Venant d'une famille de routiers (je suis l'un des très rares à pas avoir choisi cette voie et préféré les livres), je trouve le comportement d'Amazon honteux, d'une part (mais bon, venant d'Amazon, on avait l'habitude, ce qui est plutôt grave je dois dire...) et d'autre part très dangereuse.
Voici la vie d'un routier dans sa globalité (je tire cette expérience de mon vécu, parce que je suis aussi parti sur les routes pour découvrir le métier, et ce que je vous livre ici n'est pas pris sur un seul exemple mais sur une 20ène.) :
D'abord, sachez que routier, c'est une grande famille, un peu comme les motards. Une partie son cibistes (utilisateur de la Citizen-Band pour ceux qui ne connaissent pas.), ce qui leur permet de se prévenir mutuellement des dangers, bouchons, radars, gibier sur la route, etc... Une sorte de waze mais en mieux parce que j'ai déjà vécu l'appel de détresse d'un routier qui était sur le point de s'endormir alors qu'il lui restait de la route à faire. Les chauffeurs se sont mobilisés alors qu'ils le connaissaient pas, l'ont fait parler, l'ont occupé pendant une heure, à tour de rôle jusqu'à ce que l'heure soit écoulée et qu'il puisse enfin se reposer. Ça peut vous paraitre absurde, mais ils n'ont pas le choix, ils sont fliqués par un tachygraphe ou un chronotachygraphe qui enregistre tout et un non respect se traduit généralement par une sanction de l'employeur dans le meilleur des cas, d'une amende par le contrôle dans le pire des cas et les enregistrements sont stockés pendant 10 ans. C'est à dire que pendant 10 ans, ils peuvent encore être amendés.
La vie d'un routier se divise en trois catégorie.
Il y a le routier régional, celui qui ne dépasse pas les frontières de la région. Celui-ci peut se permettre de rentrer chez lui tous les soirs ou tous les deux soirs si la région est grande (comme le Rhône-alpes par exemple) ou si la région comporte beaucoup de grosses villes (je pense à la nouvelle-aquitaine maintenant, un chauffeur qui n'habite pas Bordeaux pourrait très bien y rester coincé et devoir dormir dans son camion).
Ensuite, il y a le chauffeur national, celui qui peut livrer Brest un jour et partir pour Marseille le lendemain. (Je schématise, généralement les tournées sont organisées pour éviter ce genre de chose mais ça peut arriver, dans le cas d'un accident ou d'un chauffeur malade). Celui là rentre généralement uniquement à la fin de sa semaine et passe sa vie seul dans son camion, les contacts sociaux se limitent à la livraison de marchandise et la machine à café d'une station avec d'autres chauffeurs (et la CB, prononcez cibi, s'il en possède une).
Enfin vous avez le chauffeur international, celui-là part de France et va en Allemagne, en Italie, en Angleterre, et il en existe qui font les trajets jusqu'en Russie. Les conditions de vie et de solitudes sont pire encore.
Ça peut vous sembler normal mais quand on est dans la cabine d'un camion, c'est la maison. La plupart des routiers d'ailleurs entretiennent leur camion comme un bijoutier entretiendrait ses vitrines et ses diamants. Toujours nickel, et certains ont même des chaussons pour l'intérieur de leur cabine et refuse de laisser monter quelqu'un pour éviter de tout saloper.
[Petit aparté : pendant le confinement, leur qualité de vie s'est encore dégradé : l'accès aux douches et aux toilettes étaient interdites aux routiers dans les dépôts, généralement les seuls endroits ou ils avaient accès aux sanitaires, et c'est toujours le cas pour certains...]
Il y aurait beaucoup d'autre choses à dire sur leur vie quotidienne mais l'essentiel pour cette infos : le camion est un lieu privé ou toute leur vie s'y déroule.
Une caméra à cet endroit est déjà une violation du privée. C'est un peu comme si Amazon venait installer une caméra chez vous pour étudier votre vie et votre comportement et choisir ce que vous devez acheter pour bien être équipé.
Une idée qui leur viendra certainement à l'avenir...
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