Le Commissaire européen au Marché intérieur exclut toute interdiction de TikTok en Europe,
Même s’il comprend les inquiétudes de Donald Trump, notamment concernant les données

Il y a déjà plusieurs mois que le gouvernement américain est entré en guerre contre TikTok, la populaire application chinoise qu'il accuse de dérober les données des Américaines pour le compte de Pékin. Une posture qui trouve écho outre-Atlantique. Mardi, le Commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a déclaré qu'il comprenait les inquiétudes de Donald Trump vis-à-vis de TikTok. « L'administration Trump a raison de vouloir garder la main sur les données américaines », a estimé Thierry Breton lors d'une interview accordée à Politico.

Aux États-Unis, l'avenir de TikTok, l’application de création et partage de contenu, est menacé si dans les semaines qui arrivent, le groupe ByteDance ne parvient pas à conclure un accord avec une entreprise américaine pour le rachat de ses activités en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Comme ce fut le cas avec Huawei, on peut se demander si la volonté de l'administration Trump ne peut pas se propager jusqu'en Europe. Alors que le gouvernement américain interdisait le géant chinois de la télécommunication, les autorités américaines avaient sensibilisé les pays alliés sur le danger que représente Huawei pour la sécurité, et avaient demandé de bannir la société.

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Lors de l’interview, le haut fonctionnaire de l’Union européen a affirmé comprendre les inquiétudes du président américain Donald Trump s'agissant notamment des données ponctionnées par l'application chinoise qui, rappelons-le, est accusée par Donald Trump de stocker les données des utilisateurs américains pour les transmettre, ensuite, au renseignement de l'empire du Milieu. Une affirmation jusqu'ici pas encore prouvée. « L'administration Trump a raison de reconnaître enfin qu'il existe une propriété sur les données. Mais pour nous, ce n'est pas nouveau », a déclaré Thierry Breton à Politico. « Je ne souhaite interdire aucune application», a-t-il assuré.

Accusant d'espionnage l'application la plus populaire en ce moment, Washington exige que les activités de TikTok aux États-Unis soient vendues à une société américaine. Dans le cas contraire, elle sera interdite. ByteDance est actuellement en pourparlers pour vendre ses activités aux États-Unis, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Australie. La société aurait choisi un prétendant et pourrait faire une annonce cette semaine, selon Politico, mais cette future transaction devra être formellement autorisée par Pékin, en application d'une loi récemment adoptée. Un véritable panier de crabes, d'autant plus que ByteDance se trouve attaqué de toutes parts.

En effet, il peut falloir jusqu’à 30 jours pour obtenir un accord préliminaire en vue d’exporter une technologie concernée par les nouvelles règles décidées par la Chine sur les exportations dans le domaine de la technologie. Par ailleurs, Microsoft, Oracle ainsi que d'autres entités américaines intéressées par le rachat des activités US de TikTok pourraient se voir refuser la vente ou faire face à un processus d’achat long et pénible dans l’optique de les décourager.

Les inquiétudes autour de TikTok ont été renforcées par des révélations dans le Wall Street Journal au début du mois d'août. Le journal a révélé que TikTok aurait récupéré les adresses MAC de milliers d'utilisateurs en utilisant une faille dans le système d'exploitation Android. Ces identifiants uniques sont utilisés par les appareils électroniques lorsqu'ils se connectent aux réseaux, et sont utilisés pour la publicité ciblée, car ils permettent de reconnaître facilement un appareil mobile. Ces méthodes ne sont certainement pas à admettre, mais pas nécessairement pires que celles utilisées par certaines entreprises comme Facebook, Google et bien d'autres.

« Les données européennes devraient être stockées et traitées en Europe »

Comme les États-Unis ont adopté une position ferme sur TikTok dans le contexte de la rivalité géopolitique avec la Chine, il n'y a pas eu de signes immédiats que l'Europe suivra l'exemple de Washington. Les gouvernements européens ne cherchent pas à restreindre l'application de partage vidéo pour l'instant et M. Breton a exclu mardi une interdiction à l'échelle européenne. Il a toutefois insisté sur l'importance de la manière dont les données sont stockées et traitées.

« Je ne cherche pas à interdire une entreprise, mais à expliquer très clairement quelles sont nos règles... Mais le sujet principal est celui des données », a-t-il déclaré. « Les données européennes devraient être stockées et traitées en Europe parce qu'elles appartiennent à l'Europe. Cela n'a rien de protectionniste », a-t-il ajouté, faisant référence non seulement à TikTok mais aussi à d'autres entreprises.


Conscient de ces enjeux, TikTok a récemment annoncé son intention d'ouvrir un centre de données à Dublin, capitale de l'Irlande, sur le sol de l'Union européenne, et ville concentrant le siège européen de la plupart des géants technologiques. Représentant un investissement de 420 millions d'euros, le centre de données devrait être opérationnel début 2022. « Les données de tous les utilisateurs européens y seront stockées », assure TikTok qui cherche sûrement à éviter les foudres de la Commission européenne, très soucieuse du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD).

En ce qui concerne la France, c'est la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) qui a décidé d'ouvrir une enquête sur TikTok. « Les principaux points d'attention soulevés par la CNIL sont les problèmes d'information des personnes, ceux des modalités d'exercice des droits, les flux hors Union européenne, les mesures prises à l'égard des mineurs, avec lesquels l'application est très populaire », a précisé l'autorité chargée de la protection de la vie privée le 11 août, d’après Reuters.

En clair, l'application chinoise de partage de vidéos fait l'objet d'investigations du gendarme français des données personnelles, qui s'interroge sur plusieurs points, dont la manière dont l’entreprise communique avec les utilisateurs et la protection des enfants, mais aussi les modalités de son établissement dans l'Union européenne notamment sur le projet de TikTok d’établir un data center au sein de l’Union européenne (en Irlande) pour la gestion des données des utilisateurs européens.

« Pour ne relever que de la seule compétence de l'autorité irlandaise et non de chacune des autorités, TikTok devra néanmoins prouver que son établissement en Irlande remplit les conditions d'un "établissement principal" au sens du RGPD », a signalé la CNIL. En juin, le Comité Européen de la Protection des Données (EDPB) a annoncé qu’il allait examiner les activités de TikTok au sein de l’Union, après avoir été saisi par un député européen préoccupé par ses méthodes de collecte de données et les risques en matière de sécurité et de respect de la vie privée.

Au Royaume-Uni, TikTok pourrait également être confrontée à des exigences telles que le stockage local des données s’il va de l'avant avec son projet d'établir son siège social à Londres.

Source : Politico

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Voir aussi :

France : la CNIL a lancé une enquête préliminaire sur TikTok après la réception d'une plainte, la Commission s'intéresse entre autres aux mesures prises à l'égard des mineurs
La vente potentielle des activités américaines de TikTok pourrait nécessiter l'aval de Pékin, suite à une mise à jour des règles chinoises en matière d'exportation
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