L’un des nouveaux professeurs d’informatique de l’université de Harvard est un chatbot
Il interviendra comme assistant pour le cours introductif d'algorithmes et développement web dénommé CS50
Le cours introductif à l’informatique dénommé CS50 et proposé par l’université de Harvard est en train de faire peau neuve. L’équipe pédagogique (derrière le cours suivi par des centaines d’étudiants sur le campus et 40 000 en ligne) prévoit de mettre à contribution une intelligence artificielle pour noter les devoirs, enseigner le codage et personnaliser les conseils d’apprentissage. La manœuvre à venir suscite des débats à propos de l’impact futur sur la qualité de la formation. En effet, les grandes entreprises technologiques même reconnaissent que l’intelligence artificielle est à un stade de développement qui impose d’en faire usage avec prudence.
La décision de mettre à contribution cette intelligence artificielle tient à ce qu’elle permettra d’alléger la charge de travail de l’équipe pédagogique qui compte une centaine d’assistants, mais qui a de plus en plus de peine à encadrer des étudiants en nombre croissant, se connectant à partir de différents fuseaux horaires et avec des niveaux de connaissance et d’expérience variés.
L'équipe pédagogique est donc en train de peaufiner un système d'intelligence artificielle pour noter les travaux des étudiants et de tester un assistant technique virtuel pour évaluer la programmation des étudiants et leur fournir un retour d'information. L'assistant virtuel posera des questions rhétoriques et proposera des suggestions pour aider les étudiants à apprendre, plutôt que de se contenter de repérer les erreurs et de corriger les bogues de codage. À plus long terme, l’initiative devrait permettre aux enseignants-chercheurs humains d'avoir plus de temps à consacrer aux heures de bureau en personne ou via Zoom.
La nouvelle tombe dans un contexte de division des acteurs du secteur de l’éducation à propos de la mise à contribution ou non des intelligences artificielles génératives.
Certains voient l’intelligence artificielle comme vecteur de la plus grande transformation de l’histoire : des cours personnalisés de haute qualité dispensés sans frais
Sal Khan, le fondateur et PDG de Khan Academy, en fait partie et pense que l’intelligence artificielle pourrait déclencher la plus grande transformation positive que l’éducation n’ait jamais connue. Sal Khan a une vision ambitieuse pour l’avenir de l’éducation : il imagine un monde où chaque élève aurait accès à un super tuteur IA personnalisé qui l’accompagnerait tout au long de son parcours éducatif, lui offrant une expérience d’apprentissage optimale. Il imagine également un monde où chaque enseignant aurait accès à un assistant pédagogique IA qui l’aiderait à gérer sa classe, à préparer ses cours, à évaluer ses élèves et à se former. Il espère ainsi contribuer à démocratiser l’éducation et à libérer le potentiel de chaque individu. Il pense que l’intelligence artificielle peut être un outil puissant pour réaliser cette vision, à condition qu’elle soit utilisée de manière responsable et équitable.
C’est un positionnement qui fait écho à celui de Bill Gates. Le co-fondateur de Microsoft, Bill Gates, a prédit que les chatbots IA pourraient apprendre aux enfants à lire d'ici 18 mois : « Je pense que l'IA a le potentiel de faire une grande différence dans l'éducation », a estimé Gates. « L'un des domaines dans lesquels je suis le plus enthousiasmé par l'IA est l'éducation de la petite enfance. Je pense que les chatbots IA pourraient être vraiment utiles pour apprendre aux enfants à lire ». Gates a souligné que de nombreux enfants ont du mal à apprendre à lire et que cela peut avoir un impact durable sur leurs performances scolaires. Il a déclaré que les chatbots IA pourraient être utilisés pour fournir des instructions personnalisées aux enfants en difficulté, et que cela pourrait les aider à rattraper leurs pairs.
« Au début, nous serons très étonnés de voir à quel point cela aide à la lecture - être un assistant de recherche en lecture - et vous donner des commentaires sur l'écriture », a déclaré Gates.
Historiquement, l'enseignement des compétences en écriture s'est avéré être une tâche incroyablement difficile pour un ordinateur, a noté Gates. Lorsque les enseignants donnent leur avis sur les essais, ils recherchent des caractéristiques telles que la structure narrative et la clarté de la prose. Il s'agit là d'un « exercice hautement cognitif » qui est « difficile » à reproduire dans le code pour les développeurs, selon Gates.
Cependant, la capacité des chatbots IA à reconnaître et à recréer des changements de langage de type humain changent cette dynamique, selon les partisans.
D’autres observateurs sont d’avis qu’un retour aux examens oraux s’impose à l’ère de l’IA et de ChatGPT
Les examens oraux ont été un élément essentiel de l'enseignement universitaire pendant des siècles. Ils offrent aux étudiants une occasion unique de démontrer leurs connaissances et leur compréhension d'un sujet dans un contexte de face-à-face. Contrairement aux examens écrits, les examens oraux permettent aux étudiants d'expliquer leur processus de réflexion et leur raisonnement, et d'engager un dialogue avec leur examinateur. Cela peut être particulièrement bénéfique pour les étudiants qui ont du mal à s'exprimer à l'écrit ou qui ont des difficultés à s'exprimer par écrit. Mais l'examen oral a connu un déclin à partir des années 1700.
Les universités avaient alors commencé à se tourner vers les évaluations écrites. L'examen des épreuves écrites était également un processus silencieux et donnait aux examinateurs suffisamment de temps pour noter dans le confort de leur propre maison. Cela dit, selon certains experts, bien que l'évaluation orale puisse sembler plus efficace et plus rentable, elle a un coût. Les évaluations écrites ne permettent pas de comprendre le processus de réflexion et le raisonnement d'un étudiant comme le font les examens oraux. En outre, ils estiment que les examens écrits ne permettent pas non plus le même niveau d'interaction entre l'étudiant et l'examinateur.
Dobson pense que les choses sont devenues encore plus problématiques ces dernières années lorsque l'utilisation de l'IA et des chatbots d'IA a conduit des universités à abandonner les examens oraux au profit d'examens écrits qui peuvent être notés de façon automatique. L'utilisation de l'IA pour la notation des évaluations a suscité des inquiétudes quant à la précision et à l'équité du processus de notation. Bien que ces technologies aient beaucoup progressé ces dernières années, elles sont toujours sujettes à des erreurs et à des biais. C'est un problème dans les matières qui nécessitent une évaluation subjective, comme la littérature ou la philosophie.
Pour ces raisons, et bien d'autres encore, certains observateurs sont d’avis que les universités devraient revenir aux examens oraux à l'ère de l'IA générative et de ChatGPT. Si l'IA et les chatbots peuvent être des outils utiles pour automatiser certaines tâches, cette catégorie d’intervenants est d’avis que ces technologies ne devraient pas remplacer l'élément humain de l'éducation. Cette dernière est d’avis que les examens oraux offrent une occasion unique aux étudiants de s'engager avec leurs examinateurs et de démontrer leur compréhension d'un sujet d'une manière qui ne peut pas être reproduite par l'IA ou les chatbots. Ceux-ci ajoutent que les examens oraux éliminent d'emblée tous les risques de tricherie.
Source : David J Malan
Et vous ?
Que pensez-vous de cette initiative de l’université de Harvard ?
L’intelligence artificielle peut-elle vraiment remplacer ou compléter le rôle d’un tuteur ou d’un enseignant humain ? N’y a-t-il pas des aspects de l’éducation qui nécessitent une relation humaine, une empathie, une intuition, une créativité, une éthique, qui ne peuvent pas être reproduits ou simulés par une machine ?
L’intelligence artificielle peut-elle garantir une éducation de qualité pour tous ? N’y a-t-il pas des risques d’exclusion, de discrimination, de manipulation, de surveillance, de dépendance, qui peuvent affecter les utilisateurs de ces outils ? Comment assurer la transparence, la fiabilité, la sécurité, la diversité, l’inclusion, la justice, de ces outils ?
L’intelligence artificielle peut-elle s’adapter à tous les contextes et à toutes les cultures éducatives ? N’y a-t-il pas des différences, des spécificités, des besoins, des valeurs, qui varient selon les pays, les régions, les établissements, les disciplines, les niveaux, les élèves, les enseignants ? Comment respecter la pluralité et la singularité de ces contextes et de ces cultures ?
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