C'est plus le développement qui m'a choisi que l'inverse
Au début je me destinais à une carrière d'entrepreneur...
C'était dans la fin des années 80, début des 90.
J'avais bien tâté de certains assembleurs, du Basic et du C des débuts, mais aucune étincelles à l'époque pour allumer le feu.
C'est en mettant la main à la pâte, avec un logiciel de paies très paramétrable, et devant les résultats que c'est venu soudainement.
Devant les encouragements de mon entourage professionnel j'ai de plus en plus développé d'applications.
Il y a bien eu une "interruption" de 10 ans, à cause de la "crise", dans l'architecture et l'administration des réseaux, mais cela me manquait à l'évidence.
C'est à ce moment là que le virus m'a repris quand les débuts de l'open source m'a tendu la main.
Et après une proposition intéressante de changement de carrière j'y ai plongé à fond et depuis c'est le grand amour :)
Inventer ma propre démarche d’informatisation
Un peu de lecture…
Que pensez-vous des différentes raisons citées ?
Le fort pourcentage de « Passion pour le codage » devrait inquiéter les employeurs et les utilisateurs. Heureusement la deuxième place de « Passion pour la résolution de problèmes » est rassurante.
Proposer trois raisons de devenir développeur pas ordre de préférence serait très révélateur de sa personnalité.
J’ajouterais une raison très personnelle :
- « Inventer ma propre démarche d’informatisation »
Pourquoi avez-vous choisi de devenir développeur ? Partagez votre expérience.
- « on peut dire que je suis né programmeur »
Un soir, mon cousin passe me voir et m’annonce :
« Je sais ce que tu vas faire comme métier : programmeur »…
C’était en 1965, j’avais 17 ans et j’étais OS en attendant le service militaire.
Le fonctionnement de mon cerveau génétiquement « câblé » était connu de toute la famille. Pas seulement le mien d’ailleurs car mes deux frères ont également fait carrière dans l’informatique comme développeurs.
Je n’ai été intronisé « programmeur » que le 1er janvier 1971… Cours par correspondance dans une école privée (EPSI), service militaire, mai 68, chômage, puis la chance d’être embauché au service informatique d’une administration. Cours par correspondance avec le Ministère des Finances, tests psychotechniques collectifs (dits tests PTT), tests psychotechniques devant un psychologue, concours administratif SASU-Programmeur, stages chez le constructeur (assembleur, fortran, cobol, LCP) et enfin le bonheur de développer… à ma façon.
- la passion pour la résolution de problèmes.
Dans la dynamique de mai 68, les collègues se réunissaient de temps en temps dans un couloir pour refaire le monde. Il faut dire qu’aucune application ne donnait vraiment satisfaction aux utilisateurs. Le cloisonnement « chef de projet/analyste/programmeur » était régulièrement mis en cause, pas seulement pour la méthode de développement mais également à cause de l’impossibilité d’être tantôt l’un, tantôt l’autre. Imprégné de cette formation sur le tas, j’ai décidé de travailler autrement, en dehors du système.
Jeune programmeur après avoir passé deux ans à l’exploitation, je n’avais pas mon mot à dire. En fait, personne ne s’occupait de moi, je n’ai même jamais été intégré à une équipe de développement et j’ai dû me trouver moi-même un endroit où m’installer. Ce sont les situations en désespérance qui m’ont permis de travailler. Je disais à une équipe de développement dans une impasse à cause d’un programme : si vous voulez, je veux bien le faire votre programme. A une autre équipe, menacée de pénalités de retard : si vous voulez, je peux vous aider… Je me suis fait une spécialité de ce genre d’interventions jusqu’à ce qu’un jour, sans m’en rendre compte, j’ai développé une application, juste pour aider des utilisateurs en perdition. Un collègue qui quittait le service Maintenance au moment où je l’intégrais dans l’idée de me rapprocher des utilisateurs, m’avait confié : « je n’ai pas eu le temps mais si tu peux, aide-les, ils valent le coup ». Deux mois après, ils avaient leur application que j’ai ensuite sophistiquée pendant deux ans par des releases bimensuelles, au rythme de leur cycle de gestion. Ma démarche d’informatisation découverte par hasard au bout d’un an a fait scandale dans Landerneau. J’ignorais que mon coloc de bureau était censé maintenir une application existante devenue obsolète mais qui justifiait en fait son « travail ». La division des études quant-à elle a immédiatement réagit en prétextant que s’il fallait refaire l’application, c’était à elle de le faire et non à la maintenance.
- la passion pour le codage.
Pas vraiment la passion, j’aime coder mais dans les règles de l’art. Je hais la bidouille et avancer à vue. Je pense que la passion du codage pour le codage doit satisfaire les addicts au jeu. Je dirais même que cela doit correspondre à un mode de raisonnement par conditionnement qui participe à une programmation jouissive exploitant la mémoire immédiate.
« La mémoire immédiate : persistance au niveau cérébral de la trace sensorielle. L'ensemble des informations ainsi conservées constitue l'empan de la mémoire (quantité d'informations pouvant être stockées par la mémoire à court terme). »
Ce faisant, c’est la personnalité du programmeur qui structure la programmation et non le traitement. La maintenance du programme consiste alors à comprendre la démarche alambiquée du programmeur plutôt que d’en comprendre ses fonctionnalités.
Avec LCP, j’ai découvert et assimilé le raisonnement par traitement. Le codage est là où il doit être, comme il doit être et rien de plus. L’intérêt du codage est moins dans le fond que dans la forme, à savoir l’adoption de règles d’écriture.
Pour faciliter la maintenance à court, moyen et long terme, il s’agit alors de programmer en état d’amnésie antérograde (syndrome de Korsakoff) : « le programmeur ne fixe plus les souvenirs et oublie tous les événements au fur et à mesure qu'ils se présentent. C'est une amnésie des faits récents alors que le souvenir des faits anciens est conservé ». Ce fonctionnement oblige à s’organiser pour être en mesure de se relire, de comprendre aisément ce que l’on programme. Mon premier programme a géré le personnel de mon administration pendant 14 ans. Les collègues qui ont eu à le maintenir ont tous respecté ma façon de programmer.
Je n’ai pas voté pour ce choix, à cause du mot passion et pour ne pas accentuer davantage l’importance de cette raison.
- Inventer ma propre démarche d’informatisation
Pour développer, je n’ai eu qu’une seule idée obsessionnelle, ne rien faire sans comprendre pourquoi je dois le faire, supprimer les intermédiaires, recueillir l’information à sa source, donc me rapprocher le plus possible de l’utilisateur, jusqu’à développer in situ. Mon statut de fonctionnaire m’a permis d’utiliser toutes les possibilités d’affectation tout en gardant le même employeur, l’état : changement de service, détachement, réintégration, concours administratif, changement d’administration, mise à disposition, etc.
Le fil rouge de ma carrière : développer in situ, Au Pied Levé, À Main Levée, à l’affût du contexte idéal susceptible de m’apporter des réponses dans ma recherche personnelle des mécanismes du développement. Ça m’a occupé pendant 35 ans. En identifiant les points communs de toutes mes aventures, j’en ai tiré une sorte de méthode que j’ai appelé APL-AML. Continuer d’y réfléchir occupe toujours un peu ma retraite.
L’administration ne prévoit pas l’installation d’un informaticien « électron libre » dans une entité métier. Cela oblige tout le monde à s’adapter. À commencer par mon chef hiérarchique. Quand nous arrivions à nous rencontrer, il me disait : « Ça va… Tu supportes toujours d’être corvéable à merci ? » Je lui répondais : « Je ne vis pas une corvée mais une jouissance ». Le jour où il m’a vu partir m’installer chez les gestionnaires, il m’a demandé : « … Mais tu vas revenir ? » Je suis parti 17 ans. Pour le chef de l’entité métier aussi, c’est compliqué. Nous avions le même grade administratif et j’organisais son métier en m’intéressant davantage à ses gestionnaires qu’à lui-même. S’installer dans son environnement n’est pas simple non plus, il me fallait créer mon espace de travail avec un bureau et une chaise (récupérés sur le trottoir, le jour des encombrants). En fin de compte, je n’ai pratiquement jamais « habité » un bureau normal avec une fenêtre, une porte donnant sur un couloir mais le plus souvent un espace perdu plus ou moins exigu. Il me fallait également trouver un budget. Pas de budget, pas de serveur, pas d’appli. Évidemment, ce mode de fonctionnement impacte la vie familiale et personnelle mais c’est le prix à payer de l’autonomie et de la liberté.
Informatiser une problématique dans l’urgence en trois jours voire en une journée, sans cahier des charges bien sûr, personne n’y croit… et pourtant, ça marche ! Mon cahier des charges n’était pas papier, il était vivant, c’était les gestionnaires. Il me suffisait de les regarder, de les écouter. Ils-elles devaient penser que leur application avait toujours existé ; en fait, je développais au fur et à mesure, au rythme de leur cycle de gestion, en anticipant leurs besoins juste ce qui était nécessaire. C’est passionnant, euphorisant. Le cerveau aime qu’on le sollicite dans la précipitation, il y a un plaisir beaucoup plus important à écouter son intuition que le plaisir à écouter sa logique analytique. Finalement, je n’étais pas un « développeur » mais un « traducteur ». Je traduisais un langage métier en langage informatique.
Dans le monde réel, le chef de projet interview la hiérarchie qui connait certes la mission de son service et sa réglementation mais qui ne s'intéresse pas forcément à la façon dont son personnel réalise cette mission. C'est si vrai qu’elle ne s'intéressera pas davantage à l'applicatif qu'utilisera son personnel. Il ne s'agit pas de la blâmer, c'est un constat, ses préoccupations se situent ailleurs.
Le chef de projet informatise la problématique métier d’après ce qu’il a compris de la réglementation et impose sa vision aux gestionnaires qui doivent s’adapter. L’insertion d’un gestionnaire dans l’équipe de développement, quand elle a lieu, n’a qu’un seul objectif : faire accepter l’application développée par les autres gestionnaires.
Concevoir un applicatif avec les seuls chefs de service pour interlocuteurs, c'est se priver d'une masse d'informations très riche susceptible d'orienter de façon pertinente les développements ; c'est créer à coup sûr un outil inadapté, intégrant sans doute les règles de gestion, mais occultant la réalité quotidienne.
Cette démarche d’informatisation n’a été possible que parce que je me suis toujours confronté à des situations désespérées, que je recherchais bien sûr. Quand tout va mal, la hiérarchie est bien contente de trouver l’homme providentiel. Pratiquer l’adhocratie dans un environnement administratif, on ne peut plus bureaucratique, m’a donné énormément de satisfactions et fait vivre une aventure persillée d’anecdotes toutes plus inattendues les unes que les autres.
A mi-carrière, j’ai entrepris un DUT informatique en formation permanente, puis j’ai enchainé sur l’IRA-informatique (IRA = Institut Régional d’Administration). L’objectif était multiple, savoir ce qui se disait en IUT, apprendre les mécanismes du développement après les avoir compris en autodidacte, officialiser en quelque sorte ma fonction de développeur, booster ma carrière administrative, faciliter mes changements d’affectation, augmenter mes chances de trouver des problématiques en désespérance.
PS : « Apprendre à ne rien faire sans comprendre pourquoi on doit le faire. » est l’un des principes de ce que j’appelle « l’Impulse attitude ».
Impulse attitude : s’investir totalement et librement, se mettre en danger pour devenir performant.
L’Impulse attitude, c’est sortir de sa bulle confort, se mettre en danger pour devenir performant, réaliser ce qui parait impossible, c’est avancer librement, en envisageant toutes les options, toutes les façons de penser, c’est devenir un être responsable qui a le droit de se fonder sa propre vision du monde (source : Bertrand PICCARD).
... Désolé de vous avoir ennuyé ! Intervenir dans un débat me permet d’exprimer, d’argumenter, de structurer ma pensée.
Informatiquement votre !...