Google supprime l'application Gab de son Play Store
Après Apple, Google supprime à son tour l'application Gab de son Play Store,
pour avoir violé sa politique relative aux discours haineux
Gab, le réseau social devenu populaire parmi les membres de l'alt-right, a été retiré du Google Play Store cette semaine pour avoir enfreint la politique relative aux paroles haineuses de Google.
La société a annoncé la suppression de son application dans un tweet jeudi, peu de temps après avoir annoncé qu'elle avait recueilli 1 million de dollars dans une campagne crowdfunding. Le tweet comprenait également une capture d'écran d'un courrier électronique de Google, qui a déclaré que l'application Gab était « suspendue et supprimée » du Google Play Store pour violation de sa politique sur les discours haineux.
Gab se décrit comme « un réseau social sans publicité pour les créateurs qui croient en la liberté d'expression, la liberté individuelle et la libre circulation de l'information en ligne ». Dans le cadre de cet engagement en faveur de la liberté d'expression, les règles de contenu de Gab sont plus permissives que la plupart des grands réseaux de médias sociaux. Les règles interdisent les menaces et la pornographie juvénile, mais, contrairement aux grands réseaux sociaux, elles n'interdisent pas la diffusion de contenu qui offense les personnes en fonction de leur race, de leur genre ou autre catégorie.
Cela lui a fait gagner en popularité auprès de nombreux utilisateurs d'extrême droite qui ont été interdits sur des plateformes comme Twitter et Facebook. Bien que le réseau social prétend être politiquement neutre, certains médias rappellent que son logo de grenouille verte ressemble clairement à Pepe the Frog, une mascotte populaire de l'alt-right.
Google a justifié le retrait en indiquant que « Pour être sur le Play Store, les applications de réseaux sociaux doivent démontrer un niveau de modération suffisant, y compris pour le contenu qui encourage la violence et préconise la haine contre des groupes de personnes. C'est une règle de longue date et clairement énoncée dans nos politiques de développeurs. Les développeurs ont toujours la possibilité de faire appel d'une suspension et peuvent avoir leurs applications rétablies s'ils ont abordé les violations de la politique et sont conformes à nos politiques du programme de développeurs. »
Google vient emboîter le pas à Apple qui a, depuis longtemps, adopté des règles plus restrictives sur sa vitrine de téléchargement d'applications. Au départ, l’éditeur d’iOS avait rejeté l'application Gab pour avoir permis l'affichage de contenu pornographique sur le service (rappelons qu’une plateforme comme Twitter par exemple autorise la diffusion de contenu pornographique). Dans la seconde tentative de Gab pour figurer sur l’App Store, Apple a encore refusé en reprochant à l’application de laisser passer un contenu qui était « diffamatoire ou méchant » (la version d’Apple de la règle sur les discours haineux).
Google, en revanche, a approuvé à l'origine l'application Android de Gab, mais l’a supprimée de sa vitrine de téléchargement ce jeudi.
Cette semaine a également vu Facebook, PayPal, Apple Pay et Spotify prendre des mesures contre le discours haineux de la suprématie blanche. Ce dernier a supprimé cette semaine une « série d'actes de suprématisme blanc » de son catalogue de diffusion.
Un porte-parole de Spotify a déclaré dans un communiqué par courrier électronique: « Il n'y a pas de tolérance pour nous, le contenu illégal ou le matériel qui favorise la haine ou la violence contre la race, la religion, la sexualité ou autre. Spotify prend des mesures immédiates pour enlever un tel matériel dès qu'il a été porté à notre attention. »
En parallèle, plusieurs personnalités de la Silicon Valley ont publiquement condamné les événements de Charlottesville. Quelques jours après la numéro deux de Facebook, Sheryl Sandberg, le fondateur du réseau social, Mark Zuckerberg, a pris la parole mercredi.
« Nous ne sommes pas nés en nous haïssant les uns les autres. Nous ne sommes pas nés avec des opinions aussi extrêmes », écrit-il, en référence à une citation de Nelson Mandela réutilisée dimanche par l’ancien président Barack Obama dans un tweet devenu le plus « aimé » de l’histoire du réseau social.
« C’est une honte que nous ayons toujours besoin de dire que les néonazis et les suprémacistes blancs ont tort. Comme si ce n’était pas une évidence », poursuit Mark Zuckerberg, qui promet par ailleurs que le réseau social « regarde la situation de près » et « supprimera les menaces de violence », conformément à son règlement.
Tim Cook, le PDG d’Apple, a lui aussi réagi : « Nous avons déjà connu auparavant la terreur du suprémacisme blanc et de la violence raciste. C’est une question de morale. Un affront à l’Amérique. Nous devons tous nous y opposer. »
Le PDG d’Intel, Brian Krzanich, s’est de son côté insurgé contre les propos de Donald Trump, qui a estimé à plusieurs reprises que la violence était « de tous les côtés ». En réponse, il a démissionné, lundi, de ses fonctions de conseiller économique du président, comme d’autres chefs d’entreprise.
Source : Forbes, Le Monde
Et vous ?
:fleche: Qu'est-ce qui peut, selon vous, expliquer cette réaction en chaîne de la Silicon Valley ?
L'EFF estime que censurer les sites néonazis n'est pas la solution
L'EFF estime que censurer les sites néonazis n'est pas la solution,
cela pourrait se retourner contre les causes que nous défendons
À la suite des violences qui ont eu lieu à Charlottesville le week-end dernier, les entreprises de technologie ont tout fait pour se distancer des néonazis, des suprématistes blancs et d'autres groupes d’extrême droite. Cela s’est manifesté par exemple par le bannissement de sites d’extrême droite comme The Daily Stormer, qui a finalement choisi de se tourner vers le Dark Web.
Le défenseur des droits numériques Electronic Freedom Foundation (EFF) a pour sa part critiqué cette intervention de la Silicon Valley, estimant que cela représente une menace pour la libre expression en ligne. Pour l’EFF, « que ce soit le gouvernement ou des entreprises commerciales privées, personne ne devrait décider de qui est autorisé à parler et qui ne l’est pas. »
Tout en reconnaissant que « toutes les personnes objectives doivent s'opposer à la violence et à l'agression haineuses qui semblent croître dans notre pays», l’EFF a affirmé que « nous croyons fermement que ce que GoDaddy, Google et Cloudflare ont fait ici est dangereux. »
Il serait très facile de sauter sur le fait qu’il s’agisse après tout de suprématistes blancs et de suggérer que leur liberté d’expression ne devrait pas être prise en compte. Mais l’EFF souligne que « Nous devons également reconnaître que sur Internet, toute tactique utilisée maintenant pour faire taire les néonazis sera bientôt utilisée contre d'autres, y compris les personnes qui ont notre soutien. »
Le groupe reconnaît que, en tant que sociétés privées, GoDaddy, Google et Cloudflare ont le droit de « choisir quel discours ils autorisent en ligne », toutefois, il exhorte à une extrême prudence : « Même lorsque les faits sont les plus viles, nous devons rester vigilants lorsque les plateformes exercent ces droits. Parce que les intermédiaires Internet, en particulier ceux qui ont peu de concurrents, contrôlent tellement le discours en ligne que les conséquences de leurs décisions ont des répercussions profondes sur le discours à travers le monde. Et à EFF, nous voyons les conséquences : chaque fois qu'une entreprise éjecte un vil site néonazi hors du Net, des milliers de décisions moins visibles sont prises par des entreprises peu surveillées ou transparentes. »
Matthew Prince, PDG de Cloudflare, admet qu'il s’est senti un peu embarrassé lorsque la décision a été prise de supprimer The Daily Stormer de leur liste de clients : « Littéralement, je me suis réveillé de mauvaise humeur et j'ai décidé que quelqu'un ne devrait pas être autorisé sur Internet. Personne ne devrait avoir ce pouvoir. »
EFF souligne que les hébergeurs ne sont que l'un des nombreux points où le filtrage de contenu a lieu, mais indique que la censure à ce niveau est un « instrument émoussé ». Le groupe estime que « le risque de blocage du discours qui n'était pas ciblé est très élevé » et soulève des préoccupations majeures :
« Si les entités qui exécutent le système de nom de domaine ont commencé à choisir qui pourrait y accéder ou s’y ajouter en fonction de considérations politiques, nous pourrions bien faire face à un monde où chaque gouvernement et entité puissants se considérerait comme un détenteur légitime de ce pouvoir. Cela rend le système de nom de domaine inadapté comme mécanisme pour supprimer des contenus illégaux spécifiques comme la loi l'exige parfois, et un emplacement central perpétuellement attrayant pour les États-nations et d'autres pour exercer des pouvoirs de suppression plus larges. »
Exigeant des entreprises qu’elles aient « un processus » et qu’elles n’agissent pas « en fonction des gros titres », l’EFF affirme que la transparence absolue est essentielle pour un Internet gratuit. « Il y a toujours un risque que les autres, y compris les gouvernements, utilisent l'opacité du processus de suppression pour faire taire les voix légitimes. Pour tous les hôtes de contenu qui rejettent le contenu dans le cadre de l'application de leurs termes de service, nous avons longtemps recommandé qu’ils mettent en œuvre des protections procédurales pour atténuer les erreurs, sauf s’ils sont poussés secrètement à la censure par les États. »
L’EFF n’a eu de cesse de prévenir, dans une longue tirade, sur la façon dont le type de censure que nous avons vu suite aux évènements de Charlottesville pourrait évoluer : « Nous commettrions une erreur si nous supposions que ces sortes de décisions de censure ne se retourneraient jamais contre les causes que nous aimons. »
Source : EFF
Et vous ?
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