Numéros d'urgence : une « défaillance logicielle » potentiellement à l'origine de la panne d'Orange,
Des « dysfonctionnements inacceptables » pour le ministre Darmanin
Six sites redondants d’Orange, sur lesquels repose l'infrastructure de réseau critique chargée d'acheminer tous les appels entrants provenant de téléphones fixes ou portables vers les numéros d'urgence, sont tombés en panne au même moment mercredi. La panne de réseau de la plus grande entreprise de télécommunications française a empêché les appels d'urgence pendant plusieurs heures. Ce qui a mis sous pression Stéphane Richard, le patron de la société, les autorités pointant Orange du doigt et qualifiant l’incident comme « grave et inacceptable ». La perturbation des services téléphoniques d'urgence a été entièrement réparée jeudi et Orange a présenté "ses plus vives excuses".
Le dysfonctionnement technique qui a affecté mercredi à partir de 16h45 les réseaux de l’opérateur Orange est d’autant plus grave que c’est vers lui que converge l’ensemble des numéros d’urgence de tous les opérateurs. Le gouvernement est aussitôt monté au créneau. « C'est trop tôt pour faire un bilan, mais évidemment on est très préoccupés », a réagi le président français Emmanuel Macron, en déplacement dans le département du Lot. Plus tôt dans la matinée jeudi, le ministre de la Santé Olivier Véran avait affirmé qu'une dizaine de régions étaient toujours affectées. Il a également déclaré qu'il était trop tôt pour dire s'il y avait un lien entre la panne et les trois ou quatre décès enregistrés pendant cette période.
Quant à Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, alors que cet incident est qualifié d’« inédit » en France. « La panne des numéros d’urgence survenue hier est grave et inacceptable », a-t-il indiqué jeudi matin lors d’une conférence de presse. « Il existe d’abord une obligation de résultat de tous les opérateurs dans l’acheminement des numéros d’urgence en vertu du code des Postes et Télécommunications électroniques », a-t-il rappelé. C’est sur cette base que l’État « a mis en demeure Orange de rétablir les télécommunications le plus rapidement possible ».
Une cellule interministérielle de crise a été misse en place jeudi pour faire le point de la situation, alors que Stéphane Richard, le PDG d'Orange, a été reçu auparavant par Gérard Darmanin, le ministre de l'Intérieur, qui a également qualifié le problème de "grave et inacceptable". La perturbation des services téléphoniques d'urgence a débuté mercredi après-midi lorsque de nombreux centres d'appels d'urgence du SAMU, des pompiers ou de la police ont rencontré des difficultés techniques les empêchant d'être joignables et de remplir leurs missions. Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’incident s’est atténué et a été entièrement résolu dans le courant de la journée de jeudi.
« La situation est maintenant totalement revenue à la normale. Tout le trafic sur les numéros d'urgence est normal sur l'ensemble du territoire national », a déclaré Richard à la radio RTL, en réitérant ses excuses aux personnes touchées. Il a également présenté ses excuses dans un tweet. Avant de les renouveler lors du Journal de 13h de TF1 :
La panne survient un jour après qu'un procureur français a déclaré aux juges de la cour d'appel de Paris que Stéphane Richard devrait être condamné à trois ans de prison pour son implication présumée dans un paiement compensatoire contesté effectué par l'État en 2008. Richard serait impliqué dans une affaire concernant la vente de la participation de l'ancien homme d'affaires français Bernard Tapie dans l'entreprise de vêtements de sport Adidas en 1993 au Crédit Lyonnais, alors détenu par l'État, et la compensation qu'il a obtenue pour cette transaction 15 ans plus tard.
Richard est accusé de complicité dans le paiement contesté. Il travaillait comme chef de cabinet de Christine Lagarde, alors ministre des Finances, au moment où il a été effectué. Richard a nié les allégations, affirmant qu'il faisait son travail et qu'il n'a joué qu'un rôle secondaire dans la procédure d'arbitrage au cours de laquelle Tapie s'est vu attribuer 403 millions d'euros (491,62 millions de dollars) dans le cadre du règlement financé par l'État. Les juges entendront les plaidoiries des avocats de Richard et d'autres personnes à partir de la semaine prochaine.
Une "défaillance logicielle" serait à l’origine de l’incident des numéros d’urgence
Si les autorités ont pointé du doigt la responsabilité d'Orange, affirmant que la panne serait survenue suite à une maintenance de l'opérateur historique, ce dernier a de son côté évoqué qu’une défaillance logicielle est à privilégier. Selon le ministre de la santé Véran, interrogé au journal de 20h mercredi, il s’agirait d’une erreur de maintenance chez l’opérateur. Un ou plusieurs routeurs auraient été changés et l’opération se serait mal déroulée. Dans les faits, il s'agit de six sites, situés sur tout le territoire et tous redondants, l'un pouvant prendre la place de l'autre en cas de problème.
« Il s'agit d'une défaillance logicielle (...) un véritable problème technique extrêmement rare », a déclaré Richard, soulignant que l'ensemble du système était doté d'un niveau de sécurité très élevé. Cette défaillance logicielle s'est produite dans un équipement de réseau critique chargé d'acheminer tous les appels entrants provenant de téléphones fixes ou portables vers les numéros d'urgence. Le patron d'Orange a déclaré que, pour une raison encore inconnue, les six sites redondants sur lesquels repose l'infrastructure sont tombés en panne au même moment.
Fabienne Dulac, PDG d'Orange France, a écarté la piste d’une cyberattaque évoquée par certaines personnes et a confirmé la thèse de « défaillance logicielle ». « L'analyse est en cours. Il n'y a pas de raison de suspecter une attaque informatique. Il s'agit plutôt d’une défaillance logicielle », a-t-elle précisé. « Des centaines de personnes » ont été mobilisées chez Orange pour faire face à la crise. Elles ont d'abord œuvré au rétablissement du service avant de veiller à sa stabilisation. Ce n'est que dans un second temps que les investigations pour comprendre les origines de la crise vont réellement commencer.
Alors que la situation a été annoncée stable jeudi matin, Olivier Véran a appelé la population « à se rendre sur le site Internet de leur préfecture pour appeler les numéros locaux ». Il a demandé aux utilisateurs de renouveler leur appel en cas d'échec, d'essayer de passer leur appel via un mobile ou encore d'utiliser des numéros temporaires mis en place par les services d'urgence. Si le réseau « fonctionne depuis minuit », celui-ci reste « sous surveillance avec une vigilance accrue notamment aux heures de pointe des appels compte tenu d’un résidu d’instabilité sur les équipements », a précisé la direction de l'opérateur.
Cédric O et le ministre de l’Intérieur ont eux aussi appelé les Français à continuer à s'appuyer sur ces numéros temporaires. « Si la situation est en voie d’amélioration, des perturbations persistent de manière aléatoire. Dans ces conditions, la cellule interministérielle de crise a décidé de maintenir les numéros alternatifs jusqu’à demain matin, pour ceux qui éprouveraient encore des difficultés à joindre un service d’urgence sur les numéros classiques ».
Un audit externe diligenté
Fabienne Dulac a déclaré que 20 % des appels vers les services d'urgence ont échoué en moyenne, ce qui a incité les autorités françaises à mettre en place à la hâte des numéros d'urgence alternatifs qu'elles ont fait connaître sur les médias sociaux. Certains appels vers les lignes fixes, au-delà de ceux passés vers les services d'urgence, ont également été affectés par la panne, ont indiqué les rivaux français SFR et Bouygues Telecom sur Twitter. François Braun, le président de Samu-Urgences, l'organisation centrale des services médicaux d'urgence, a déclaré à la chaîne d'information BFM TV qu'un tiers des appels passés à ses services avaient échoué.
Le ministre des Affaires numériques, Cédric O, a déclaré que l'État, qui est le principal actionnaire d'Orange, allait ouvrir une enquête sur les causes de la panne, qui, selon Orange, a touché sporadiquement les appels vers les services d'urgence dans plusieurs régions. Une chose est sûre, c’est qu’ Orange va devoir s’expliquer davantage.
« Orange devra nous présenter évidemment son analyse des causes des dysfonctionnements d’hier soir ». Mais Cédric O précise, qu’en outre, l’Etat va lui-même mener son enquête. « Le Premier ministre a demandé à Gérald Darmanin et moi-même de diligenter un audit externe des services et inspections de l’État », afin que la lumière soit faite tant sur les causes et circonstances de l’incident que sur ses « modalités de remontée d’informations ». « Il nous faudra mettre en place toutes les mesures de correction nécessaires afin que cet incident ne se reproduise plus », a conclu Cédric O.
La question de la responsabilité se posera aussi au regard du bilan humain de cette panne géante. Dans sa conférence de presse, Gérald Darmanin a fait état de trois personnes décédées en lien avec cette affaire. Une dans le Morbihan, victime d’un AVC et deux autres à la Réunion. Cependant, le ministre souligne qu’il est encore trop tôt pour dresser un bilan définitif.
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