30 000 employés de l’industrie informatique en Russie signent une pétition contre l’opération militaire russe en Ukraine
Et rejoignent un mouvement dont la liste des adhérents va croissant

JetBrains – l’éditeur de logiciels pour développeurs dont les fondateurs sont d’origine russe – a lancé le bal en fin de semaine dernière. Son positionnement semble avoir fait écho et c’est désormais 30 000 employés de la filière des technologies en Russie qui ont signé une pétition contre l’opération militaire russe en Ukraine.

L’intégralité de la pétition

Lettre ouverte des représentants de l'industrie informatique russe contre l'opération militaire en Ukraine.

Nous, employés de l'industrie informatique russe, sommes catégoriquement contre une action militaire en Ukraine initiée par les forces armées de la Fédération de Russie.

Nous considérons que toute démonstration de force conduisant au déclenchement d'une guerre est injustifiée et nous demandons l'annulation des décisions qui pourraient inévitablement entraîner des pertes humaines dans les deux camps. Nos pays ont toujours été proches l'un de l'autre. Et aujourd'hui, nous sommes inquiets pour nos collègues, amis et parents ukrainiens. Nous sommes inquiets et moralement oppressés par ce qui se passe actuellement dans les villes d'Ukraine.

Dans notre travail, nous fabriquons les meilleurs produits, le meilleur service, et nous faisons sincèrement tout pour rendre les solutions informatiques russes fières. Nous voulons que notre pays soit associé non pas à la guerre, mais à la paix et au progrès.

Le progrès et le développement de la technologie au profit des personnes sont impossibles dans des conditions de guerre et de menaces pour la vie et la santé ; ils ne sont possibles que dans des conditions de coopération, de diversité de points de vue, d'échange d'informations et de dialogue ouvert.

Nous demandons aux dirigeants de notre pays de tenir compte de notre appel et de trouver des moyens de résoudre cette situation de manière pacifique et d'éviter les pertes de vies humaines.



Un « non aux pertes en vies humaines » déjà lancé par JetBrains

JetBrains est un éditeur de logiciel pour développeurs, dont les populaires EDI IntelliJ IDEA pour le développement Java, CLion pour C/C++ et PyCharm pour Python. Ses fondateurs sont russes. Le siège social de JetBrains est situé à Prague, en République tchèque, mais la société possède deux centres de développement en Russie, notamment à Saint-Pétersbourg et à Moscou. En fin de semaine dernière, JetBrains s'est exprimé contre la décision du Kremlin d'envahir le territoire ukrainien : « En tant que JetBrains, nous condamnons les attaques qui ont lieu. Nous sommes de tout cœur avec le peuple ukrainien, y compris nos propres collègues et leurs familles. »

L'entreprise s'expose de fait à des représailles. En effet, les fondateurs de JetBrains - Sergey Dmitriev et Valentin Kipiatkov - sont russes, mais ont décidé de baser le siège social de la société à Prague. JetBrains semble réservé sur son pays d'origine. « Il n'y a pas de règles claires en Russie. On a cherché un environnement plus sûr pour le siège de la société. Prague l'était alors et l'est toujours aujourd'hui », aurait répondu le PDG Maxim Shafirov au quotidien tchèque E15 à la question de savoir pourquoi la société s'est installée en République tchèque.

Il aurait ajouté que JetBrains s'efforce de travailler avec de bons ingénieurs en Russie (via ses bureaux à Saint-Pétersbourg et à Moscou), mais qu'il préfère détenir des actifs en République tchèque. Cependant, certains observateurs estiment que condamner ouvertement les actions du gouvernement russe pourrait avoir de graves répercussions sur la société, et même les cofondateurs. Selon les observateurs, pour JetBrains, cela pourrait signifier la perte de contrats avec d'autres entreprises russes (progouvernementales), des perquisitions de leurs bureaux russes et des campagnes d'"enquête" ciblées.

L'entreprise pourrait également être déclarée "agent étranger" ou "organisation indésirable", ce qui rendrait toute activité en Russie impossible. Dans le même temps, les observateurs avertissent que l'environnement russe des affaires et le conflit actuel entre la Russie et l'Ukraine pourraient accentuer la fuite de talents technologiques vers d'autres pays de l'Asie, l'Europe de l'Est ou l'Occident. Selon ces derniers, les technologues russes se défendent souvent contre le gouvernement russe, ou tentent de le contourner dans les limites fixées.

Le fondateur des services Vkontakte (la version russe de Facebook) et Telegram Pavel Durov a quitté le pays, après que les autorités russes lui ont demandé de fournir des informations sur des manifestants ukrainiens entre 2013 et 2014. Il a quitté la Russie en avril 2014 pour une destination inconnue et définit son départ comme "sans retour". Plus tard, il aurait déclaré qu'il est parti parce que : « la Russie est à ce jour incompatible avec le modèle de développement économique des startups de l'Internet ».

Le 25 août 2021, Pavel Dourov est naturalisé français. L'on trouve également un certain nombre d'ingénieurs russes dans la Silicon Valley, en Israël et dans les régions technologiques du monde. Par ailleurs, les analystes estiment que les actions de la Russie en Ukraine risquent d'avoir des répercussions sur la société de cybersécurité Kaspersky Lab. Son fondateur et directeur, Eugène Kaspersky, est soupçonné depuis longtemps d'entretenir des relations avec les services secrets russes, le FSB, et d'autres forces de l'État russe. Les Pays-Bas et États-Unis ont même interdit l'utilisation de l'antivirus Kaspersky en 2018.

Source : Pétition

Et vous ?

Quel est votre avis sur le sujet ?

Voir aussi :

Le président russe Vladimir Poutine peut faire beaucoup plus de dégâts en Ukraine et l'administration Biden pourrait priver le pays d'une vaste gamme de produits de basse et haute technologie

L'Ukraine fournirait 90 % du néon utilisé dans la fabrication des semiconducteurs aux États-Unis, et l'invasion russe pourrait entraver les problèmes de l'industrie américaine des puces

Les sites web du gouvernement ukrainien ne sont pas accessibles, alors que l'Ukraine est bombardée de cyberattaques dans le cadre de l'invasion russe