Les Big Tech devraient payer les FAI pour moderniser leurs réseaux,
affirment les opérateurs de télécommunications, dont Orange pour la France
Les opérateurs de télécommunications se plaignent depuis longtemps d'avoir dépensé une fortune pour construire les réseaux de données du monde entier et de voir les géants Américains de la technologie en tirer la plus grande partie des bénéfices. Dans une annonce publiée le 29 novembre, les PDG de 13 grandes sociétés de télécommunications européennes, dont Orange pour la France, ont appelé les géants de la technologie y compris Netflix et d'autres grandes sociétés américaines à supporter une partie des coûts de mise à niveau des réseaux des fournisseurs d'accès à Internet (FAI) en Europe.
« Nous, les PDG des principales entreprises de télécommunications européennes, appelons les décideurs politiques de l'UE à aligner étroitement les ambitions numériques de l'Europe sur un écosystème politique et réglementaire favorable. Le rôle mondial de l'Europe ne peut se limiter à l'achat et à la réglementation des technologies construites par d'autres : nous avons maintenant besoin d'une action concrète et immédiate pour saisir l'opportunité et alimenter davantage l'innovation technologique inclusive », ont déclaré les CEO des sociétés de télécommunications européennes, membre de l’association des opérateurs de télécommunication européenne.
Le plaidoyer présenterait un argument similaire à celui qu'AT&T et d'autres fournisseurs d'accès à Internet basés aux États-Unis ont parfois avancé au cours des 15 dernières années, à savoir que les entreprises technologiques qui fournissent du contenu sur Internet bénéficient d'un traitement "gratuit" et devraient subventionner le coût de la construction des réseaux du dernier kilomètre qui relient les foyers à l'accès à large bande. Ces arguments ne mentionnent généralement pas le fait que les géants de la technologie paient déjà leurs propres coûts de bande passante Internet et que Netflix et d'autres ont construit leurs propres réseaux de diffusion de contenu pour aider à fournir le trafic que les clients de l'Internet à domicile choisissent de recevoir.
La déclaration conjointe des Fournisseurs d'Accès Internet européen du 29 novembre a été signée par les PDG d’Orange Group, KPN, Altique Portugal, Deutsche Telekom, BT Group, Telia Company, Telefónica, Vodafone Group, Swisscom, A1 Telekom Austria Group, Vivacom, Proximus Group et Telenor Group, qui sont regroupés autour d'une association denomée European Telecommunications Network Operators’ Association (ETNO). Voici, ci-dessous, un extrait de la déclaration des dirigeants.
ETNO est la voix des opérateurs de réseaux de télécommunications européens depuis 1992 et est devenu le principal groupe politique des opérateurs de réseaux de communications électroniques européens. Ses 40 membres et observateurs d'Europe et d'ailleurs constituent l'épine dorsale du progrès numérique de l'Europe. Les membres de l'ETNO sont des opérateurs paneuropéens qui occupent également des positions de nouveaux entrants en dehors de leurs marchés nationaux. L'association rassemble les principaux investisseurs dans des plateformes et services de communications électroniques innovants et de haute qualité, représentant 70 % de l'investissement total du secteur.
« Notre secteur investit massivement pour mettre de nouveaux réseaux numériques à la disposition de tous les Européens : l'investissement total dans les télécommunications atteint désormais 52,5 milliards d'euros par an en Europe, soit le plus élevé depuis six ans », ont déclaré les chefs d’entreprises de l’Europe. « Nous prenons des mesures décisives en matière de changement climatique en anticipant nos propres objectifs de neutralité climatique, mais aussi en facilitant l'adoption massive des TIC : cela peut permettre de réduire jusqu'à 15 % les émissions de CO2 dans l'ensemble de l'économie », ont-ils ajouté.
Pour les dirigeants des sociétés de télécommunications européennes, il faut mettre fin aux prix élevés du spectre et aux ventes aux enchères qui forcent artificiellement des entrants non viables sur le marché. Les idées récentes visant à modifier une proposition de la Commission européenne en étendant la réglementation des prix de détail aux appels internationaux un marché concurrentiel où de nombreuses alternatives gratuites existent seraient en contradiction avec les objectifs de la Décennie numérique : « nous estimons qu'elles retireraient de force au secteur plus de 2 milliards d'euros de revenus sur une période de 4 ans, ce qui équivaut à 2,5 % de la capacité d'investissement annuelle du secteur dans les infrastructures mobiles », précisent les chefs d’entreprise.
Ces derniers estiment que le travail politique en cours sur la réduction du coût du déploiement est essentiel et l’effort pour rééquilibrer la relation entre les géants mondiaux de la technologie et l'écosystème numérique européen. Une part importante et croissante du trafic sur le réseau est générée et monétisée par les grandes plateformes technologiques, mais cela nécessite des investissements continus et intensifs dans le réseau et une planification par le secteur des télécommunications.
Selon les sociétés de télécommunications européennes, le modèle qui permet aux citoyens de l'UE de profiter des fruits de la transformation numérique ne peut être durable que si ces grandes plateformes technologiques contribuent également de manière équitable aux coûts du réseau. En outre, l’Europe doit veiller à ce que les nouvelles stratégies industrielles permettent aux acteurs européens y compris les opérateurs de télécommunications d'être compétitifs dans les espaces de données mondiaux, afin qu’ils puissent développer une économie européenne des données fondée sur de véritables valeurs européennes.
Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Alphabet (anciennement Google) les entreprises connues sous le nom de Big Tech sont les plus grandes entreprises technologiques du monde. Et pendant des années, les dirigeants de l'industrie des télécommunications ont discrètement rouspété sur la façon dont ces entreprises ont réussi à engranger des bénéfices incroyables sur les réseaux qu'elles ont créés. Toutefois, certaines de ces mêmes entreprises technologiques hébergent les services réseau de base des opérateurs dans leurs opérations de cloud computing.
Netflix est un élément de plus en plus important dans les offres groupées de prix de nombreux opérateurs. Apple et Google ont contribué à développer un écosystème de smartphones qui a fait des connexions 4G un élément essentiel de la vie quotidienne de la plupart des gens. Au États-Unis, Dish Network prévoit de placer la grande majorité de son logiciel de réseau dans le cloud d'Amazon, tandis qu'AT&T a récemment annoncé qu'il allait décharger ses opérations de réseau 5G de base dans le coud de Microsoft.
En France, Orange et Capgemini ont annoncé leur partenariat en vue de la création d'une nouvelle société spécialisée dans le « cloud de confiance », baptisée Bleu. En partenariat avec Microsoft, Bleu proposera mettra à disposition de ses clients les solutions sécurisées cloud du géant américain, en l'occurrence les suites de collaboration et de productivité Microsoft 365 ainsi que l'ensemble des services de la plateforme cloud Microsoft Azure.
« Les services de télécommunications sont de plus en plus intégrés dans des écosystèmes concurrents plus larges, basés autour de plateformes », a déclaré Cathryn Ross, directrice des affaires réglementaires de l'entreprise de télécommunications dominante en Grande-Bretagne. « Dans ce contexte, le client final pourrait ne pas avoir de relation avec le fournisseur de connectivité, mais plutôt avec, disons, Apple, Google ou Amazon, qui fourniraient la connectivité dans le cadre d'une offre groupée plus large », avait indiqué Ross lors d'une conférence tenue à l'Institute of Directors de Londres, à laquelle ont assisté des personnalités du secteur, des régulateurs, des économistes et des avocats.
Les entreprises technologiques ont cherché à développer leurs propres systèmes de communication, Facebook expérimentant des drones et des satellites et Alphabet, la société mère de Google, essayant de construire des réseaux à large bande ultra-rapides aux États-Unis avec Google Fiber et même l'internet dans les zones rurales grâce à des ballons.
La lettre montre que les PDG des principales entreprises de télécommunications européennes télécommunications craignent que les Big Tech ne rachètent et ne revendent l'accès au réseau conventionnel, en ajoutant des paquets de données aux abonnements vidéo, à la musique et à d'autres contenus sur une seule facture et en rompant le lien entre les entreprises de télécommunications et leurs clients.
Source : ETNO
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