Starlink installé à la Maison Blanche pour « améliorer le Wi-Fi » : la situation inquiète les experts en cybersécurité,
et alimente les soupçons de conflit d'intérêts
L’annonce de l’installation du système satellitaire Starlink à la Maison-Blanche, officiellement pour « améliorer le Wi-Fi », a de quoi laisser perplexe. Selon Karoline Leavitt, secrétaire de presse de la Maison Blanche, la Maison-Blanche utilise Starlink pour résoudre ce problème, que les responsables de la Maison-Blanche attribuent à l'irrégularité du service cellulaire et à l'infrastructure Wi-Fi « surchargée » de la propriété. Curieusement, la mise en place du service Starlink n’a pas suivi le schéma classique : si des terminaux sont normalement installés directement sur les infrastructures pour capter le signal satellite, ici, la connexion passe par un centre de données gouvernemental, situé à plusieurs kilomètres de la Maison-Blanche, puis est relayée par fibre optique. Autant d'éléments qui alimentent des soupçons de conflit d'intérêt.
Starlink, le service internet par satellite exploité par SpaceX d'Elon Musk, est désormais accessible sur le campus de la Maison Blanche. Il s'agit de la dernière installation du réseau Wi-Fi au sein du gouvernement depuis que Musk a rejoint l'administration Trump en tant que conseiller non rémunéré. Il n'a pas été possible de déterminer immédiatement quand le complexe de la Maison Blanche a été équipé de Starlink après que le président Trump a pris ses fonctions pour un second mandat.
Les terminaux Starlink, des panneaux rectangulaires qui reçoivent des signaux internet envoyés par les satellites SpaceX en orbite basse, peuvent être placés sur des structures physiques. Mais au lieu d'être physiquement placé à la Maison Blanche, le système Starlink serait maintenant acheminé par un centre de données de la Maison Blanche, avec des câbles en fibre optique existants, à des kilomètres du complexe.
Les responsables de la Maison Blanche ont déclaré que l'installation visait à accroître la disponibilité de l'internet dans le complexe. Ils ont indiqué que certaines zones de la propriété ne pouvaient pas recevoir de service cellulaire et que l'infrastructure Wi-Fi existante était surchargée.
Karoline Leavitt, secrétaire de presse de la Maison-Blanche, a déclaré qu'il s'agissait « d'améliorer la connectivité Wi-Fi dans le complexe ».
Mais les circonstances sont différentes de toutes les situations précédentes de résolution de problèmes liés aux services Internet. Musk, qui est désormais un conseiller non rémunéré travaillant comme « employé spécial du gouvernement » à la Maison Blanche, contrôle Starlink et d'autres entreprises qui ont des affaires réglementaires devant le gouvernement fédéral ou des contrats avec lui. Des questions sur ses intérêts commerciaux en conflit avec son statut de conseiller présidentiel et de donateur majeur de Trump ont persisté pendant des semaines.
Les fonctionnaires de la Maison Blanche ont déclaré que Starlink avait fait « don » du service et que le cadeau avait été approuvé par l'avocat chargé des questions d'éthique au sein du bureau du conseiller juridique de la Maison Blanche.
Certains anciens fonctionnaires n'ont pas compris comment un tel don pouvait fonctionner.
Clare Martorana, ancienne responsable de l'information à la Maison Blanche sous l'administration Biden, a déclaré qu'en règle générale, on ne peut pas simplement donner de la technologie au gouvernement. Selon elle, le directeur de l'information de la Maison Blanche devrait approuver le nouveau système pour s'assurer qu'il est correctement sécurisé, tout comme le directeur de l'information de l'administration des services généraux (General Services Administration).
« Cela introduit un autre vecteur d'attaque »
La Maison Blanche est la dernière propriété gouvernementale sur laquelle Starlink opère désormais. Ces dernières semaines, Starlink a également été installé à la General Services Administration, qui a servi de plaque tournante pour les efforts de réduction de la taille du gouvernement de Musk, selon des documents et des personnes familières avec le service.
Bien que plusieurs agences fédérales soient sous contrat avec Starlink, le service satellite est généralement utilisé pour fournir un accès à Internet dans des situations d'urgence et dans des lieux éloignés et non dans les bâtiments fédéraux de Washington, qui disposent déjà de nombreuses options d'accès à Internet.
Starlink est généralement considéré comme un réseau fiable. En octobre, l'Agence fédérale de gestion des urgences a passé un contrat avec Starlink pour distribuer des terminaux pour le service en Caroline du Nord après le passage de l'ouragan Helene. Le service a également été crucial pour les défenses de l'Ukraine contre la Russie, SpaceX ayant fait l'estimation auprès du ministère de la défense que le soutien à l'effort sur une période de 12 mois autour de 2022 coûterait 400 millions de dollars.
Il n'est toutefois pas certain que le service internet Starlink permette d'accroître de manière significative la capacité de l'internet sans fil dans les bâtiments où des câbles en fibre optique y donnent déjà accès.
On ne sait pas non plus si les communications de Starlink sont chiffrées. Au minimum, le système permet d'établir un réseau distinct des serveurs existants de la Maison Blanche que les personnes présentes sur le site peuvent utiliser, ce qui permet de séparer les données.
« Il est très rare que Starlink ou un autre fournisseur d'accès à Internet remplace une infrastructure gouvernementale existante qui a été vérifiée et sécurisée », a déclaré Jake Williams, vice-président chargé de la recherche et du développement chez Hunter Strategy, une société de conseil en cybersécurité. « Je n'ai jamais entendu parler d'une telle situation ».
« Cela introduit un autre point d'attaque », a déclaré Williams. « Mais pourquoi introduire ce risque ? »
Un fonctionnaire au courant des discussions sur l'installation de Starlink à la Maison Blanche, qui n'a pas été autorisé à s'exprimer publiquement, a déclaré que les services secrets craignaient que le système Starlink ne passe par le câblage sécurisé existant à la Maison Blanche, qui est utilisé par les services secrets ainsi que par d'autres agences fédérales. Le fait que le service Internet passe désormais par un autre centre de données semble avoir répondu à cette préoccupation.
À la General Services Administration, où l'utilisation de Starlink a été rapportée plus tôt par NBC News, le service a été ajouté à une liste d'applications approuvées pour être téléchargées sur les appareils mobiles de l'agence. Cette liste comprend également les applications de deux autres entreprises dirigées par Musk, X et Tesla, selon des documents vus par le quotidien.
« Seules les applications qui répondent aux normes de sécurité et de confidentialité de la GSA sont autorisées », a déclaré un porte-parole de l'agence dans un communiqué. L'agence a refusé de commenter son utilisation de Starlink.
Musk a exprimé sa frustration face à ce qu'il considère comme une technologie obsolète au sein du gouvernement
Musk a exprimé sa frustration face à ce qu'il considère comme une technologie obsolète au sein du gouvernement et s'est lancé dans un effort de modernisation.
Il a supprimé l'unité de conseil de l'équipe technologique fédérale, connue sous le nom de 18F. L'unité technologique 18F avait pour mission d'aide les autres agences gouvernementales à construire, acheter et partager des produits technologiques. L'unité aurait notamment créé Login.gov, un moyen sécurisé et privé pour le public d'accéder aux services des agences gouvernementales, notamment la sécurité sociale et le département des affaires des anciens combattants.
La décision de supprimer 18F a été annoncée par l'administrateur adjoint de la GSA, Thomas Shedd, par le biais d'un courriel adressé aux membres du personnel concernés. Dans cet e-mail, Shedd a écrit que l'équipe avait été identifiée par le DOGE comme « non critique », ajoutant que les réductions avaient été faites « en conformité avec le décret présidentiel sur l'optimisation des effectifs et le récent mémo de la GSA par l'administration Trump exigeant la réduction des fonctions de “conseil non essentiel” ».
Peu après la prestation de serment de Trump, Musk s'est plaint de la lourdeur d'un système numérique connu sous le nom de WAVES, qui permet aux services secrets d'autoriser les invités à pénétrer dans l'enceinte de la Maison-Blanche. Certains fonctionnaires de la Maison-Blanche ont partagé ce point de vue.
Des responsables de la FAA auraient reçu pour instruction d’accélérer un programme pour déployer des terminaux Starlink pour le contrôle du trafic aérien
Alors qu'Elon Musk s'attaque à la bureaucratie fédérale au nom de « l'efficacité », sa société Starlink semble sur le point de voler un contrat gouvernemental de plusieurs milliards de dollars à Verizon. La Federal Aviation Administration serait sur le point d'annuler un contrat de 2,4 milliards de dollars portant sur la révision du système de communication du système national de contrôle du trafic aérien et de le confier à la filiale de SpaceX.
Le plan Starlink s'ajoute aux conflits d'intérêts existants de Musk à la FAA concernant SpaceX, selon John P. Pelissero, directeur d'un centre d'éthique à l'université de Santa Clara. Pelissero a déclaré qu'il semble que « du fait de la position actuelle de Musk au sein du DOGE et de sa proximité avec Trump, lui et son entreprise bénéficient d'un avantage et obtiennent un contrat ». « Qui veille à l'intérêt public ici lorsque vous avez la personne qui réduit les budgets et le personnel de la FAA, essayant soudainement de bénéficier d'un autre contrat gouvernemental ? », s'est demandé Pelissero.
On ne sait pas exactement comment cela se passerait - si la FAA confierait une partie du travail à Starlink tout en permettant à Verizon de poursuivre ses propres efforts ou si elle annulerait simplement le contrat avec Verizon et l'attribuerait à Starlink. Quelle que soit l'issue, elle ne manquera pas de susciter des accusations de favoritisme, de copinage et de conflits d'intérêts, alors que Musk continue de servir de visage aux efforts déployés par le ministère de l'efficacité gouvernementale (DOGE) pour réduire les dépenses et licencier des travailleurs fédéraux, en dépit des dommages structurels que cela entraîne.
Donald Trump aurait manigancé un plan pour bloquer l'accès à Internet via la fibre des Américains des zones rurales pour aider Musk à obtenir des fonds publics pour Starlink
Evan Feinman est un ancien fonctionnaire du département américain du Commerce. Il dirigeait le programme BEAD (Broadband Equity, Access, and Deployment) depuis 2022. Ce projet, qui bénéficie d'un budget de 42,45 milliards de dollars, s'inscrit dans le cadre de la loi historique sur les infrastructures de l'ancien président Joe Biden. Le programme vise à désenclaver les zones rurales des États-Unis en les dotant d'une connexion Internet haut débit.
Evan Feinman a récemment quitté son poste au sein du ministère et a dénoncé l'orientation que l'équipe du président Donald Trump tente d'insuffler au programme BEAD. Il a envoyé un courriel cinglant à ses collègues pour les mettre en garde contre le passage imminent de la fibre optique à l'Internet par satellite. Selon lui, le plan de l'administration Trump condamnerait les Américains vivant dans les zones rurales à un accès à Internet moins bon et étriqué.
Le courriel de Evan Feinman indique que des millions d'Américains vivant en milieu rural pourraient se retrouver avec des vitesses d'accès à Internet trop lentes si les dispositions du programme BEAD sont modifiées en faveur de Starlink, la société d'Internet par satellite du milliardaire Elon Musk.
Evan Feinman a expliqué : « le fait de laisser tout ou partie de l'Amérique rurale avec un accès à Internet moins bon pour que nous puissions rendre l'homme le plus riche du monde encore plus riche est une nouvelle trahison de Washington ». Il ajoute une nouvelle controverse au rôle d'Elon Musk dans l'administration Trump. Les critiques à son égard frappent de plein fouet sa société de véhicules électriques Tesla, dont la valeur a fondu de 800 milliards.
La loi de 2021 qui a créé le programme BEAD stipule que « le gouvernement doit donner la priorité aux technologies pouvant facilement adapter les vitesses au fil du temps pour répondre aux besoins de connectivité en constante évolution des ménages et des entreprises ; et soutenir le déploiement de la 5G, des technologies sans fil ultérieures et d'autres services avancés ». En d'autres termes, le programme vise des réseaux à l'épreuve du temps.
Sous l'ère Biden, l'administration nationale des télécommunications et de l'information (NTIA) du département du Commerce a décidé que l'architecture en fibre optique était la seule technologie permettant d'atteindre les objectifs du programme BEAD, à savoir la mise en place de réseaux à l'épreuve du temps.
« La fibre apporte la large bande à haut débit aux foyers et aux entreprises et est essentielle pour fournir une liaison de retour afin de soutenir les services sans fil avancés », avait expliqué la NTIA de l'ancien président Joe Biden. Evan Feinman avertit que, si l'initiative est modifiée en faveur de Starlink, les fournisseurs de services sans fil fixes qui utilisent des réseaux terrestres au lieu de satellites seront effectivement exclus du programme BEAD.
Source : Secrétaire de presse de la Maison Blanche
Et vous ?
Quelles garanties de sécurité la Maison-Blanche peut-elle offrir quant à l’utilisation d’un système privé comme Starlink pour ses communications sensibles ?
Comment la cybersécurité du réseau Starlink est-elle auditée par des agences gouvernementales indépendantes ?
L’utilisation d’une infrastructure privée pour les réseaux du pouvoir exécutif ne remet-elle pas en question la souveraineté technologique nationale ?
Le recours à Starlink à la Maison-Blanche envoie-t-il un signal contradictoire à d’autres pays sur la posture américaine en matière d’autonomie numérique ?
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Donald Trump soutient son coprésident Elon Musk et déclare que les attaques contre les concessionnaires Tesla seront traitées comme du « terrorisme », mais son soutien pourrait nuire davantage à Tesla
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