sur la conduite à tenir en cas d’interpellation. Je suis tombé sur son annonce. C’était exceptionnel !
Quels services proposait-il ?
Des prestations ultra-ciblées, et très prisées. Surtout par les créanciers occultes, les réseaux de passeurs, les trafiquants de voitures volées, les voyous en cavale ayant besoin d’une doublette (NDLR : seconde identité) en cas de contrôle.
Pour 30 euros, on lui donnait un numéro de téléphone, il sortait le relevé bancaire du titulaire. Pour 50 euros, il donnait son identité. Pour 150 euros, on récupérait l’état civil complet, numéro de permis, date de délivrance, numéro de carte d’identité, de Sécurité sociale, les véhicules immatriculés… Autant d’informations permettant de passer n’importe quel contrôle de police poussé. On pouvait même vérifier les vols d’avion réservés au nom d’une personne.
Pour 300 euros, on pouvait voler une vie complète. Il était aussi possible de « checker » des documents internes de la PJ et d’interroger la base de données Interpol. Mais le plus intéressant c’était le pack à 300 euros. Via un simple numéro de téléphone, il pouvait récupérer les fadettes (NDLR : listing d’appels), la géolocalisation, y compris des mois en arrière. C’est ce qui m’avait le plus bluffé. Il y avait un surcoût pour les politiques ou personnes publiques : je pense que ces personnes ont un statut spécial.
Comment a-t-il été repéré, selon vous ?
C’était du suicide de vendre ce genre d’infos. N’importe qui aurait pu le griller bien qu’il ait utilisé le maximum de sécurité. Toutes nos discussions étaient sécurisées. Je pense qu’il en avait marre de son « taf » de fonctionnaire payé au lance-pierre et qu’il a basculé. Haurus était un gars très sérieux et - ceux qui ont traité avec lui vous le diront - apprécié pour sa fiabilité. Il ne voulait pas que les informations vendues puissent servir à des terroristes.
Sources : Le Parisien (interview, plus de détails)
Et vous ?
:fleche: Qu'en pensez-vous ?
:fleche: Cela met-il en exergue le danger qu'il peut y avoir à centraliser les données comme sur le système TES ?
Voir aussi :
:fleche: Black Hand, l'un des plus importants forum du Dark Web en France, a été démantelé suite à une mobilisation de plus de 40 agents de la DDNRED
:fleche: France : le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) est généralisé à l'ensemble du pays. Qu'en est-il des recommandations ?
:fleche: Un programmeur dérobe le code source du logiciel d'espionnage de son ex-employeur pour le revendre sur le darknet et se fait prendre
:fleche: AlphaBay et Hansa, deux sites populaires de ventes illégales sur le darknet, ont été fermés par les forces de l'ordre
:fleche: Les marchés noirs sur le darknet réalisent des millions de dollars par mois, en vendant des produits illicites, notamment des stupéfiants
Un ancien policier explique comment il a déjoué les contrôles internes de la DGSI et de la PNIJ
« J’aurais pu être repéré dix fois, le système n’est quasiment pas sécurisé », un ex-agent de la DGSI raconte
comment il a déjoué les contrôles internes des services de renseignement français
« Le jour, j’étais un bon flic, le soir, j’endossais le rôle d’Haurus », confesse Christophe B., un ex-agent de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Pendant plusieurs années, il a abusé de ses privilèges au sein des services de renseignement français pour vendre des informations confidentielles sur le Darknet. Mais cela aurait-il été possible si les bonnes mesures de sécurité étaient mises en place au sein de la DGSI ?
Hier mardi a débuté le procès de Christophe B., un ancien policier de la DGSI accusé d'avoir vendu sur le Darknet des informations confidentielles émanant de fichiers policiers.
Fils de gendarme, il a intégré l’école de police en 2008. Pendant quelques années, il a enquêté sur les délits routiers à Paris, avant de postuler à la DGSI en 2016. Il rejoint ainsi l'unité judiciaire des services de renseignement où il travaille en tant qu'enquêteur en contre-terrorisme, spécialisé dans l’islam radical. C'est d'ailleurs dans le cadre d'une enquête sur un supposé terroriste qu'il est amené à investiguer sur le Darknet.
Sur le Darknet, le policier âgé aujourd'hui de 35 ans se crée un profil avec le pseudo Baudelaire93 pour mener ses investigations. En se baladant sur cette partie obscure d'Internet, il rencontre un individu avec le pseudo Jojodelavega qui recherche certaines informations. Des informations que, Chrsitophe B., en vertu de ses privilèges pourrait s'octroyer facilement. D'abord, il ignore l'offre, mais en se rappelant des difficultés financières qu'il traverse, il se dit pourquoi ne pas le faire juste cette fois.
L'appétit venant en mangeant, il le refait encore et encore, jusqu'à ne plus s'en passer. Il s’est lancé dans des recherches illégitimes dans les fichiers de police pour livrer des informations confidentielles contre de l’argent, et ce, pour répondre aux commandes de Jojodelavega. Il s'agissait d'abord de consultation de fichiers dispersés : permis de conduire, immatriculations, antécédents judiciaires, etc. Puis, cela a pris d'autres proportions quand il a commencé à toucher à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) et à vendre des données issues des téléphones mobiles, entre autres.
Fin 2017, il perd contact avec Jojodelavega, mais cela ne l'arrête pas. L'ex-agent de la DGSI crée une nouvelle identité, « Haurus », et crée une boutique en ligne sur le Darknet, où il propose d’identifier quiconque avec une plaque d’immatriculation, de fournir des adresses, de cerner tout l’entourage d’une personne, etc. Ses prestations allaient de 100 euros à 300 euros et jusqu'à 800 euros si la recherche était compliquée. Si l’on ne sait pas combien cela lui a rapporté, Haurus dit avoir gagné seulement quelques dizaines de milliers d'euros (payés en bitcoins). Les conséquences auraient toutefois été plus graves, car, la police note par exemple que des personnes ont été tuées après que Haurus avait fait des recherches illégitimes sur elles.
Comment Haurus a-t-il pu passer outre les contrôles internes de la DGSI et de la PNIJ ?
Dans un interview au média L'Obs, Haurus explique comment il a passé outre les contrôles internes de la DGSI et de la PNIJ. « J’aurais pu être repéré dix fois », explique-t-il. Mais « le système n’est quasiment pas sécurisé, et le fait est que c’est pratique courante de demander les fadettes [relevés des appels téléphoniques transmis par les opérateurs de téléphonie mobile, NDLR] de sa femme, par exemple. Mon exigence en termes de moralité est basse… Je peux vous parler du nombre de fois où on a imité la signature de l’interprète en langue arabe qui n’était pas disponible pour un gardé à vue, parce qu’il était urgent d’envoyer le procès-verbal. »
Pour les recherches auprès de la PNIJ, Christophe B. explique qu'il suffisait de créer un nouveau dossier, « avec un nom bidon, une enquête préliminaire, un numéro de procédure » puis de l’associer au magistrat qu’il faut. « J’adressais mes requêtes aux juges dont je savais que la PNIJ était comme de la magie noire pour eux, qu’ils n’ouvriraient jamais le dossier. J’étais du coup le seul à voir ce qui se passait dedans. » En un an et demi, il a pu ainsi effectuer près de 400 recherches illégitimes auprès de la PNIJ, selon les enquêteurs.
Dans une interview accordée au média Le Parisien au début de l'année, Haurus avait été interrogé sur le fait de savoir comment un policier affecté au contre-terrorisme peut en arriver à marchander des informations confidentielles sur le Darknet. À cette question, il a précisé qu'il n'a pas utilisé les moyens de la DGSI, ni porté atteinte au secret-défense. « J'ai eu recours à des fichiers de police accessibles dans n'importe quel service d'enquête. »
À la question de savoir s'il y a des failles de sécurité à la DGSI, Haurus n'a pas voulu être sévère : « Je ne veux pas accabler mon ancien service. J'ai eu l'occasion lors d'une audition administrative l'an dernier à la DGSI d'expliquer toutes les failles que j'ai pu exploiter afin que cela ne se reproduise pas. Mais la réalité, c'est que lorsque je me suis lancé dans cette affaire, je n'aurais pas pris de risque si j'avais rencontré une difficulté. Des signaux n'ont pas été observés. Y compris côté judiciaire lorsque les magistrats ne regardaient pas le contenu des fausses réquisitions que j'émettais. » Autrement, le système n'est pas aussi sécurisé qu'il devrait l'être.
Cette thèse se renforce par un livre édité par Christophe B. pour partager son expérience. Dans ce livre qui s'adresse à tous les acteurs de la procédure judiciaire (avocats, magistrats, enquêteurs, etc.), l'ex-agent de la DGSI parle de la façon opaque dont sont conservées les données. Il explique aussi le fait qu'on prône en permanence le respect de la vie privée, alors qu'au même moment, on met en place des outils de plus en plus intrusifs.
Sources : L'Obs, Le Parisien
Et vous ?
:fleche: Que pensez-vous du fait qu'un brigadier de la DGSI puisse vendre des informations confidentielles sur le Darknet ?
:fleche: Cela ne traduit-il pas l'insuffisance, voire l'absence de protections et mesures de sécurité standard ?
:fleche: Les données confidentielles des citoyens stockées dans les administrations sont-elles suffisamment sécurisées ?
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:fleche: Combien pourrait coûter une nouvelle identité numérique ? Un ingénieur parcourt le Dark Web pour y répondre !
:fleche: Un programmeur dérobe le code source du logiciel d'espionnage de son ex-employeur pour le revendre sur le darknet et se fait prendre
:fleche: Un dealeur Franco-Israélien opérant sur le Dark Web tombe dans les filets de la justice US, après analyse de ses transactions effectuées en bitcoins
:fleche: Black Hand, l'un des plus importants forums du Dark Web en France, a été démantelé suite à une mobilisation de plus de 40 agents de la DDNRED
Merci, chère "neswletter" et cher forum, maintenant je sais combien je vaut.!
Citation:
Cela ne traduit-il pas l'insuffisance, voire l'absence de protections et mesures de sécurité standard ?
Avec mon âge qui avance, ma mémoire recule... et je me suis doté d'un smartphone où j'ai mis plein de choses venant combler les lacunes de ma cervelle. Et je rigolais chaque fois que je devais "cliquer pour ici accepter..." ou encore quand un site de vente de gamelles, fourchettes et autres bricoles, m'impose une "identification forte"... Je rigolais car je me disais que les GAFAM savent déjà tout de moi, bien plus et bien avant les renseignements généraux (excusez cette vieille dénomination qui trahit mon âge !).
Je rigolais... mais je rigole moins maintenant que je sais ce que valent mes aide-mémoire soigneusement rangés sur des "nuages" où moi-même je me perds.
Je me croyais si peu de si peu de valeur et suffisamment protégé en renonçant à tous les réseaux sociaux.
Mais voici que désormais je retrouverais de la valeur...
Et je réponds à la question en citant un de mes maîtres de 1968 : "chaque fois qu'on élève une barrière en remplacement d'une règle morale, on ne fait qu'inviter à la franchir".