Les satellites en fin de vie peuvent être à l'origine du changement climatique et de l'appauvrissement de la couche d'ozone,
selon une étude
Une étude intitulée Impact des émissions de satellites en fin de vie sur l'atmosphère terrestre, publiée par le Journal of Geophysical Research Atmospheres, soulève des inquiétudes quant aux conséquences environnementales de la multiplication des satellites en orbite terrestre. Selon les chercheurs, la combustion annuelle de milliers de satellites libérera des quantités significatives d'aluminium et d'autres métaux, perturbant la chimie atmosphérique. Leurs simulations prédisent un réchauffement localisé de 1,5 °C dans les couches supérieures de l’atmosphère, un affaiblissement des vents et un risque accru pour la couche d’ozone. Toutefois, cette étude suscite des débats, certains commentateurs dénonçant une instrumentalisation des discours écologistes pour justifier des financements, tandis que d’autres défendent la nécessité de recherches indépendantes face à un phénomène encore mal évalué.
La controverse autour de cette publication reflète des clivages plus larges sur la crédibilité scientifique et les mécanismes de financement de la recherche. Les critiques pointent le manque de modélisation des autres métaux libérés (titane, cuivre, etc.) et questionnent les extrapolations à l’horizon 2040. Par ailleurs, des échanges virulents entre internautes révèlent une méfiance croissante envers les institutions scientifiques, accusées tantôt de complaisance avec les intérêts privés, tantôt de négligence face aux enjeux climatiques. Cette polarisation illustre les difficultés à concilier rigueur scientifique, transparence et urgence environnementale dans un contexte où la course spatiale privée s’intensifie.
Actuellement, plus de 9 000 satellites opérationnels gravitent autour de notre planète, remplissant des missions cruciales comme l'observation météorologique, les télécommunications et la navigation. Ce nombre pourrait dépasser 60 000 unités d'ici 2040, selon les projections actuelles. Une récente étude alerte sur les conséquences environnementales de cette prolifération, particulièrement lors de la désintégration des vieux satellites dans l'atmosphère, un phénomène qui pourrait perturber le climat et le processus de reconstitution de la couche d'ozone.
La durée de vie moyenne d'un satellite ne dépasse généralement pas cinq ans. Leur élimination suit généralement un processus standardisé : on réduit progressivement leur altitude jusqu'à ce qu'ils se consument lors de leur rentrée atmosphérique. Cette combustion libère d'importantes quantités de particules, notamment des aérosols d'aluminium. Les chercheurs ont modélisé ce phénomène en se basant sur un scénario où 3 000 satellites seraient éliminés annuellement, ce qui correspondrait au rejet d'environ 10 000 tonnes d'oxyde d'aluminium par an d'ici 2040.
Les résultats de ces simulations, publiés dans le Journal of Geophysical Research Atmospheres, révèlent une accumulation préoccupante de ces particules aux hautes latitudes. Les scientifiques observent des anomalies thermiques pouvant atteindre 1,5 °C dans les couches atmosphériques moyennes et supérieures, accompagnées d'un ralentissement des vents et d'une dégradation de la couche d'ozone. D'autres métaux comme le titane, le lithium, le fer et le cuivre sont également libérés lors de ces rentrées, mais leurs effets spécifiques restent à évaluer.
L'essor prévu des mégaconstellations en orbite basse (entre 300 et 2 000 km d'altitude) représente un défi environnemental sans précédent. Le flux annuel de matériaux artificiels pénétrant dans l'atmosphère pourrait bientôt rivaliser avec le flux naturel des météorites. Cependant, les propriétés des aérosols générés par cette combustion massive restent mal comprises, compliquant l'évaluation précise de leurs impacts climatiques et atmosphériques.
Dans cette étude, les chercheurs se sont concentrés sur l'aluminium, composant majeur des satellites, en modélisant des émissions annuelles de 10 gigagrammes d'oxyde d'aluminium. Leurs simulations montrent qu'entre 20 et 40 gigagrammes de ces particules pourraient s'accumuler dans la stratosphère, particulièrement entre 10 et 30 km d'altitude aux latitudes proches des 30° nord et sud.
Ces dépôts d'aérosols provoquent des perturbations climatiques subtiles mais significatives. Les températures mésosphériques et stratosphériques pourraient varier de 1,5 K dans l'hémisphère sud, avec une réduction d'environ 10 % de la vitesse des vents dans le vortex polaire. Ces modifications atmosphériques pourraient affaiblir le trou d'ozone printanier et, dans certains scénarios, renforcer le vortex polaire de l'hémisphère nord.
L'industrie spatiale connaît effectivement une croissance exponentielle, avec un triplement du nombre de lancements ces dernières années et des perspectives d'expansion encore plus marquées à venir. Alors que les recherches se sont traditionnellement concentrées sur les émissions des fusées, l'attention se porte désormais sur l'impact des constellations satellitaires, qui pourraient devenir la principale source de pollution de la haute atmosphère.
Le maintien de ces mégaconstellations implique un renouvellement constant du parc satellitaire. Environ 20 % des satellites doivent être remplacés chaque année, ce qui multiplierait par quatre le rythme des lancements et par dix celui des rentrées atmosphériques. Bien que les paramètres orbitaux des futures constellations restent incertains, les chercheurs peuvent identifier des zones géographiques plus susceptibles d'être affectées par ces retombées.
Le processus de désintégration génère des températures extrêmes, entre 1 200 et 3 000 kelvins, vaporisant la majeure partie des satellites. Deux méthodes principales coexistent : la rentrée incontrôlée, dont la localisation dépend de l'inclinaison orbitale initiale, et la désorbitation contrôlée, plus précise mais plus complexe à mettre en œuvre. Dans les deux cas, ces phénomènes injectent dans l'atmosphère des matériaux dont les effets à long terme sur le système climatique global nécessitent des investigations approfondies.
Transport atmosphérique et accumulation des particules issues de la désintégration satellitaire
Les simulations révèlent une accumulation annuelle de particules comprise entre 30 et 40 gigagrammes dans la stratosphère. Cette quantité résulte d'émissions annuelles estimées à 10 gigagrammes, ce qui correspond au temps de résidence moyen des particules dans les couches atmosphériques, évalué entre 3 et 5 ans. Un scénario particulier se distingue par une accumulation réduite à 23,3 gigagrammes, en raison d'une sédimentation accélérée des particules de plus grande taille, dont la vitesse de chute est deux à trois fois supérieure à celle des autres cas étudiés.
La répartition géographique de ces particules dépend fortement de la latitude à laquelle se produit leur émission. Dans tous les scénarios, la concentration maximale se situe au voisinage immédiat des zones d'émission. Les mesures montrent des écarts significatifs, avec des concentrations maximales variant de 0,24 à 21,9 parties par milliard selon les configurations. Certains scénarios montrent une concentration principalement localisée dans l'hémisphère sud, où les particularités des courants atmosphériques saisonniers limitent le transfert des particules vers l'hémisphère nord pendant une partie de l'année.
Cette analyse met en évidence l'importance des caractéristiques physiques des particules et des dynamiques atmosphériques dans la dispersion et l'accumulation des résidus de satellites. Les variations observées soulignent la complexité des processus en jeu et la nécessité de les intégrer dans les modèles prédictifs.
Enjeux environnementaux liés à la désintégration atmosphérique des satellites : état des connaissances
L'étude sur l'impact des satellites en fin de vie dans l'atmosphère terrestre met en lumière un enjeu environnemental émergent, mais soulève des questions méthodologiques et épistémologiques qui méritent examen. Si les projections d'un réchauffement localisé de 1,5°C et d'une dégradation de la couche d'ozone s'appuient sur des modèles plausibles, leur caractère spéculatif ne doit pas être sous-estimé. L'accent mis sur l'aluminium, sans quantification précise des autres métaux libérés (titane, cuivre, lithium), limite la portée des conclusions. Une approche plus holistique serait nécessaire pour évaluer l'impact réel de ces retombées métalliques sur la chimie atmosphérique.
La controverse entourant cette recherche dépasse le cadre scientifique pour toucher à des enjeux sociétaux plus larges. D'un côté, les accusations d'alarmisme opportuniste reflètent une défiance croissante envers les institutions scientifiques, souvent perçues comme prisonnières de logiques de financement. De l'autre, le discrédit jeté sur ces travaux risque d'entraver l'étude d'un phénomène pourtant appelé à s'amplifier avec l'explosion des mégaconstellations satellitaires. Cette polarisation est contre-productive : elle occulte la nécessité de recherches indépendantes et multidisciplinaires pour objectiver ces impacts.
Le véritable défi réside dans l'articulation entre précision scientifique et urgence décisionnelle. Les modélisations à horizon 2040, bien qu'incertaines, constituent un signal faible qu'il serait imprudent d'ignorer totalement. Plutôt que de rejeter ces travaux ou les sacraliser, une approche critique et constructive s'impose : renforcer les protocoles d'étude, diversifier les modèles climatiques intégrant ces nouveaux paramètres, et instaurer un dialogue transparent entre scientifiques, industriels du spatial et régulateurs. La course à l'espace ne doit pas reproduire les erreurs du passé en matière d'externalités environnementales, mais ce constat ne justifie pas pour autant un rejet systématique des innovations technologiques au nom de précaution mal étayées.
Source : Journal of Geophysical Research Atmospheres
Et vous ?
Les conclusions de l'étude sont-elles crédibles et pertinentes ?
Les modèles utilisés prennent-ils suffisamment en compte l’ensemble des métaux libérés (titane, cuivre, lithium, etc.), ou se focalisent-ils trop sur l’aluminium ?
Les simulations intègrent-elles les variations naturelles du climat (cycles solaires, oscillations océaniques) pour éviter de surestimer l’impact des satellites ?
Voir aussi :
Les méga-constellations de satellites telles que Starlink de SpaceX pourraient endommager la couche d'ozone protectrice de la Terre lorsqu'ils seront désorbités, selon une étude
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