Le secteur américain de l'IA plongé dans l'incertitude cherche à savoir si Donald Trump vient de saboter son approvisionnement en GPU
les actions technologiques continuent de dégringoler à Wall Street
Donald Trump a imposé récemment des droits de douane radicaux à presque tous les pays du monde. L'annonce a provoqué une chute brutale des actions technologiques à Wall Street, effaçant plus de 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. En outre, les entreprises d'IA sont face à une incertitude angoissante : les puces d'IA sont-elles soumises ou exemptées des nouveaux droits de douane ? La réponse est étonnamment ambiguë et personne à Washington ne semble avoir une idée des plans du président. Si les puces d'IA sont concernées, les coûts de développement de l'IA vont exploser, alors qu'elle est déjà un gouffre financier.
Le secteur de l'IA dans l'incertitude face aux droits de douane de Donald Trump
Les marchés boursiers sont désorientés depuis l'annonce des nouveaux droits de douane par Donald Trump le 2 avril. La Chine a écopé d'un tarif additionnel de 34 %, ce qui porte le taux effectif à 54 % pour les produits importés depuis la nation asiatique vers les États-Unis. Outre la Chine, Washington a imposé des droits de douane à de nombreux autres pays clés d'Asie, avec des taux de 32 % sur Taïwan, 26 % sur la Corée du Sud et 46 % sur le Vietnam.
Il s'agit en effet des pays dans lesquels sont fabriqués une bonne partie des composants électroniques utilisés dans le monde, notamment les CPU, les GPU, les disques SSD, les mémoires vives, les batteries, etc. Ainsi, l'annonce des droits de douane a provoqué une panique généralisée dans l'industrie technologique.
Le cas du secteur de l'IA attire particulièrement l'attention. Les entreprises engagées dans la course à l'IA sont dans une incertitude totale, car elles ignorent si les GPU sont soumis aux droits de douane annoncés par Donald Trump. Les GPU jouent un rôle crucial au développement des grands modèles de langage. Les GPU sont essentiellement prisés par les entreprises en raison de leur capacité à gérer efficacement des calculs massivement parallèles.
Par conséquent, des droits de douane généralisés sur toutes les puces produites en dehors des États-Unis nuiront aux fabricants de puces américains les plus performants et les plus rentables, tels qu'AMD, Broadcom, Intel, Nvidia et Qualcomm, qui fabriquent la plus grande partie de leurs produits chez TSMC à Taïwan. Le vendredi 4 avril, les actions de ces entreprises ont fortement chuté. L'action Nvidia a chuté de 7,59 % et l'action TSMC d'environ 7,22 %.
Les entreprises s'attendaient à des annonces claires et précises, mais les déclarations de Donald Trump et des fonctionnaires de Washington sont sujettes à plusieurs interprétations. Ainsi, elles ne savent pas si elles seront exemptées ou si ces taxes sont sur le point d'anéantir leur approvisionnement en GPU.
Donald Trump choisira-t-il d'exempter le secteur de l'IA des droits de douane ?
Dans les laboratoires d'IA, les chercheurs s'attendent à ce que leur secteur bénéficie d'une exemption tarifaire. « Je m'attends tout à fait à ce que le président Donald Trump accorde à nouveau un passe-droit aux entreprises qu'il considère comme importantes/de son côté/quoi que ce soit, un peu comme il l'avait fait avec Apple lors de son premier mandat », a déclaré à The Verge une source anonyme qui travaillerait au sein d'un grand laboratoire d'IA.
Toutefois, à Washington, personne ne semble savoir quelle est la situation actuelle. La Maison Blanche n'a pas apporté de nouvelles précisions utiles sur les droits de douane depuis l'annonce de Donald Trump. En temps normal, les agences gouvernementales pourraient être en mesure d'expliquer ce qui se passe.
Mais lorsqu'on lui a demandé des précisions, un responsable des affaires publiques du NIST, l'agence du ministère américain du Commerce qui supervise le CHIPS Act, a orienté les journalistes vers la Maison Blanche. Le représentant américain au Commerce, l'agence chargée d'élaborer et de mettre en œuvre la stratégie de Donald Trump en matière de droits de douane, n'a pas non plus été en mesure d'apporter des éclaircissements sur la situation.
Certains patrons de la Silicon Valley sont optimistes quant à l'obtention d'exemptions. Plusieurs PDG d'entreprises d'IA, dont Meta, Amazon et OpenAI, ont soutenu Donald Trump dès le premier jour, en assistant à son investiture. Bien que ces PDG ont vu leur fortune dégringoler parallèlement aux actions de leurs sociétés, ils espèrent que leurs liens avec le président leur seraient utiles pour bénéficier d'exemptions. Mais les analystes restent sceptiques.
« La plupart des GPU d'IA sont, je crois, importés non pas en tant que puces, mais en tant que serveurs, en grande partie de Taïwan. Il est donc probable que ces produits soient soumis au taux général des droits de douane de 32 % imposé à Taïwan, dont l'entrée en vigueur est actuellement prévue pour le 9 avril », a déclaré Chris Miller, professeur à l'université Tufts et auteur du livre « Chip War: The Fight for the World's Most Critical Technology ».
En janvier dernier, Sam Altman, PDG d'OpenAI, et Larry Ellison, président d'Oracle, se sont rendus à la Maison Blanche aux côtés du président pour annoncer le projet Stargate de 500 milliards de dollars. Le flou qui entoure actuellement les GPU, associé à l'imprévisibilité des tarifs douaniers de Donald Trump en général, pourrait toutefois ébranler leur confiance, ou du moins les obliger à renouveler leurs tentatives pour s'attirer les faveurs du président.
Donald Trump est accusé d'avoir demandé à l'IA de rédiger ses droits de douane
Le fait que les droits de douane soient si vagues et semblent avoir été élaborés au hasard ne fait qu'ajouter aux inquiétudes des entreprises. « Tout le monde demande à l'administration de faire preuve de clarté. Jusqu'à présent, les gens disent qu'ils pensent que tout va bien, mais qu'ils ne sont pas encore sûrs. Ce n'est pas vraiment un vote de confiance pour les exemptions tarifaires des GPU », a déclaré un lobbyiste d'une grande entreprise technologique.
Selon certains critiques, l'on peut légitimement penser que les tarifs ont été générés par l'IA et personne à Washington ne semble comprendre comment l'IA a fait ses calculs pour arriver à de tels résultats. Par ailleurs, la confusion entourant les GPU ne se limite pas seulement au secteur de l'IA.
Elle touche également les Big Tech qui achètent des centaines de milliers de GPU pour construite des centres de données partout dans le pays. Amazon, Google et Microsoft dépendent tous de l'accès aux GPU pour soutenir et mettre à l'échelle leurs infrastructures de cloud computing de plusieurs milliards de dollars. Il est clair que le marché n'est pas convaincu que leurs résultats financiers résisteront aux nouveaux droits de douane de Donald Trump.
Ensemble, les « Sept magnifiques » (Alphabet, Amazon, Meta, Apple, Microsoft, Nvidia et Tesla) ont perdu plus de 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière depuis l'introduction des droits de douane. Tesla a été le plus grand perdant, plongeant de plus de 10 % au cours de la séance du 4 avril. L'entreprise a perdu plus de 89 milliards de dollars de capitalisation boursière, ce qui porte son total sur deux jours à plus de 139 milliards de dollars.
Nvidia a perdu 393 milliards de dollars au cours des deux dernières séances boursières. Apple a été le plus grand perdant du groupe en matière de valeur de marché. Le fabricant de l'iPhone est sous pression en raison des nouveaux droits de douane qui visent certains de ses sites de fabrication secondaires en dehors de la Chine et a enregistré jeudi sa plus forte baisse en une journée depuis cinq ans. La chaîne de production de ses iPhone est menacée.
Les prix des puces d'IA pourraient grimper en flèche à cause des nouvelles taxes
Selon les analystes, si des droits de douane de 25 % sont appliqués à un GPU de Nvidia que l'entreprise vend 50 000 $ avec une marge brute de 75 %, Nvidia devra déclarer une valeur de 12 500 $ et payer des droits d'importation de 3 125 $. Ces droits de douane auront pour effet soit de réduire les marges de Nvidia, soit de rendre ses GPU plus chers pour les acheteurs américains. On ne sait pas encore si Nvidia va répercuter les taxes sur ses clients.
Si Nvidia choisit cette option, cela pourrait affecter considérablement le marché de la construction de centres de données. Par exemple, pour les centres de données de nouvelle génération d'Elon Musk, qui devraient contenir un million de GPU, cela représente 3,125 milliards de dollars de coûts supplémentaires.
Bien sûr, il existe des produits moins chers vendus avec une marge plus faible. Prenons l'exemple d'un CPU de 200 $ vendu avec une marge brute de 40 à 50 % tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Ainsi, un droit de douane de 25 % fera passer le prix de détail d'un tel CPU à 225 $ s'il n'est pas absorbé par le producteur du CPU et la chaîne d'approvisionnement. Ce qui représente une augmentation significative pour les consommateurs.
« Si les droits de douane restent inchangés. Nous devrions nous préparer à une augmentation significative du prix des produits électroniques », explique le professeur Chris Miller. Prenons le cas de l'iPhone d'Apple. Selon une analyse, un iPhone 16 Pro Max, avec un écran de 6,9 pouces et 1 To de stockage, qui se vend actuellement à 1599 dollars, pourrait coûter près de 2 300 dollars si Apple décide de répercuter les nouvelles taxes sur les consommateurs.
Selon les fabricants et les revendeurs, les droits de douane de Donald Trump auront un impact considérable sur le prix de pratiquement tous les appareils électroniques. Et les PC, en particulier ceux fabriqués par de petits fournisseurs, pourraient être les plus durement touchés. Les grands fabricants comme Dell et HP pourraient être en mesure de limiter leur exposition en délocalisant leur production dans des pays où les droits de douane sont moins élevés.
Les marques américaines telles que Maingear, iBuyPower et Falcon Northwest assemblent leurs produits en Amérique, en utilisant des pièces qui proviennent presque exclusivement d'Asie. « Les droits de douane ont un impact direct sur notre structure de coûts... que nous devons répercuter sur nos clients », a déclaré Wallace Santos, PDG de Maingear. Selon les critiques, la politique de Donald Trump pourrait désorganiser les chaînes d'approvisionnement.
Donald Trump veut forcer les entreprises à s'installer et à produire aux États-Unis
Nvidia a apparemment commencé à délocaliser sa production aux États-Unis et espère que cela l'aidera à se protéger des droits de douane. Selon un rapport publié par Reuters en décembre, la société finalisait les plans de production de sa puce Blackwell AI GPU dans la nouvelle usine de TSMC en Arizona, qui a pour objectif de commencer à fabriquer des puces cette année. À terme, Nvidia semble envisager de rapatrier toute sa production aux États-Unis.
Le PDG de Nvidia, Jensen Huang, a fait allusion à ce plan lors d'un récent appel avec les investisseurs : « nous fabriquons dans de nombreux endroits différents. Nous pourrions changer les choses. Les tarifs douaniers auront un léger impact sur nous à court terme. À long terme, nous fabriquerons sur place ».
« Rien de tout cela n'est impossible, mais essayer de produire chaque segment de la chaîne d'approvisionnement électronique sur le territoire national entraînera une augmentation stupéfiante des coûts, surtout à court terme, étant donné que certaines capacités n'existent tout simplement pas sur le territoire national », a déclaré Chris Miller. Les entreprises et les fabricants finiraient tous par payer beaucoup plus cher pour les GPU dont ils ont besoin.
La vision de Donald Trump, à travers les droits de douane élevés, consiste à contraindre les entreprises à délocaliser leurs usines aux États-Unis. Mais les experts estiment qu'il est peu probable que la politique ait l'effet escompté, notamment des matières premières non disponibles sur place, le coût élevé de main-d'œuvre, etc. Certains experts affirment que les conséquences pourraient être dévastatrices pour l'industrie technologique américaine.
Cela ne tient même pas compte des droits de douane sur les matières premières nécessaires à la construction de ces machines et usines ni des éventuelles mesures de rétorsion : le 2 avril, par exemple, la Chine a annoncé une nouvelle série de restrictions à l'exportation de minéraux de terres rares, qui sont essentiels à la fabrication de produits électroniques. Les États-Unis importent actuellement 90 % de leurs minéraux de terres rares de Chine.Envoyé par Kelt Reeves, PDG du fabricant américain de PC Falcon Northwest
« L'annonce de cette politique est étonnante par sa stupidité. On dirait une blague », a déclaré Gene Grossman, expert en commerce mondial et professeur à Princeton, lauréat du prix Onassis du commerce international. Il a aussi ajouté qu'il est difficile de savoir exactement ce qui se passera étant donné la « mer d'idiotie » provoquée par les droits de douane. Les droits de douane toucheront également les fabricants de consoles et d'autres équipements.
La désillusion des patrons milliardaires de la Tech qui ont soutenu Donald Trump
Le paradoxe est saisissant : nombre de patrons de la Silicon Valley avaient initialement soutenu Donald Trump, espérant bénéficier d'un assouplissement réglementaire ou d'une politique fiscale favorable à l'innovation. À présent, ils découvrent que le virage protectionniste de Donald Trump peut se transformer en véritable « arme de destruction financière massive ». Beaucoup d'entre eux se demandent désormais comment naviguer dans cet océan d'incertitudes.
Selon certains analystes, en fin de compte, rester un allié de Donald Trump pourrait être une option plus cruciale qu'un appel à la raison. Par exemple, le fondateur d'Amazon, Jeff Bezos, a prêté allégeance à la nouvelle administration, ce qui est important pour Anthropic, qui est un client du cloud d'Amazon.
Ces accords sont toutefois fragiles. Un seul article critique à l'égard de l'administration Trump dans le journal de Jeff Bezos, le Washington Post, pourrait faire perdre à Amazon (et par association, à Anthropic) une potentielle exemption des droits de douane. Anthropic est également un client du cloud de Google. Sundar Pichai, PDG d'Alphabet et de Google, fait partie des PDG milliardaires de la Silicon Valley qui ont assisté à l'investiture de Donald Trump.
D'autres facteurs pourraient indirectement causer des problèmes à ces entreprises, comme l'entrée des États-Unis dans une récession dévastatrice pour l'économie technologique. « Les effets de second ordre des droits de douane pourraient encore être néfastes », a ajouté la source du laboratoire d'IA.
La chute des marchés semble avoir mobilisé les leaders de la technologie. Un groupe de PDG de sociétés technologiques et de responsables financiers devrait se rendre à la résidence privée de Donald Trump à Mar-a-Lago, en Floride. L'objectif semble être de trouver un sens à ces droits de douane, et peut-être des exemptions. Pour l'instant, l'incertitude demeure et la panique continue de se faire ressentir sur les marchés financiers américains.
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