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Directive sur le copyright : le Parlement européen va se prononcer à nouveau le 12 septembre
Directive sur le copyright : le Parlement européen va se prononcer à nouveau le 12 septembre
après avoir rejeté le texte initial
La thématique du droit d’auteur sur Internet est devenue une de ces problématiques épineuses qu’il vaut mieux prendre avec des pincettes. Cela fait déjà plus d'un an qu’on a eu vent du projet de directive qui était en train d’être ébauché sur la question. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette thématique a déchaîné les passions. Dès que la proposition de directive a été soumise et rendue publique, les réactions se sont immédiatement fait sentir. Deux articles en particulier sont vivement décriés parce qu'ils mettraient en danger l’organisation d’Internet.
Le 5 juillet dernier, la directive sur le copyright a été rejetée, après vote, par le Parlement européen. Sur les 627 bulletins, 313 étaient contre, 278 étaient pour et il y a eu 31 abstentions. Par ce vote, le Parlement européen a clairement fait savoir qu’il ne souhaitait plus laisser une poignée d’élus commissionnaires discuter de cette question. Le sujet va donc être débattu par l’ensemble des eurodéputés, le mercredi 12 septembre prochain. Le fait que toute l’assemblée plénière puisse proposer des amendements à la directive implique un éventuel retrait des deux articles faisant polémiques ou, à tout le moins, une réécriture substantielle de ces deux articles.
Il s’agit des articles 11 et 13. Pour rappel, l’article 11 stipule qu’un droit auxiliaire au droit d’auteur sera créé et octroyé aux éditeurs de presse afin qu’ils puissent être « dans une meilleure position pour négocier l’utilisation de leurs contenus avec les services en ligne qui les utilisent ou en permettent l’accès et pour lutter contre le piratage ». L’article 13, quant à lui, prévoit une systématisation des accords de licence entre les plateformes et les ayants droit, ou à défaut, la mise en place de systèmes de filtrage visant à empêcher automatiquement la publication de contenus soumis au droit d’auteur.
Les détracteurs de la mesure affirment que ces deux articles bouleverseraient la structure même d’Internet dans des proportions que nous ne pourrions pas imaginer. Ils déclarent, par rapport à l’article 11, qu’il est complètement déraisonnable de demander à un utilisateur qui veut publier un article sur un site d’informations ou une encyclopédie en ligne par exemple, de demander une autorisation à l’organe de presse dont il a exploité le contenu avant de pouvoir mettre son article en ligne. Selon Wikimédia France, « avec près d’un million de pages modifiées par mois, obtenir les autorisations pour les centaines de sources ajoutées est du domaine de l’impossible ».
Par rapport à l’article 13, les opposants à la directive avancent des arguments encore plus percutants. Ils nous rappellent que même l’algorithme le mieux élaboré demeure largement imparfait. La Quadrature du Net déclare que parce qu’ils ne savent rien des subtilités des comportements humains, « ces outils censurent un peu tout et n’importe quoi au gré des bugs techniques, de critères mal calibrés et de logiques absurdes, et neutralisent au passage l’exercice légitime des exceptions au droit d’auteur (droit de citation, de parodie…) ».
Source : Parlement européen
Et vous ?
:fleche: Que pensez-vous de cette directive ?
:fleche: Pensez-vous qu’Internet est prêt pour une réglementation de droit d’auteur ?
Voir aussi
:fleche: Le Parlement européen rejette la directive sur le copyright et ouvre à la voie à une suppression ou réécriture des points litigieux
:fleche: Copyright : l'UE sur le point de finaliser une machine de censure et sa taxe sur les liens Internet que contiennent ses dernières propositions ?
:fleche: Copyright : Vint Cerf, Tim Berners-Lee et d'autres sommités de l'Internet se mobilisent contre le filtrage automatique des téléchargements en Europe
:fleche: La directive de filtrage automatique des contenus téléchargés en Europe est adoptée dans le vote initial premier pas vers la censure de l'internet ?
Directive Copyright : les articles 11 et 13 expliqués par un informaticien britannique
Directive Copyright : les articles 11 et 13 expliqués par un informaticien britannique
pour ceux qui n'en ont pas encore compris les conséquences
Ray Corrigan est maître de conférences à la faculté des sciences de l'ingénierie et mathématiques de l'Université Ouverte du Royaume-Uni. Dans un billet publié il y a une semaine, il a décidé d'expliquer, disons pour les "nuls", ce que signifient exactement les articles 11 et 13 (version Parlement européen) de la directive sur les droits d'auteur sur laquelle les eurodéputés doivent se prononcer dans deux mois, et leurs conséquences. Mais pourquoi le fait-il ?
Cette directive, avec ses points les plus controversés (articles 11 et 13), est défendue bec et ongles par l'industrie de l'audiovisuel et des médias. Mais les géants de l'Internet tels que Google l'ont en horreur. Cela va donc se jouer au niveau de l'influence des groupes de pression des différentes industries. Pour le premier vote, c'est donc une victoire pour l'industrie du Net qui a d'ailleurs été accusée par les défenseurs de la directive d'avoir influencé les eurodéputés, par des campagnes de désinformation entre autres.
Ray Corrigan estime que « lorsque de grandes sociétés s'affrontent, il est difficile pour les gens de savoir de quel côté se ranger », surtout quand on assiste à des actions et campagnes qui relèvent du lobbying intensif. C'est pour ces gens qu'il a décidé d'expliquer et interpréter la directive de l'UE. Mais sa position est claire : la réforme du copyright aura des conséquences désastreuses si elle est adoptée dans sa version actuelle.
Les conséquences de l'article 13
Sur ce point, il n'y a aucun doute. L'article 13 vise à instaurer le filtrage automatique des contenus mis en ligne, puisque ce sont des algorithmes qui devraient juger quel contenu a le droit d'apparaître sur Internet.
Cela pourrait être intéressant si ça pouvait fonctionner comme annoncé, c'est-à-dire bloquer tout ce qui est en violation des droits d'auteur sur Internet et ne laisser passer que le contenu légal. « En particulier, ce serait intéressant pour les décideurs, qui ignorent souvent les technologies et qui sont souvent sous la pression de faire quelque chose à propos de l'énorme ampleur de la violation du droit d'auteur sur Internet », estime Ray Corrigan. Mais « le problème est qu'il n'y a pas de technologie magique qui puisse faire la différence entre contenu contrevenant au droit d'auteur et le contenu non-contrevenant sauf au niveau le plus basique », ajoute-t-il.
Les amateurs pensent que le machine learning pourrait résoudre ce problème, « mais l'utilisation de filtres capables de détecter des nuances subtiles de réutilisation [d'un contenu] n'est pas une de ces choses » dans lesquelles le machine learning est assez efficace, trouve-t-il. Par conséquent, des contenus comme la parodie vont se retrouver facilement bloqués.
L'informaticien britannique soulève un autre problème important : ce qui est considéré même comme violation de droit d'auteur dans chaque pays. En parlant de parodie par exemple, il explique qu'au Royaume-Uni, la parodie est autorisée, mais seulement dans la mesure où elle consiste en une « utilisation équitable » d'une œuvre. Mais l'utilisation équitable n'est pas définie dans la loi, elle est jugée au cas par cas. Alors comment un algorithme peut-il ici prendre une décision juste et fiable ? « Et là, ce n'est que le cas de la parodie, [et seulement] dans un État membre de l'UE, même s’il sortira bientôt de l'UE », souligne M. Corrigan. Il ne manque pas non plus de rappeler ce qu'il a appelé le « fléau des biais discriminatoires intégrés dans les algorithmes. »
« Les créateurs, auteurs, internautes ordinaires seront coupables de violation des droits d'auteur et censurés automatiquement, jusqu'à ce qu'ils puissent prouver leur innocence, via un processus qui n'est pas encore défini, qui sera géré et administré par des fournisseurs de services de partage de contenu contrôlés par les ayants droit », a-t-il déduit. « Le résultat aura un effet paralysant puisque les auteurs tenteront d'adapter leurs écrits aux aléas du filtre pour les rendre accessibles aux autres. »
Il y a aussi d'autres problèmes plus généraux, comme le fait qu'Internet est déjà une machine de surveillance géante ; et l'article 13 ne vient pas arranger cela. Pour Ray Corrigan, l'article 13 vise à accentuer la surveillance d'Internet et à confier cette mission à Google et à d'autres grandes entreprises technologiques. « Bien que Google ne veuille pas forcément cela, il utilisera certainement ces outils pour consolider son propre avantage sur le marché s'il le faut ». Pour l'informaticien britannique, si cet article est adopté tel qu'il est, seules les grandes plateformes dont les filtres seront approuvés seront utilisées à plus long terme.
Article 11 : la taxe sur les liens, une alternative à la publicité pour financer les médias en ligne ?
L'idée de cet article est que tous ceux qui créent des liens et utilisent des extraits d'articles de presse devraient d'abord payer l'éditeur pour obtenir une licence. Pour Ray Corrigan, « c'est une tentative bien intentionnée de créer un avenir durable pour les agences de presse, maintenant que le business model des recettes publicitaires, qui a permis de financer le journalisme pendant longtemps, a été usurpé par les titans commerciaux de l'ère Internet, comme Facebook et Google. » Mais cela ne pourra pas fonctionner et empêchera probablement la diffusion de nouvelles, ce qui affectera négativement les sites d'actualités, dit-il.
« Les éditeurs de presse estiment que si l'UE met en œuvre l'article 11, cela leur donne une base plus solide pour résister aux efforts de Google, jusqu'ici couronnés de succès, pour les "éliminer" pays par pays », a déclaré M. Corrigan. « J'admire leur optimisme, mais je ne le partage pas. Les éditeurs, la Commission européenne ou le Conseil ou les députés de la commission JURI qui ont voté pour la directive n'ont fourni aucune preuve que le nouvel article 11 inverserait ou stopperait la baisse des revenus de la publicité et de la souscription aux journaux. Étant donné qu'il s'agit d'une modification substantielle de la loi, ceux qui la proposent devraient démontrer qu'elle est nécessaire, proportionnée et a une probabilité supérieure à la moyenne d'atteindre les objectifs souhaités, sans causer d'effets préjudiciables plus importants. »
Pour étayer ses propos, Ray Corrigan rappelle l'échec de lois similaires en Allemagne et en Espagne. En Allemagne, une loi similaire, le jour même de son entrée en vigueur a eu une réponse de Google. Le géant de l'Internet a introduit une politique selon laquelle les sites d'actualités allemands devaient accepter explicitement que leurs contenus soient affichés dans Google Actualités ; ce que la plupart des grands éditeurs allemands ont accepté de faire. Pour cela, Google a été poursuivi en justice devant un tribunal de Berlin par une société allemande de gestion des droits d'auteur. Mais le tribunal s'est contenté de renvoyer l'affaire devant la Cour européenne de justice. En Espagne, comme nous le savons, cela a entrainé la fermeture de Google Actualités dans le pays. Ce qui indique que le géant de l'Internet ne sera pas prêt à rémunérer les médias pour diffuser leurs contenus. Il s'en est également suivi une baisse importante du trafic de nombreux sites d'actualités.
« En conclusion, tant l'article 11 que l'article 13 de la nouvelle directive proposée sur le droit d'auteur ont des conséquences négatives prévisibles et graves et ils ne régleront probablement pas les problèmes auxquels ils sont destinés », estime l'informaticien. Mais il pense que des deux, l'article 13 est le plus sérieux.
Source : Billet de Ray Corrigan
Et vous ?
:fleche: Que pensez-vous de cette analyse ?
:fleche: Aviez-vous pensé à toutes ces conséquences auparavant ?
Voir aussi :
:fleche: Directive sur le copyright : le Parlement européen va se prononcer à nouveau le 12 septembre, après avoir rejeté le texte initial
:fleche: Le Parlement européen rejette la directive sur le copyright et ouvre à la voie à une suppression ou réécriture des points litigieux
:fleche: Allemagne : des éditeurs de presse continuent l'offensive contre Google et demandent une rémunération pour chaque référencement à un article
:fleche: Google News ferme en Espagne, les éditeurs inquiets, le gouvernement temporise
:fleche: La CJUE va devoir trancher sur le litige opposant Google à la presse allemande qui réclame une rémunération pour chaque référencement à un article