Adobe désactive tous les comptes vénézuéliens, y compris les comptes gratuits,
Pour se conformer au décret exécutif américain
Adobe, l'éditeur américain de logiciels ferme tous ses comptes au Venezuela pour se conformer au décret exécutif américain, laissant des milliers d'utilisateurs sans accès à Photoshop et Acrobat Reader. « Le gouvernement américain a publié le décret exécutif 13884, dont l'effet pratique est d'interdire presque toutes les transactions et tous les services entre les sociétés, entités et individus américains au Venezuela. Pour rester conforme à cette ordonnance, Adobe désactive tous les comptes au Venezuela », a expliqué la société dans un document publié le lundi. « Nous regrettons tout inconvénient que cela pourrait vous causer. », a-t-elle également dit dans les courriers envoyés aux utilisateurs.
En effet, en août, l'administration Trump a émis l'ordre de sanction contre le gouvernement du président vénézuélien Nicolas Maduro pour avoir prétendument usurpé la présidence et perpétré des violations des droits humains contre les citoyens du pays. Ce décret exécutif vise à empêcher les entreprises américaines de faire des affaires directement - et indirectement - avec le régime Maduro, explique la décision d’Adobe d'annuler tous ses abonnements dans le pays.
Adobe a déclaré qu'elle ne pouvait pas rembourser les Vénézuéliens pour leurs achats, car cela impliquerait également des transferts d'argent qui violeraient les sanctions américaines. L’entreprise californienne dit que « le décret exécutif 13884, ordonne la cessation de toute activité avec les entités, y compris les ventes, le service, le soutien, les remboursements, les crédits, etc. ». Même l'accès gratuit aux produits est également fermé aux citoyens vénézuéliens.
Les changements d’Adobe prendront effet le 28 octobre prochain. Les utilisateurs vénézuéliens ont donc jusqu’à cette date pour télécharger leurs données stockées sur les logiciels Adobe. Après cela, tous les comptes vénézuéliens seraient désactivés. La mauvaise nouvelle pour les citoyens du Venezuela est encore renforcée par le fait qu'Adobe ait opté pour un modèle en nuage par abonnement uniquement pour les dernières versions de ses produits. Adobe dit aussi qu’aucun achat des principaux logiciels de l'entreprise ne sera possible en magasin ou sur Adobe.com.
La période d’attente pour accéder à nouveau à leur compte n’est précisée. Il faut attendre que le gouvernement Trump change d’avis. « Le décret-loi 13884 a été publié sans date d'expiration - la décision de l'abroger appartient uniquement au gouvernement des États-Unis. Nous continuerons de suivre de près l'évolution de la situation et ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour rétablir les services au Venezuela dès que la loi le permettra », a écrit l’éditeur de Photoshop.
Le gouvernement américain a imposé des sanctions de plus en plus sévères à Caracas au cours des deux dernières années afin de forcer M. Maduro à quitter le pouvoir. Bien que les difficultés économiques du Venezuela soient antérieures à ces mesures, elles ont exacerbé la situation sur le terrain. Malgré les sanctions, M. Maduro a refusé de démissionner et bénéficie toujours du soutien financier de la Russie et de la Chine.
La pression s’est accentuée en début août dernier. Les nouvelles sanctions de Washington gèlent les avoirs du gouvernement vénézuélien aux États-Unis et mettent un terme à son commerce avec les autres pays, dans l’objectif de pousser un peu plus le président Maduro à se retirer.
En déplacement au Pérou en début août dernier, le conseiller américain à la sécurité a indiqué que les États-Unis sont prêts à cibler tout pays soutenant le président vénézuélien : « C’est un outil très rarement utilisé par les États-Unis. Nous l’avons fait avec parcimonie au cours des cinquante dernières années. Mais le régime de Maduro se joint maintenant à ce club exclusif d’États voyous comme Cuba, l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord qui sont assujettis à cette forme de sanctions », avait affirmé John Bolton.
Protestations contre la décision d’Adobe de désactiver l'ensemble des comptes au Venezuela
La décision de désactiver tous ses comptes au Venezuela a suscité une avalanche de protestations sur les médias sociaux. En effet, les utilisateurs vénézuéliens ont reçu des courriels de l'entreprise au sujet de l'annulation prochaine. Venezuelanalysis.com, un site Web indépendant réalisé par des individus qui se consacrent à la diffusion de nouvelles et d'analyses sur la situation politique actuelle au Venezuela, qui a reçu le courrier d’Adobe, a pointé du doit les effets d'entraînement dus aux sanctions mortelles américaines.
Selon José Miguel Vivanco, directeur de Human Rights Watch, basé à New York, les sanctions américaines affaiblissent la société civile. « Un désastre total ! Il faut expliquer à Trump que l'idée est de renforcer et non d'affaiblir une société civile qui lutte bec et ongles contre la dictature Maduro », a-t-il tweeté.
Même les Vénézuéliens vivant à l'extérieur du pays ont déclaré avoir été informés par Adobe que leur compte serait fermé parce qu'ils étaient initialement enregistrés au Venezuela. « Adobe ferme maintenant des comptes aux citoyens vénézuéliens sans distinction ? » a demandé un utilisateur de Twitter. « Je ne suis pas associé au gouvernement vénézuélien et je ne vis même pas au Venezuela », a-t-il indiqué. « Cette interprétation des sanctions est absurde et injuste pour les quelques entreprises honnêtes qui survivent encore au Venezuela », a déclaré un autre utilisateur sur Twitter. « Sans le secteur privé, il ne peut y avoir de reprise », a-t-il ajouté.
Geoff Ramsey, un expert vénézuélien du Bureau de Washington pour l'Amérique latine, a aussi qualifié cette initiative d’ « incroyablement contre-productive ». « Toute ONG de la société civile ou tout média indépendant qui utilise des copies enregistrées de Photoshop, InDesign ou Acrobat sera touché », a-t-il tweeté.
Adobe n’a pour l’instant pas fait d’autre commentaire après la publication de son document support, mais le compte Twitter du service à la clientèle de l'entreprise a traité certaines plaintes. Si un utilisateur basé en dehors du Venezuela a été indûment signalé, Adobe conseille aux utilisateurs de vérifier et de modifier l'adresse du pays indiquée sur leur compte. « Votre adresse municipale pour l’identifiant du compte Adobe est-elle toujours basée au Venezuela ? Nous pouvons vérifier cela pour vous, car il se peut que vous ayez besoin de changer l'adresse du pays pour le compte Adobe. », lit-on d’un tweet.
D'autres entreprises de technologie avaient déjà pris des mesures similaires. Certains utilisateurs de Twitter ont rapporté que TransferWise, un service de transfert d'argent en ligne basé au Royaume-Uni, a adopté pareilles mesures, en envoyant des lettres à ses clients au Venezuela lundi pour les informer qu'ils ne pourraient plus utiliser ce service après le 21 octobre. Cette décision est prise alors que de nombreux Vénézuéliens comptent sur ces virements d’argent qui proviennent des amis et des membres de leur famille vivant à l'étranger pour les aider à survivre à l'effondrement économique catastrophique de leur pays.
En juillet, GitHub de Microsoft a limité l'accès pour les utilisateurs payant basés en Syrie, à Cuba, en Crimée et en Iran, citant une ordonnance de sanction américaine distincte.
Pour contourner l'interdiction, les clients vénézuéliens devront peut-être envisager d'utiliser un service VPN, qui leur permettra d'accéder à Internet à partir de serveurs situés hors de leur pays d'origine. Mais le piratage pourrait également être une solution pour les citoyens afin de continuer à utiliser les produits d’Adobe.
Le président vénézuélien, a souvent fait parler de lui à propos de certaines de ces décisions. Nicolas Maduro se serait attaqué à l’Internet en bloquant l'accès à Wikipédia, l'encyclopédie gratuite en ligne, selon un rapport publié par le quotidien Haaretz en janvier dernier. En décembre 2018, le gouvernement du Venezuela cherchait imposer aux personnes âgées le paiement de leur pension mensuelle en cryptomonnaie Petro.
Sources : Adobe, Décret exécutif, Tweets (1 & 2)
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