Les grandes entreprises technologiques "sous-déclarent" leur empreinte carbone
elles omettent en moyenne de divulguer environ la moitié de leurs émissions
L'Université technique de Munich a récemment publié une étude qui, dans ses conclusions, accuse les géants du numérique - comme IBM, Google et SAP - de falsifier les chiffres réels de leur empreinte carbone. À l'heure où le rôle des grandes entreprises dans le changement climatique fait l'objet d'une vive polémique, l'étude met en évidence des incohérences dans la manière dont les entreprises technologiques déclarent leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). L'étude, qui a porté sur 56 entreprises technologiques, a révélé qu'en moyenne, ces sociétés ont omis de divulguer environ la moitié de leurs émissions.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent atteindre le niveau net zéro vers le milieu du siècle pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Ce défi de la décarbonisation a notamment accru la pression politique et sociétale sur les entreprises pour qu'elles divulguent leur empreinte carbone. En réponse, plusieurs entreprises ont annoncé des feuilles de route pour devenir neutres en carbone, voire négatives. De Google à Facebook en passant par SAP et Huawei, la plupart des géants du numérique ont prévu d'accélérer la transition vers les énergies vertes, notamment les énergies renouvelables, propres et durables.
En outre, l'empreinte carbone est une mesure que les investisseurs considèrent désormais comme importante, car ils sont de plus en plus attirés vers les entreprises qui travaillent à mettre en place une informatique verte (ou responsable). Le fait que leurs émissions de gaz à effet de serre ont un impact sur l'environnement est vrai et, alors que les entreprises publient continuellement leur rapport de production, une étude publiée vendredi par un groupe de chercheurs de l'université technique de Munich a révélé que les données qu'il contient ne sont peut-être pas aussi précises qu'elles le laissent croire.
L'étude suggère que les entreprises sous-déclarent leurs émissions de gaz à effet de serre. Le rapport est basé sur trois types d'émissions qui représentent une grande partie de l'empreinte carbone des entreprises, comme les voyages d'affaires, les déplacements entre les clients et l'utilisation des produits. Il a révélé qu'il existait des incohérences dans la manière dont les entreprises déclarent leurs émissions et leurs empreintes carbone. Les conclusions des chercheurs se basent sur une enquête menée auprès de 56 entreprises. Ils ont révélé que plus de la moitié d'entre elles présentaient des rapports d'émissions moyens incohérents.
Christian Stoll, l'un des auteurs, de l'étude a déclaré que même des grands noms comme Alphabet, IBM et SAP ont présenté des données inexactes. Google, l'une des principales forces du monde de la technologie, et sa société mère Alphabet, étaient pourtant cohérents en présentant toujours des données sur leurs émissions et leur empreinte carbone, mais ces données étaient très insuffisantes. Selon les auteurs de l'étude, l'entreprise a omis d'ajouter un grand nombre d'autres émissions qui auraient dû être comptabilisées. Dans le même temps, d'autres entreprises auraient présenté leur empreinte carbone différemment selon le public visé.
Elles ont également exclu des émissions qui auraient dû être incluses. L'étude révèle qu'IBM a fourni des rapports de son côté, mais ceux-ci étaient insuffisants et ont été gérés et rapportés différemment en fonction de l'audience pendant cette période. Selon l'étude, qui a été publiée dans la revue Nature Communications, il est évident que les entreprises ont agi ainsi pour faire bonne figure aux yeux des investisseurs. Les auteurs ont suggéré des moyens pour les entreprises d'améliorer leurs rapports sur les émissions et estiment qu'elles doivent également s'efforcer de réduire leur empreinte carbone et leurs émissions.
Laura Draucker, responsable principale des émissions de gaz à effet de serre des entreprises chez Ceres, a déclaré qu'elle partageait la conclusion de l'étude selon laquelle la divulgation des émissions par les entreprises doit être améliorée. « Toutefois, nous ne pouvons pas attendre des données parfaites. Les entreprises peuvent utiliser des estimations et des outils de dépistage pour identifier les points chauds du risque climatique tout au long de leur chaîne de valeur, et elles peuvent fixer des objectifs et prendre des mesures dès maintenant pour atteindre ces objectifs », a déclaré Draucker, qui n'a pas participé à l'étude.
Les conclusions de cette étude reflètent celles d'une étude publiée en septembre qui indiquent que l'empreinte carbone de l'informatique mondiale est plus importante que les estimations précédentes. Elle génèrerait plus de gaz à effet de serre que l'industrie aéronautique. L'étude a estimé que l'informatique mondiale - comportant les téléphones, ordinateurs, télévisions et les centres de données - génère entre 2,1 et 3,9 % des émissions mondiales de GES, contre 2,5 % pour l'aviation civile. Et au regard de la façon dont le monde est de plus en plus connecté, ces émissions continueront d'augmenter de manière significative si aucune mesure n'est prise.
L'étude a été réalisée par une équipe de chercheurs de l'université de Lancaster, au Royaume-Uni, et de Small World Consulting Ltd, une société de conseil en développement durable. Lorsque les chercheurs ont analysé les tentatives antérieures de calcul de l'empreinte carbone des TIC, ils ont constaté que les scientifiques n'avaient pas tenu compte de l'ensemble du cycle de vie et de la chaîne d'approvisionnement des produits et des infrastructures des TIC. Cela inclut, par exemple, les émissions lors de la fabrication des produits et des équipements des TIC ; le coût du carbone associé à tous leurs composants, etc.
Il cite également l'empreinte carbone opérationnelle des entreprises qui les fabriquent ; l'énergie consommée lors de l'utilisation des équipements ; et leur élimination une fois qu'ils ont rempli leur fonction. Même si les scientifiques situent désormais la part réelle des TIC dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre entre 2,1 et 3,9 %, ils soulignent que ces calculs comportent encore des incertitudes importantes. Et bien qu'il soit difficile de faire des comparaisons, ces chiffres suggèrent que les TIC produisent des émissions supérieures à celles du secteur de l'aviation, qui représentent environ 2 % des émissions mondiales.
En outre, l'étude met en garde contre les nouvelles tendances en matière d'informatique et de TIC, telles que le Big Data et l'IA, l'Internet des objets (IdO), ainsi que la blockchain et les cryptomonnaies, qui risquent d'entraîner une nouvelle augmentation substantielle de l'empreinte des TIC en matière de gaz à effet de serre. Les chercheurs ont reconnu que plusieurs géants mondiaux de la technologie ont fait des déclarations sur la réduction de leur empreinte climatique, mais ont toutefois affirmé que ces promesses ne sont pas assez ambitieuses et qu'il n'est sûr que l'autorégulation du secteur permette d'atteindre le Net Zéro d'ici 2050.
À ce propos, Draucker a déclaré que les propres recherches de Ceres, une société de recherche commerciale à but non lucratif, ont montré que beaucoup des plus grandes entreprises américaines n'ont pas d'objectifs climatiques ambitieux. Les chercheurs de l'université de Lancaster et de Small World Consulting Ltd s'accordent à dire que l'introduction de limites mondiales pour le carbone éliminerait les préoccupations relatives aux "effets de rebond", de sorte que les gains d'efficacité liés aux TIC pourraient être réalisés sans coûts supplémentaires liés au carbone.
Ils mettent également en garde contre une dépendance excessive à l'égard des énergies renouvelables dans les calculs relatifs aux futures émissions de gaz à effet de serre des TIC, en raison de l'approvisionnement limité en produits de base essentiels, tels que l'argent, qui est nécessaire pour fabriquer des panneaux solaires. Le Dr Kelly Widdicks, coauteur de l'étude, a déclaré : « Le secteur des TIC doit faire beaucoup plus pour comprendre et atténuer son empreinte, au-delà de la transition vers les énergies renouvelables et des objectifs volontaires de réduction des émissions de carbone ».
« Nous avons besoin d'une base de données complète sur l'impact environnemental des TIC, et de mécanismes permettant de garantir une conception responsable des technologies, conforme à l'accord de Paris », a déclaré Widdicks.
Source : rapport de l'étude
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