Au début, l'électronique s'intéressait au transport d'informations par des courants électriques. La plupart de nos ordinateurs fonctionne toujours de la sorte. Puis, pour aller plus vite, les chercheurs ont tenté d'utiliser des photons, des "particules" de lumière, pour accélérer certaines opérations. C'est ainsi qu'Intel est arrivé à mettre sur le marché des circuits intégrés qui font directement le lien entre une fibre optique pour les connexions en réseau et un processeur en silicium. (Techniquement, un courant électrique est une onde électromagnétique, au même titre que la lumière : l'électronique photonique se concentre sur l'utilisation de semi-conducteurs et d'effets quantiques à des longueurs d'onde proches de la lumière visible.)

Cependant, pour certaines applications, les photons et les courants électriques se déplacent beaucoup trop vite. Par exemple, pour du traitement de signal, on doit effectuer certaines opérations précises sur des laps de temps très courts : pour sélectionner une bande de fréquences, selon les applications, on ne peut pas induire de délai de plus d'une dizaine de nanosecondes. Pendant ce temps, un photon a parcouru plusieurs mètres ! Convertir le signal photonique en signal numérique n'est pas envisageable, puisque ces opérations de conversion sont trop lentes.

La solution que ces chercheurs propose est de transformer l'onde électromagnétique en une onde sonore, de passer de photons (des "particules de lumière") aux phonons (des "particules de son"). En effet, selon les milieux, ces derniers se déplacent cent mille fois moins vite : en une dizaine de nanosecondes, une onde sonore parcourt donc plutôt quelques microns que quelques mètres. La nouveauté proposée est l'intégration de photons et de phonons, simultanément, sur la même puce de semi-conducteur.

La mise en pratique n'est pas si facile. En effet, les équipements d'électronique photonique utilisent souvent une structure de silicium sur une couche d'isolant électrique : cette solution permet de guider très efficacement les photons. Cependant, dans le cas des ondes sonores, cette structure ne sert pas à grand-chose, puisqu'elles s'échappent très facilement. Une autre difficulté est la génération de ces ondes sonores : généralement, on utilise l'effet piézoélectrique de certains cristaux, qui se gonflent quand une tension électrique est appliquée ; cependant, cet effet n'existe pas du tout dans le silicium et il est toujours difficile de mélanger plusieurs matériaux dans une même puce.

Le secret est d'utiliser directement une onde de lumière sur un métal : les photons sont chargés de l'information utile, irradient le métal (disposé selon une structure spécifique), qui peut alors se contracter et se gonfler selon les photons qui le percutent. Ce mécanisme permet de générer des ondes sonores. Celles-ci sont émises dans une direction très spécifique, ce qui facilite leur guidage à travers la puce : en fait, les ondes sonores suivent exactement le même chemin que la lumière dans les guides d'onde.

Ce mécanisme permet déjà d'atteindre des ondes sonores dont la fréquence atteint huit gigahertz, mais les chercheurs pensent pouvoir atteindre cent gigahertz. Leur technique peut s'appliquer sur beaucoup de matériaux, pas seulement du silicium. En pratique, ils peuvent déjà réaliser des filtres passe-bande (qui éliminent les fréquences basses et hautes) pour des signaux radio, avec un délai de l'ordre de quarante nanosecondes et un guide d'onde de cent cinquante microns. Avec les techniques actuelles, il faut plutôt prévoir de la place pour un guide d'onde de cinq mètres.

Source : Phys.org.