Directive Copyright : Mozilla monte encore au créneau
Directive Copyright : Mozilla monte encore au créneau
contre la nouvelle proposition de loi européenne sur les droits d'auteur
Le mercredi 12 septembre, les membres du Parlement européen vont se prononcer pour de bon sur les nouvelles règles sur le droit d'auteur ; lesquelles pourraient nuire fondamentalement à Internet en Europe. En effet, si elles sont adoptées, les nouvelles règles forceront les services en ligne à surveiller et filtrer automatiquement tout contenu qui sera mis en ligne par les utilisateurs (article 13). Mais aussi, tous ceux qui créent des liens et utilisent des extraits d'articles de presse devraient d'abord payer l'éditeur pour obtenir une licence (article 11). Pour Ray Corrigan, un informaticien britannique, ce dernier article « est une tentative de créer un avenir durable pour les agences de presse, maintenant que le business model des recettes publicitaires, qui a permis de financer le journalisme pendant longtemps, a été usurpé par les titans commerciaux de l'ère Internet, comme Facebook et Google. » Cela ne pourra toutefois pas fonctionner et empêchera probablement la diffusion de nouvelles, ce qui affectera négativement les sites d'actualités, dit-il. Mais c'est l'article 13 qui inquiète le plus les défenseurs d'Internet.
Le sort de l'Internet en Europe aurait pu être scellé début juillet, mais les eurodéputés ont décidé de prendre du recul pour mieux examiner la directive Copyright et ses conséquences. Cela été possible grâce à de nombreuses protestations avant le vote du 5 juillet dernier : la Quadrature du Net qui a invité les Européens à soutenir la campagne #SaveTheLink ; Mozilla et la Free Software Foundation qui ont averti que le filtrage automatique pourrait cibler également les plateformes d'hébergement comme Wikipédia et GitHub ; la mobilisation de Vint Cert, Tim Berners-Lee et d'autres sommités de l'Internet ; les protestations de différentes communautés wikipédiennes en Europe ou encore la mobilisation de près de 150 organisations de plusieurs pays, y compris le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL), Creative Commons et l’EFF.
Mais le 12 septembre, c'est-à-dire dans quelques jours, les députés vont devoir se décider, après avoir eu deux bons mois pour amender les articles controversés de la directive. Le problème est que les échos reçus des amendements proposés montrent que les choses n'ont pas évolué dans la bonne direction, d'où la nécessité de se mobiliser à nouveau pour espérer pouvoir influencer le prochain vote. C'est ainsi qu'après le Wikimedia Foundation, la fondation Mozilla monte à nouveau au créneau contre la réforme sur le droit d'auteur à l'ère d'Internet. « Avant le vote, nous souhaitons clarifier les faits et expliquer exactement ce que ces nouvelles règles signifieront pour l’ouverture et la décentralisation en Europe », écrit Mozilla dans un billet de blog.
Les nouvelles règles nuiront à la communauté open source de l’Europe
Cela a été plusieurs fois évoqué. La fondation Mozilla estime que le filtrage automatique de contenu et les dispositions relatives aux droits d’auteur figurant à l’article 13 sont impraticables pour les sociétés de logiciels open source, dont elle fait partie, et l’écosystème open source en général. Le filtrage automatique concerne en effet toutes les formes de contenu protégé par le droit d'auteur, y compris les logiciels. Le coût et le risque juridique associés à ces nouvelles règles vont donc pousser les petits développeurs de logiciels open source hors de l’Europe et menacer les plateformes de partage de code dont ils dépendent pour innover.
Les nouvelles règles auront un impact négatif sur l'expérience quotidienne des internautes
Le partage ou la mise en ligne de contenu est au centre de l'utilisation d'Internet. Mais les services Internet de toutes tailles seront forcés de mettre en œuvre une technologie de filtrage automatique, qui va probablement supprimer tout ce qui pourrait sembler porter atteinte au droit d'auteur, que l'utilisateur ait le droit ou la permission d'utiliser le contenu. Les internautes pourraient donc fréquemment voir que leur service en ligne préféré bloque les contenus qu'ils essaient de mettre en ligne.
Les nouvelles règles conduiront à une surveillance directe des activités des utilisateurs en ligne
L'article 13 exige que les services en ligne construisent ou achètent une technologie spécifique pour surveiller et classer chaque téléchargement d'utilisateur. À l’heure où l’UE fait preuve de leadership mondial en matière de respect de la vie privée et de protection des données (avec le RGPD), Mozilla estime qu'il est profondément regrettable que les législateurs cherchent à instaurer un régime qui obligerait les fournisseurs de services à surveiller l’activité des internautes européens plus qu'ils ne le faisaient avant.
Les nouvelles règles auront un impact négatif sur les créateurs indépendants
D'après Mozilla, l'article 13 sera utilisé pour restreindre la liberté d'expression et le potentiel créatif des artistes indépendants qui comptent sur les services en ligne pour atteindre directement leur public et contourner les rigidités et les limites de l'industrie du contenu commercial. Malheureusement, la réforme sur le droit d'auteur est vue comme une lutte opposant les grands détenteurs de droits d'auteur aux géants de l'Internet. Mais d'après Mozilla, en réalité, les véritables victimes seront les créateurs indépendants et les fans eux-mêmes. En effet, les artistes qui bénéficient du partage viral de leurs créations seront maintenant opposés à leurs fans, alors que ces derniers sont les premiers contributeurs au succès du marketing en ligne des artistes.
Les plus petits services en ligne seront les plus touchés par les nouvelles règles
D'après Mozilla, l’impact le plus insidieux de la directive Copyright est qu'elle va renforcer la domination des plus grandes plateformes en ligne au détriment des plus petites. En effet, seules quelques-unes des plus grandes entreprises technologiques disposent des moyens techniques et financiers pour exploiter les systèmes de filtrage exigés par cette loi. Ce qui est plus ironique est que les entreprises visées par cette loi filtrent déjà le contenu et auront donc un avantage concurrentiel vis-à-vis de leurs petits concurrents et des start-ups, qui devront investir massivement pour se conformer à la loi. En outre, les plus grandes plateformes disposent également des ressources et de l’influence nécessaires pour mettre en place des défenses juridiques lorsque les grands détenteurs de droits d'auteur chercheront à supprimer du contenu légal. Alors que les plus petits acteurs vont céder à chaque demande de suppression de contenu pour éviter de prendre de grands risques juridiques.
Voici, selon Mozilla, quelques-unes des conséquences de la directive Copyright. Comme les campagnes précédentes, la fondation invite les citoyens de l'UE à contacter leurs représentants pour éviter le pire.
Source : Blog Mozilla
:fleche: À quelle issue vous attendez-vous après le vote du 12 septembre ?
Voir aussi :
:fleche: Directive Copyright : les articles 11 et 13 expliqués par un informaticien britannique, pour ceux qui n'en ont pas encore compris les conséquences
:fleche: UE : près de 150 organisations se mobilisent avant le vote crucial du 5 juillet sur le copyright où les 751 membres du Parlement doivent se prononcer
:fleche: La directive de filtrage automatique des contenus téléchargés en Europe est adoptée dans le vote initial, premier pas vers la censure de l'internet ?
:fleche: Les moteurs de recherche devraient-ils rémunérer les éditeurs de presse pour afficher leurs articles ? Un projet adopté par les ambassadeurs de l'UE
:fleche: UE : la France et deux autres pays militent pour le filtrage automatique des contenus mis en ligne, dans le cadre de la réforme sur le droit d'auteur
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Directive sur le droit d'auteur : le Parlement européen dit "oui" à la réforme
Directive copyright : le Parlement européen dit "oui" à la réforme
et adopte l'essentiel des amendements présenté par Axel Voss (PPE), le rapporteur du texte
Les eurodéputés ont voté ce mercredi 12 septembre à Strasbourg à l’occasion de la session plénière en faveur de la directive réformant le droit d’auteur à l’heure du numérique. Après avoir initialement rejeté le texte, le Parlement européen a finalement adopté la directive qui doit adapter le droit d’auteur à l’heure du numérique. Le texte a été approuvé par 438 voix contre 226.
Deux articles étaient au cœur du débat :
- l’article 13, qui vise à instaurer le filtrage automatique des contenus mis en ligne, puisque ce sont des algorithmes qui devraient juger quel contenu a le droit d'apparaître sur Internet ;
- l’article 11, dont l’idée est que tous ceux qui créent des liens et utilisent des extraits d'articles de presse devraient d'abord payer l'éditeur pour obtenir une licence. En clair, il vise à créer un nouveau « droit voisin » pour les éditeurs de presse qui doit permettre aux éditeurs ou agences de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production.
Un article 13 légèrement amendé
Les parlementaires ont légèrement atténué celui-ci qui prévoyait notamment que, faute d’un accord entre ayants droit et grandes plateformes (Facebook, YouTube, Twitter…), ces dernières devraient mettre en place des mécanismes de filtrage automatique des contenus postés par les internautes, afin qu’ils ne contreviennent pas au droit d’auteur.
Le texte précise désormais que le « blocage automatique (de contenus) doit être évité » au maximum, et introduit davantage de garanties pour éviter les risques de suppressions injustifiées de contenus. Les blocages automatiques figuraient parmi les principales objections des adversaires de la directive, qui soulignaient les risques de censure inhérents à ce type de mécanismes.
Les amendements qui prévoyaient de renforcer largement la responsabilité des hébergeurs par rapport au droit actuel, notamment ceux déposés par l’eurodéputé français Jean-Marie Cavada, ont quant à eux tous été rejetés. Au final, le texte de compromis adopté par le Parlement préconise davantage les « négociations de bonne foi » entre industries culturelles et plateformes, plutôt que les contraintes.
Un article 11 pratiquement inchangé
L’article 11 de la directive n’a quasiment pas été modifié par les parlementaires. Il prévoit la création d’une forme spécifique de droit d’auteur, qui donnera le droit aux médias de réclamer le paiement de royalties lorsque des plateformes numériques diffusent ou agrègent des extraits d’articles accompagnés d’un lien.
Les adversaires de cet article soulignaient notamment que cette mesure, qui vise spécifiquement des services comme Google Actualité, avait déjà fait l’objet de tests très proches en Espagne et en Allemagne, sans résultats — en Espagne, Google s’est contenté de fermer son service actualité, et n’a jamais versé d’argent aux éditeurs. Les députés ont cependant prévu une exception à ce nouveau droit voisin, lorsque les hyperliens sont accompagnés de « mots individuels ».
Une victoire pour les industries créatives européennes ?
Cette adoption est une victoire politique pour le rapporteur du texte Axel Voss, après le rejet de la première version du texte cet été. M. Voss, qui avait appelé avant l’examen du texte ses collègues à adopter cette version « acceptable pour tous », a salué dans ce nouveau vote un « excellent message envoyé aux industries créatives européennes ». Désormais, le Parlement européen devra négocier avec le Conseil (les États membres) et la Commission pour aboutir à une version finale.
Source : Le Monde
Et vous ?
:fleche: Selon vous, quelles implications peuvent découler de ce vote ?
:fleche: Les amendements apportés à l'article 13 vous semblent-ils suffisants ?
Voir aussi :
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